Engagement et proximité : des retouches en préparation d'ici la discussion en séance
Après son examen en commission la semaine dernière, le projet de loi Engagement et proximité arrivera dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale le 18 novembre. Le ministre Sébastien Lecornu a "bon espoir" d'un accord entre les deux chambres. S'il reste ferme sur le sujet eau et assainissement, il prévoit certains ajustements, notamment sur les compétences optionnelles et sur les indemnités d'élus.
Au même moment, il y aura le Congrès des maires à la Porte de Versailles… et la discussion à l'Assemblée nationale d'un projet de loi centré sur les maires. Le projet de loi Engagement et proximité, que les députés membres de la commission des lois ont passé au crible les 6 et 7 novembre (sur cet examen en commission, voir notre article du 8 novembre), arrivera en effet en séance le 18 novembre. Interruption la semaine suivante (semaine consacrée au contrôle parlementaire), reprise des débats le 2 décembre, commission mixte paritaire (CMP) dans la foulée. L'objectif reste bien une promulgation de la loi avant la fin de l'année. Entre autres pour supprimer à temps quelques dispositions de la loi Notr devant entrer en vigueur au 1er janvier 2020 (concernant notamment les syndicats infra-communautaires). Mais surtout parce que l'échéance des élections municipales approche à grands pas.
Ce calendrier suppose qu'un compromis entre les deux chambres puisse in fine se dessiner en CMP. A première vue, rien d'évident à cela, tant la version adoptée en commission à l'Assemblée peut sembler diverger de celle du Sénat. Pourtant, du côté du ministre Sébastien Lecornu, on ne doute pas qu'il y aura "convergence". "Ce n'est pas le même texte. Maintenant il faut qu'on commence à faire converger les positions de l'Assemblée et du Sénat, mais j'ai bon espoir", a indiqué le ministre ce 12 novembre lors d'une rencontre avec la presse. Ayant depuis le début parlé de "co-construction", il dit essayer "d'écrire ce texte comme un élu local, comme une délibération du conseil départemental de l'Eure...".
L'entourage du ministre met en avant tous les "grands morceaux" du texte qui seraient "en voie de stabilisation" : le "pacte de gouvernance", les "souplesses de fonctionnement" prévues en termes de délégation de gestion et délégation de signature entre une intercommunalité et une mairie, la question des périmètres, les sujets liés aux pouvoirs de police du maire, ceux qui relèvent des conditions d'exercice des mandats (frais de garde, protection fonctionnelle), "le principe de la réforme de la formation des élus"… Sur tout cela, il n'y aurait que des "nuances".
Autre motif de satisfaction : on est certes passé de 33 à 123 articles, puis redescendu à 100 articles… "mais on est resté sur le même terrain de jeu". Autrement dit, pas ou peu de cavaliers législatifs. "Souvent, les lois territoriales sont des porte-avions à amendements, là ce n'est pas le cas", commente Sébastien Lecornu.
Le ministère met aussi en avant certains apports de l'Assemblée, comme l'abaissement de 1.000 à 500 habitants le seuil conditionnant l’élection des conseillers municipaux au scrutin de liste paritaire.
Compétences facultatives et optionnelles : du nouveau en séance
Reste toutefois le volet compétences. Et notamment la fameuse compétence eau et assainissement (lire notre article du 8 novembre). La version du Sénat "n'est plus une option possible", et représente "un retour en arrière pas acceptable", martèle le gouvernement, disant "assumer" sa fermeté, avant tout "pour des raisons écologiques". Et Sébastien Lecornu d'évoquer l'immense enjeu des fuites (un litre d'eau sur quatre voire un litre sur deux en certains endroits serait perdu), le "mur d'investissements nécessaires qui est devant nous", ces "territoires où l'on va manquer d'eau"… Avant, encore et encore, de défendre le bien-fondé de la proposition gouvernementale, à savoir l'idée d'une possible délégation de la compétence de l'intercommunalité à la commune. Celle-ci permettant de "garantir une responsabilité au niveau de l'intercommunalité, qui est la bonne échelle", entre autres pour "s'assurer que la commune a les moyens" d'entretenir son réseau, sans pour autant "abîmer une régie, un petit syndicat" qui fonctionne bien.
Sur d'autres sujets liés aux compétences en revanche, les choses pourraient bouger. Ainsi, si la commission des lois de l'Assemblée a supprimé le transfert "à la carte" des compétences facultatives (voir l'amendement de suppression) voulu par le Sénat, c'est en fait pour préparer "une nouvelle rédaction" qui sera présentée en séance.
De même, en commission, les députés ont rétabli la catégorie des compétences optionnelles des EPCI que le Sénat avait supprimées, tout en admettant que certains assouplissements mériteraient d'être imaginés ultérieurement, par exemple dans le cadre de la future loi 3D (décentralisation, différenciation, déconcentration). Là encore, le sujet sera réabordé dans l'hémicycle. "Sur les compétences optionnelles, nous sommes ouverts à quelque chose de plus souple" pour les communautés de communes, "on bougera encore là-dessus en séance", a indiqué Sébastien Lecornu. Le ministre a même fait savoir qu'il lui restait "une semaine pour y travailler" avec les associations d'élus, à savoir principalement l'AMF et l'AdCF.
Par ailleurs, Sébastien Lecornu "travaille, en vue de l'examen en séance, à une mesure de synthèse" sur le volet indemnités d'élus. Celle-ci reposerait sur "le maintien d'un barème", le rehaussement de ce même barème mais "possibilité de souplesse" pour se placer "au-dessus ou en-dessous". "Il y a plein d'endroits où les élus ne veulent pas d'augmentation automatique", a-t-il relevé.
Formation sur ordonnance
Le ministre en a profité pour évoquer quelques sujets dépassant le seul projet de loi. Ainsi, sur la formation des élus (en commission, députés et gouvernement ont jugé déraisonnable d’étendre l'obligation de formation aux élus de toutes les communes quelle que soit leur taille), il souhaite poursuivre le chantier afin, d'une part, de "faire converger les outils" (DIF ou compte personnel de formation, formations prises en charge par la collectivité…) et, d'autre part, de "mettre de la transparence" sur les organismes et leurs tarifs. "On le fera par ordonnance, assez vite, au premier trimestre 2020", a-t-il affirmé.
Son entourage a en outre apporté une précision sur la suppression du "nuançage" des candidats pour les petites communes. On sait que Christophe Castaner avait déclaré début octobre que l'attribution d'une "nuance" politique par l'administration préfectorale pour les candidats des petites communes pourrait prendre fin (lire notre article du 9 octobre). Dans la foulée, un amendement sénatorial avait été adopté pour exclure du nuançage les communes de moins de 3.500 habitants. Or cela n'aura pas sa place dans la loi Engagement et proximité, tout simplement parce que cela ne relève pas du législatif. "Cela relève de la pratique administrative" et sera donc réglé par une prochaine instruction du ministère de l'Intérieur. Le seuil devrait être de 9.000 habitants et sera en vigueur dès les élections de mars 2020.
Enfin, expliquant qu'il avait été "arbitré" de ne pas aborder les métropoles dans ce projet de loi, Sébastien Lecornu a fait savoir qu'il y aura bien en revanche "un titre métropolitain" dans le futur projet de loi 3D de Jacqueline Gourault. Et que ce titre inclura bien le Grand Paris. "Je souhaite qu'on bouge là-dessus", a déclaré le ministre, qui devrait être chargé de ce volet-là. Une "séquence de concertation" est prévue entre les municipales et l'été.
AMF et maires ruraux toujours vent debout
Tandis que Sébastien Lecornu et son équipe affichent leur confiance quant à l'issue des travaux parlementaire, le jour même, l'Association des maires de France (AMF) et l'Association des maires ruraux (AMRF) prenaient la plume de concert pour dénoncer "la remise en cause des avancées favorables aux libertés communales et intercommunales" suite aux modifications apportées par les députés en commission. Les deux associations considèrent que "les députés ont supprimé l’ensemble des dispositions qui introduisaient de la souplesse dans l’organisation des compétences". Et demandent notamment : un retour à la version Sénat pour l'eau et l'assainissement (elles jugent le mécanisme de délégation voulu par le gouvernement "peu applicable au regard de sa complexité") et une diminution du nombre des compétences obligatoires des communautés de communes et d’agglomération. "Si la seule perspective offerte par le gouvernement et la majorité est surtout de ne rien modifier, les élus pourront considérer que les engagements du président de la République seront restés lettre morte", écrivent-elles dans leur communiqué.
A une semaine du congrès des maires, dont la première journée s'achèvera par la venue d'Emmanuel Macron, les termes sont évidemment choisis. Sébastien Lecornu, lui, estime qu'au-delà du "climat classique des relations maires / Etat", "nous avons tous le devoir de réussir ce congrès". Selon lui, "sur l'eau et l'assainissement, l'AMF commence à voir l'intérêt de la proposition du gouvernement".
S'exprimant de son côté, l'Association des petites villes (APVF) estime elle aussi que "le compte n’y est pas", pas forcément pour les mêmes raisons, mis à part le chapitre eau et assainissement. Elle se félicite de plusieurs points maintenus en commission : conférence des maires, suppression de la révision obligatoire des schémas départementaux de coopération intercommunale… Parmi ses griefs, la question des indemnités. Rappelant que "c'est souvent dans les petites villes qu’il est le plus difficile pour les élus de concilier un mandat local avec l’exercice d’une activité professionnelle", l’APVF demande que les strates démographiques entre 3.500 et 19.999 habitants soient fusionnées et que le plafond de l’indemnité pour les maires de ces communes soit porté à 80% de l’indice 1015 du cadre d’emploi, soit 3.096 euros bruts par mois."