Engagement et proximité : les députés ont multiplié les gestes en direction des maires et du Sénat
Au terme d'une semaine de discussions dans l'hémicycle, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, ce mardi 26 novembre en fin de journée, le projet de loi porté par Sébastien Lecornu. Un texte sur lequel elle avait, dès l'examen en commission, montré de profondes divergences avec le Sénat. Mais en séance, alors que se tenait au même moment le congrès des maires de France, les députés ont lâché du lest. Ils ont notamment acté plusieurs assouplissements concernant la question des compétences de l'intercommunalité.
Le projet de loi Engagement et proximité a été adopté ce mardi 26 novembre en fin de journée : 395 voix pour, 33 votes contre et 126 abstentions. Les élus LREM et MoDem ainsi que la plupart des élus UDI-Agir et Libertés et Territoires ont voté pour, les autres groupes s'abstenant majoritairement. Certains députés LR ou socialistes ont toutefois voté pour. Lors des explications de vote, les groupes d'opposition ont naturellement mis en avant des "déceptions", que ce soit pour regretter les limites du texte ("un empilement de mesures", "des ajustements trop souvent seulement techniques", le fait que sur nombre de points les gouvernement ait "renvoyé vers le futur projet de loi dit 3D"...) ou, parfois, pour se dire plus proches des choix du Sénat. Tous ou presque ont néanmoins dit avoir apprécié "la qualité des échanges" et du travail mené avec le ministre Sébastien Lecornu, y compris entre l'examen en commission et la discussion en séance.
La version établie par la commission des lois de l'Assemblée nationale n'avait guère plu à l'Association des maires de France et à l'Association des maires ruraux de France. Dans un communiqué commun, elles s'étaient élevées, le 12 novembre, contre le choix des députés de faire une croix sur "l’ensemble des dispositions" qui introduisaient de la souplesse dans l’organisation des compétences entre les communes et leurs intercommunalités. Dans l'hémicycle, la semaine suivante, les députés n'ont pas été insensibles au message délivré par les deux alliés de circonstance. Avec le soutien du gouvernement, ils ont en effet lâché du lest sur cette partie du texte.
"L'intercommunalité à la carte" qu'avait instauré le Sénat pour l'exercice des compétences facultatives et la gestion de certains équipements d’intérêt communautaire (…) risque d'aboutir à la partition des conseils communautaires", a pointé dans l'hémicycle le ministre chargé des collectivités territoriales. En évoquant aussi une "usine à gaz inimaginable". Pour autant, il a soutenu deux amendements identiques – l'un du rapporteur (LREM) Bruno Questel et l'autre de la majorité – qui introduisent "une forme de différenciation intracommunautaire, permettant d’exercer différemment les compétences facultatives des intercommunalités", selon le député (LREM) Sacha Houlié.
Stop à toujours plus d'intercommunalité
Autre geste en direction des maires : sur les compétences en matière et d'eau et d'assainissement, l'Assemblée nationale ne s'est pas contentée de réintroduire le mécanisme de délégation au profit des communes membres d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération. Elle a en effet élargi cette possibilité à la gestion des eaux pluviales urbaines. En outre, tirant les conséquences du transfert obligatoire à l'intercommunalité, au 1er janvier 2020, des compétences optionnelles en matière d'eau et d'assainissement – avec les assouplissements que nous avons indiqués – les députés ont abaissé de trois à un le nombre des compétences optionnelles devant être exercées par les communautés de communes et les communautés d’agglomération. Les intercommunalités ne seront donc pas obligées d'exercer l'an prochain deux compétences supplémentaires. "La stabilité ne peut signifier un degré supplémentaire d’intégration", a estimé le ministre. Qui a également défendu une "vraie mesure de simplification". Celle-ci "doit être vue comme une compensation du transfert progressif de la compétence eau et assainissement", a commenté pour sa part Sacha Houlié.
Sur la compétence tourisme, l'Assemblée nationale a également assoupli le cadre fixé par la loi Notr d'août 2015. La "promotion touristique" relèvera des missions de l'intercommunalité, tandis que "l'animation touristique" sera une compétence partagée entre celle-ci et les communes qui le souhaiteront. Ce consensus élaboré par des députés de différents groupes politiques "devrait apaiser le débat et, sans casser ce qui existe déjà, permettre de trouver un équilibre quelle que soit la diversité des intercommunalités et des spécificités des zones touristiques", a estimé Martial Saddier (LR). Toujours dans le domaine du tourisme, les députés ont élargi aux communes touristiques, mais qui ne sont pas classées "stations de tourisme", la possibilité d'exercer de nouveau la compétence "promotion du tourisme, dont la création d’office de tourisme". Le texte initial réservait cette faculté aux stations de tourisme stricto sensu.
Indemnités de fonctions : entre garantie et modulation
Sur les indemnités de fonctions des maires et adjoints aux maires des communes de moins de 3.500 habitants, sujet également sensible, les députés ont validé un nouveau régime : le maire touchera une indemnité par défaut (environ 1.670 euros pour les communes de 1.000 à 3.500 habitants), qui pourra être rehaussée par un vote du conseil municipal, dans la limite d'une indemnité maximale.
En matière de parité dans les assemblées municipales, les députés avaient décidé, en commission, d'étendre le scrutin de liste paritaire, à partir de 2026, à toutes les communes de 500 à 1.000 habitants. En séance, ils ont fait un petit pas supplémentaire : un adjoint démissionnaire ne pourra être remplacé que par un candidat du même sexe. La parité parmi les adjoints au maire sera ainsi maintenue.
Sur le volet du texte dédié aux pouvoirs de police du maire, les députés ont reconnu à la vidéoprotection une "force probante" pour identifier et verbaliser les personnes qui déposent des déchets de manière sauvage. Le maire de Signes (Var) était décédé le 5 août dernier pour avoir tenté d'aborder une personne ayant commis ce type d'infraction. L'Assemblée a aussi permis aux maires d'infliger une amende de 500 euros aux commerces qui vendent de l'alcool la nuit, aux heures où cela est interdit.
Par ailleurs, les députés ont opéré plusieurs retours en arrière. Suivant l'avis du gouvernement, ils sont revenus sur la mesure de police, introduite en commission à l'initiative du groupe Libertés et Territoires, qui permettait au maire d’interdire la mise en location d’un logement "insalubre, indigne, ou dangereux". "L’objectif de cette nouvelle police spéciale est déjà satisfait par les polices existantes", a soutenu le gouvernement.
Justice : une meilleure information
En outre, la commission des lois avait rayé d'un trait les nouvelles obligations mises par le Sénat à la charge du procureur de la République. Ce dernier devait informer le maire, de manière automatique, des suites judiciaires données aux infractions signalées par lui ou constatées par les agents de police municipale de sa commune. Cela "crée un rapport hiérarchique entre le procureur de la République et le maire qui (…) apparaît contraire à la séparation des pouvoirs", expliquaient les députés de la majorité à l'étape commission. Mais l'Assemblée reconnaît désormais une "erreur" d'appréciation. La mesure favorise bien la "fluidification des rapports" entre le maire et le Parquet et "une meilleure circulation de l’information".
Sincère ou non, l'Assemblée nationale donne en tout cas avec cette mesure – et les assouplissements sur le partage des compétences entre les communes et leur intercommunalité – des gages à la Chambre haute. De quoi, probablement, faciliter quelque peu la réunion de la commission mixte paritaire, prévue pour le 11 décembre, chargée d'élaborer un texte commun.
Malgré les rapprochements ou compromis opérés en séance, dont certains à l'initiative du gouvernement, la tâche s'annonce ardue. Lors des explications de vote, plusieurs députés ont évoqué cette CMP en espérant que d'ici là, d'autres avancées s'ébauchent. "Il faudra notamment trouver d'autres issues" sur l'eau, la question du scrutin de liste, les compétences optionnelles et les indemnités, a par exemple résumé en substance Raphaël Schellenberger au nom du groupe LR. Ardue, mais pas impossible.
Parmi les très nombreuses dispositions nouvelles introduites en séance par l'Assemblée nationale, on signalera également :
Droits des élus
? Création d'un droit pour "tout élu local" de consulter un référent déontologue chargé de lui apporter "tout conseil utile au respect des principes déontologiques" figurant dans la charte de l'élu local.
? Extension aux élus des communautés de communes exerçant une activité professionnelle, de la possibilité de bénéficier d’autorisations d’absence (non rémunérées), afin de participer aux réunions obligatoires liées à leur mandat.
? Extension aux conseillers départementaux et régionaux du bénéfice des facilités d'accès au télétravail.
? Possibilité pour un dixième des membres du conseil municipal de demander l’organisation d’un débat portant sur la politique générale de la commune lors de la réunion suivante du conseil municipal.
Relations entre le maire et l'État
? Après les élections municipales, organisation par le préfet et le procureur de la République d'une réunion avec les maires, au cours de laquelle ils présentent les attributions que ces derniers exercent au nom de l’État et comme officiers de police judiciaire.
? Inscription dans la loi du principe selon lequel, en cas d'accident, lorsque le préfet prend la direction des opérations de secours, il en informe les maires des communes concernées. "Il s’agit de l’une des premières réponses concrètes et opérationnelles après Lubrizol", a affirmé Sébastien Lecornu.
Démocratie participative
? Possibilité pour les habitants des communes rurales de constituer des "conseils de villages".
? Introduction dans le code général des collectivités territoriales d'un cadre juridique de la participation citoyenne au niveau local.
Divers
? Assouplissement des règles de participation minimale du maître d’ouvrage au financement des investissements concernant : les ponts et ouvrages d’art, la défense extérieure contre l’incendie et, enfin, la construction, la reconstruction et l'extension des centres de santé.
? Instauration, au profit des communes, d'un droit de préemption des surfaces agricoles situées dans les aires d’alimentation des captages d’eau potable.
? Création d'un cadre juridique plus simple pour l'installation des cafés dans les petites communes (engagement pris par le Premier ministre le 20 septembre dernier, dans le cadre des annonces de l'Agenda rural).
? Lancement d'une expérimentation de trois ans au cours de laquelle au moins un agent de toutes les communes de plus de 10.000 habitants sera formé obligatoirement à la langue des signes française.
? Organisation d'une consultation avec les professionnels concernés lorsque la commune souhaite transférer ou supprimer un lieu traditionnellement ouvert à l'installation des cirques ou des fêtes foraines.