Énergies renouvelables en zones littorales : le silence de l’administration vaudra refus
Les nouvelles entorses à la loi Littoral récemment introduites pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables seront soumises à des autorisations délivrées par l’État au cas par cas. Pour accentuer le caractère exceptionnel de cette procédure, un décret, paru ce 29 juin, prévoit que le silence gardé sur une demande vaudra refus, à l’expiration d’un délai de quatre mois.
Présenté la veille en conseil des ministres par le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, et la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, un décret d’application de la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables (ENR), paru ce 29 juin, précise les modalités de délivrance par l’État des autorisations permettant de déroger aux restrictions définies par la loi Littoral (n° 86-2 du 3 janvier 1986) au bénéfice du déploiement des ENR (sur terre et en mer). Les articles 27, 37 et 66 de la loi ENR ont en effet introduit de nouvelles entorses à la loi Littoral, d’une part, pour faciliter l’implantation des ouvrages du réseau public de transport d’électricité nécessaires au développement de l’éolien en mer et à la décarbonation des industries et, d’autre part, pour favoriser celle des ouvrages nécessaires à la production d’énergie solaire photovoltaïque ou thermique sur des friches ou des bassins industriels de saumure saturée, en discontinuité de l’urbanisation. La loi prévoit que le bénéfice de ces dispositifs dérogatoires est soumis à l'obtention d'une autorisation spéciale de l'État délivrée au cas par cas.
Équilibre à trouver entre protection du littoral et développement des ENR
L’objet du présent décret est principalement d’inscrire cette procédure en dehors de la règle du "silence vaut accord" (SAV) définie à l'article L.231-1 du code des relations entre le public et l’administration. "L’objet de ces autorisations est de permettre de déroger à des règles de protection particulièrement importantes pour la sauvegarde des secteurs littoraux et leur caractère exceptionnel s’oppose ainsi à ce qu’elles puissent faire l’objet de décisions d’acceptation tacite", expliquent les ministères concernés. "Les communes littorales sont des espaces à forts enjeux environnementaux et paysagers. Il convient donc de s’assurer qu’un projet ne pourra pas bénéficier d’une dérogation aux dispositions protectrices de la loi dite littoral sans avoir fait l’objet au préalable d’un strict contrôle du respect des conditions définies par la loi. Il est par conséquent nécessaire que ces autorisations ne puissent pas être délivrées de façon tacite", insistent-ils. Le gouvernement veut ainsi s’assurer d’une "bonne conciliation" entre l’objectif d’accélération des énergies renouvelables et les enjeux de protection du littoral.
La décision implicite de rejet "naît à l'expiration d'un délai de quatre mois", ajoute le texte. "La complexité de la procédure d'instruction des demandes d'autorisation justifie également d'allonger à quatre mois [au lieu de deux mois] le délai de naissance des décisions implicites", justifie la notice. Les ministères rappellent notamment la nécessité de réunir la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS), qui doit donner son avis sur le projet et, le cas échéant, de mener une procédure de consultation du public. Selon les cas, l'organe délibérant de l'EPCI compétent en matière de plan local d'urbanisme (PLU) concerné ou, à défaut, du conseil municipal de la commune concernée, est en outre consulté pour avis.
Le décret désigne le ministre chargé de l'urbanisme comme l'autorité compétente pour délivrer les autorisations prévues à l'article L.121-12-1 du code de l’urbanisme, c’est-à-dire pour les ouvrages nécessaires à la production d'énergie solaire photovoltaïque ou thermique sur les friches littorales. La liste de ces friches sera fixée ultérieurement par décret.
Enfin, pour le raccordement électrique des projets industriels de décarbonation (article 27 de la loi ENR), le décret aménage la possibilité de modifier à nouveau par décret le délai à l'expiration duquel sont acquises les décisions implicites de rejet. Un futur décret devra également lister les sites industriels visés par ce dispositif dérogatoire.
Référence : décret n° 2023-517 du 28 juin 2023 fixant certaines modalités d'application des articles 27, 37 et 66 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, JO du 29 juin 2023, texte n° 33. |