Énergie : les 27 s’entendent sur un mécanisme temporaire de correction du marché du gaz
Les 27 ont, à quelques jours de Noël, su trouver un accord sur un "mécanisme temporaire de correction du marché" du gaz, permettant ainsi de débloquer la signature officielle de deux autres règlements qui visent eux aussi à répondre à la crise énergétique. De son côté, la Commission donne ses consignes aux États membres pour mettre à jour leur plans nationaux énergie-climat, qui doivent être actualisés au plus tard en juin 2024.
À l’issue du conseil des ministres de l’énergie du 19 décembre dernier, le ministre de l’Industrie tchèque Jozef Síkela a sans doute pu savourer le champagne qu’il avait indiqué avoir mis au frais lors du précédent conseil du 24 octobre (voir notre article du 29 novembre). Sous son impulsion – en conférence de presse, il arborait un t-shirt proclamant "Nous convoquerons autant de conseils des ministres de l’énergie que nécessaire" –, ou de guerre lasse, les 27 ont en effet su trouver les ressources pour s’accorder sur le contenu du règlement introduisant un "mécanisme temporaire de correction du marché" pour limiter les prix du gaz. Un dispositif qui a eu bien du mal à voir le jour, suscitant moult tensions depuis plusieurs semaines (voir notre article du 12 septembre). Son adoption a permis de débloquer l’approbation officielle de deux autres règlements qui avaient déjà reçu le feu vert des 27 lors du conseil du 24 novembre dernier :
- le règlement "renforçant la solidarité grâce à une meilleure coordination des achats de gaz, à des prix de référence fiables et à des échanges transfrontières de gaz" d’une part ;
- le règlement visant à accélérer les procédures d’octroi de permis pour les énergies renouvelables, dont le projet avait été présenté par la Commission le 9 novembre (voir notre article du 10 novembre) d’autre part.
Plafonnement du prix du gaz
Après bien des psychodrames dont l’Union européenne a le secret, les 27 se sont accordés sur un dispositif qui se déclenchera automatiquement, à compter du 15 février prochain et pendant un an, lorsque le prix du gaz sur la plateforme d’échanges néerlandaise TTF pour le mois suivant aura dépassé pendant trois jours ouvrables les 180 euros/MWh (contre 275 euros pendant deux semaines dans la version initialement présentée par la Commission), tout en étant supérieur d’au moins 35 euros/MWh au prix de référence mondial du gaz naturel liquéfié (GNL) sur la même période (contre 58 euros pendant dix jours de transactions boursières dans la version précédente). Actuellement, le coût du MWh est inférieur à 75 euros, alors qu’il avait dépassé les 340 euros en août dernier.
Lorsque ce mécanisme sera activé, les transactions dépassant une "limite d’offre dynamique" – égale au prix de référence du GNL majoré de 35 euros/MWh – ne seront pas autorisées pendant au moins 20 jours ouvrables. Le mécanisme sera automatiquement désactivé lorsque ladite limite d’offre dynamique sera inférieure à 180 euros/MWh pendant trois jours ouvrables consécutifs, ou en cas de situation d’urgence déclarée par la Commission, notamment en cas de "détérioration considérable de l’état d’approvisionnement en gaz entraînant une situation dans laquelle l’approvisionnement en gaz est insuffisant pour satisfaire la demande de gaz restante". Un mécanisme de suspension du dispositif est également prévu en cas de "survenance de perturbations involontaires du marché ayant une incidence négative sur la sécurité de l’approvisionnement, sur les flux de gaz intra-Union ou la stabilité financière, ou en cas de risques manifestes de telles perturbations". Ce mécanisme vise, sur les plateformes virtuelles de négociation, les instruments dérivés à échéance d’un mois, trois mois et un an, mais ne s’appliquera pas aux transactions de gré à gré, aux échanges à échéance d’un jour et intrajournaliers. "Bien qu’il s’agisse d’une proposition relativement succincte, il s’agit d’un mécanisme très complexe avec de nombreux éléments techniques, qui a résulté d’une négociation intense entre les pays membres et qui a réclamé une approche très sensible, afin de trouver une solution de compromis acceptable pour toutes les parties", a conclu le ministre Jozef Síkela, qui aura convoqué pas moins de 5 conseils extraordinaires de l’énergie pendant les six mois de la présidence tchèque.
Plafonnement du prix du pétrole russe
Ce plafonnement du prix du gaz fait suite à la décision du Conseil de l’UE (et du G7 et de l’Australie) du 3 décembre dernier de plafonner le prix du pétrole russe à 60 dollars américains le baril, applicable depuis le 5 décembre dernier – date d’entrée en vigueur de l’embargo sur le pétrole russe livré par voie maritime en Europe, adopté en mai (6e paquet de sanctions). Le Conseil attend de ce plafond qu’il contribue à stabiliser les prix mondiaux de l’énergie mais aussi à entraîner "une réduction drastique" des recettes que la Russie tire du pétrole. Au-dessus de ce prix, le transport maritime vers des pays tiers de pétrole russe à compter du 5 décembre, et de produits pétroliers russes, à compter du 5 février 2023, sera interdit. Le Conseil a toutefois introduit une "clause d’urgence" autorisant le transport de pétrole russe au-delà de ce plafond lorsqu’il est "nécessaire à la prévention ou à l'atténuation à titre urgent d'un événement susceptible d'avoir des effets graves et importants sur la santé et la sécurité humaines ou sur l'environnement, ou en réaction à des catastrophes naturelles". Ce mécanisme de plafonnement sera réexaminé à la mi-janvier, puis tous les deux mois. Le texte dispose que le plafond de prix "est inférieur d’au moins 5% au prix moyen du marché du pétrole et des produits pétroliers russes".
Deux nouvelles communications de la Commission
De son côté, la Commission a publié fin décembre deux nouvelles communications relatives à l’énergie :
- la première vise à "aider les États membres souhaitant se lancer dans des projets de coopération transfrontalière dans le domaine de la production d’énergie à partir de sources renouvelables à trouver une solution mutuellement avantageuse pour le partage des coûts et des avantages connexes" ;
- la seconde a trait aux plans nationaux en matière d’énergie et de climat (PNEC) pour la période 2021-2030, outils prévus par le règlement de 2018 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat que les États membres doivent mettre à jour d’ici le 30 juin 2024 (avec une présentation des projets en juin 2023). La Commission y dresse un certain nombre de passages obligés que les États membres se devront d’emprunter dans ces PNEC renouvelés, qui portent sur les "cinq dimensions de l’Union de l’énergie : la sécurité énergétique ; le marché intérieur énergie ; l’efficacité énergétique ; la décarbonation ; la recherche, l’innovation et la compétitivité".
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