Encadrement des rave-parties : le Sénat hausse (un peu) le ton
Le Sénat a adopté, ce 22 octobre, une proposition de loi tendant à renforcer l'encadrement des rave-parties et les sanctions à l'encontre de leurs organisateurs. Concernant les petits rassemblements, un régime de déclaration obligatoire auprès des maires a notamment été introduit pour leur permettre d’engager la concertation, et si nécessaire de saisir le matériel.
Le régime d’encadrement des rave-parties, sous la supervision des préfets, tel que mis en place il y a une quinzaine d’années par la loi du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne ne fonctionne pas. Un constat à l’origine d’une proposition de loi (PPL) visant à durcir les sanctions à l’encontre des organisateurs de ces rassemblements festifs, dont l’initiative revient à la sénatrice LR du Gard, Pascale Bories. Examinée dans le cadre de la niche parlementaire, la PPL a toutefois peu de chances d’aller à son terme, malgré son adoption par le Sénat ce 22 octobre. Il n’aurait donc pas été illogique de l’intégrer dans le projet de loi Engagement et proximité (voté ce même jour par la Chambre haute), puisqu'il y est débattu du renforcement des pouvoirs de police du maire. "Nous y avons pensé", reconnaît le rapporteur de la commission des lois, Henri Leroy, "mais il s'agit des pouvoirs de police du préfet. Le présent texte ne crée aucun pouvoir de police du maire". Une frontière tenue largement responsable de la défaillance du dispositif actuel. Le préfet se trouve en effet substitué au maire pour l'exercice du pouvoir de police concernant ces rassemblements musicaux encore appelés free-parties. Cette substitution n'est cependant pas totale et ne se déclenche qu'au-delà d'un seuil de 500 participants fixé par décret.
3.200 free-parties dans l’angle mort
En deçà de ce seuil, c'est le maire seul qui fait face à ces événements. "Or, comme aucune disposition spécifique n'est prévue, les fêtes libres de moins de 500 participants ne relèvent d'aucune police particulière", insiste le rapporteur, et se tiennent, moyennant la simple autorisation du propriétaire du terrain, très majoritairement en zone rurale, avec leur lot de nuisances, en particulier pour les riverains et l’environnement. Leur nombre total serait de l'ordre de 4.000 par an "dont plus de 80 % constitués de fêtes de moins de 500 participants". Et la plupart du temps la déclaration préalable en préfecture n’existe pas : "(…) en moyenne, seuls deux récépissés sont délivrés chaque année, ce qui veut dire qu'il n'y a que deux rassemblements légaux sur les quelque huit cents susceptibles d'être déclarés chaque année". Le rapport souligne également le peu de sanctions prononcées : "en 2018, il y a eu soixante-dix condamnations à des peines d'amende, dont le montant moyen s'élève à 418 euros, et deux confiscations de matériel". Le Sénat partage donc globalement l’objectif de la proposition de loi de mieux les encadrer, à l’exception du groupe CRCE peu à l’aise avec cette posture sécuritaire. Une rhétorique dont s’est écartée la commission des lois s’appliquant à arrondir les angles du dispositif répressif initialement proposé.
Déclaration au maire
Plutôt que d’abaisser le seuil réglementaire à 300 participants (ce qui relève au passage du décret), la commission a mis en place un régime de déclaration simple au maire un mois avant l'événement. À défaut, la possibilité de saisie du matériel sera ouverte, ce qui n'est pas possible à l'heure actuelle pour les petits rassemblements. Une solution jugée "contre-productive" par le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, Laurent Nunez, qui conduira, in fine, le maire "à se tourner vers les services de l’État" et "pourrait inciter des organisateurs à contourner la procédure de déclaration au préfet". Un effet pervers également pointé par le groupe socialiste qui a voté contre ce texte, privilégiant la voie du dialogue à celle de la répression. "Tel Ulysse attaché au mât de son navire, le maire pourra écouter le chant des sirènes sans pouvoir agir. C'est une position inconfortable pour répondre aux sollicitations de ses administrés. Du côté des initiateurs de la manifestation, tant que ces derniers éprouveront le sentiment qu'en jouant le jeu du régime déclaratoire, ils risquent de se faire piéger davantage, ils ne pourront qu'être incités à choisir la clandestinité", s’est expliqué Jérôme Durain (Saône-et-Loire).
Nouveau délit
La transformation de la contravention actuelle en un délit - assorti d’une amende de 3.750 euros - n’a pas plus emporté la conviction. "Nous pourrions être favorables à la création d'un délit pour les rassemblements de plus de 500 participants, non pour des mouvements de faible envergure", a estimé le secrétaire d’État. Par ailleurs, la commission a jugé préférable de substituer à la peine de prison envisagée par la PPL des travaux d'intérêt général. "Or, les prérogatives dont le rapporteur parle [garde à vue, enquêtes en flagrance] ne sont mobilisables que lorsque les peines encourues sont la prison", a relevé le secrétaire d’État. Plus consensuelle, la proposition, introduite par le rapporteur, d’élaborer une charte d’organisation des rave-parties a fait l’objet de quelques retouches en séance. Définie par arrêté conjoint du ministre de l’Intérieur, du ministre de la Jeunesse mais aussi du ministre de la Culture, après concertation avec les représentants des organisateurs et des associations de représentants des communes, cette charte permettra, espère le rapporteur, "de relancer le dialogue entre organisateurs et pouvoirs publics". Une idée pas si nouvelle. L'association Technopol - à l'origine de la Techno Parade - a initié la démarche, en réalisant, en 2006, avec le soutien du ministère de la Culture, un "Guide de la fête" destiné aux promoteurs de soirées technos.