Emploi - Emplois d'avenir : un démarrage lent... mais bien ciblé
Au total, près de 5.000 emplois d'avenir ont été signés depuis leur création dans le cadre de la loi du 9 octobre 2012. L'objectif du gouvernement est d'atteindre 100.000 emplois de ce type d'ici 2013 et 150.000 fin 2014. On est donc encore bien loin du compte, avec un démarrage assez lent du dispositif, mais le ministère du Travail veut y croire. Son cabinet assure ainsi que l'Etat signe en ce moment des conventions avec les collectivités, réseaux, associations et autres établissements publics et que les engagements portent sur plus de 40.000 recrutements. "L'objectif de 100.000 emplois d'avenir à fin 2013 devrait être atteint", assure le cabinet, précisant toutefois, par prudence, que "l'objectif du dispositif est avant tout qualitatif : l'insertion durable des jeunes les plus éloignés de l'emploi". Le ministre en personne, Michel Sapin (ici en photo venu signer des emplois d'avenir dans la Nièvre et échanger avec les jeunes concernés), appelait le 7 février les associations et les collectivités à "faire un effort".
S'exprimant le 29 janvier lors d'un colloque sur les métiers et emplois d'avenir dans l'économie sociale et solidaire (ESS), Benoît Hamon, le ministre délégué en charge de l'ESS, avait pour sa part évoqué ce démarrage lent en esquissant un parallèle avec les emplois jeunes. "Nous sommes presque exactement, à l'emploi près, au rythme de progression des emplois jeunes. Il faut du temps, ce n'est pas un programme facile car il pose des exigences pour les jeunes et pour les employeurs, et c'est en plus un programme qui cible les jeunes peu ou pas qualifiés", avait-il insisté, assurant que dans le secteur de l'ESS, un potentiel de 50.000 emplois d'avenir était là. De son côté, le Conseil national des missions locales (CNML) explique ce retard par le travail nécessaire à faire entre le moment où l'offre paraît et le moment où le jeune est prêt à occuper l'emploi, avec une phase de formalisation à réaliser.
En revanche, concernant la cible visée - les jeunes peu ou pas qualifiés -, le dispositif semble remplir ses objectifs. Sur les 2.500 premiers emplois d'avenir, qui ont fait l'objet d'une analyse au ministère du Travail, plus de 90% concernent des jeunes peu ou pas diplômés, très majoritairement inscrits à Pôle emploi (83%). 45% de ces emplois d'avenir ont été conclus avec des jeunes ayant un niveau inférieur au CAP/BEP et 35% avec des jeunes de niveau CAP/BEP. En outre, 59% des jeunes étaient sans emploi depuis plus de six mois.
Des contrats principalement signés par des associations
"On a bien touché la cible des jeunes qu'on souhaitait atteindre, ceux qui sont au niveau CAP ou BEP, c'était un objectif primordial et ce n'est pas une cible facile à recruter", confirme le cabinet du ministère du Travail.
Globalement, à 95%, les emplois d'avenir se situent dans le secteur non marchand. Une large part est conclue par les associations (46%) et, dans une moindre mesure, par les collectivités territoriales (33%, dont 90% dans les communes). Les autres employeurs sont des établissements publics sanitaires (11%), et d'autres établissements publics (7%). "Les emplois d'avenir sont essentiellement tirés par le tissu associatif, il n'y a pas encore une forte implication des collectivités territoriales car les délibérations sont moins rapides, explique Jean-Charles Blanc, directeur territorial Pôle emploi dans le Var. Mais cela devrait changer car pour les collectivités, et face à la situation des jeunes, il paraît difficile de ne rien faire."
Les jeunes sont recrutés majoritairement dans les secteurs des loisirs et de l'animation (16,5%) mais aussi de l'aide à la vie quotidienne (14,5%). 8% d'entre eux sont embauchés en tant que personnels hospitaliers, et entre 6 et 8% sur des activités liées à l'entretien des espaces verts, à la maintenance ou aux nettoyage de locaux. Les contrats signés sont plutôt longs : les deux tiers d'entre eux ont une durée comprise entre deux et trois ans.
Certaines régions sont plus avancées que d'autres. En Provence-Alpes-Côte d'Azur par exemple, 535 emplois d'avenir ont déjà été signés. Ces emplois ont été principalement signés par des associations (63%). Dans certains départements, comme le Var, les acteurs locaux de l'emploi y voient une aubaine. Depuis septembre 2012, ce territoire a perdu quelque 1.500 emplois, du fait notamment de la baisse des commandes publiques et de la crise dans le bâtiment, et l'année 2013 s'annonce aussi compliquée. "On n'a pas cinquante solutions, il faut mobiliser tous les instruments de la politique de l'emploi et les emplois d'avenir représentent pour les jeunes non qualifiés une opportunité pour disposer d'une première expérience professionnelle", témoigne Jean-Charles Blanc. Dans ce département, 187 emplois d'avenir ont déjà été signés.
14.000 emplois d'avenir pour la région Ile-de-France
Partout ailleurs en France, les annonces de signatures se multiplient. Notamment de la part de grandes collectivités, dont les conseils généraux, qui s'affichent souvent à la fois comme employeurs directs et comme prescripteurs et financeurs. Ainsi par exemple, au lendemain du vote de la loi, le conseil général du Rhône a annoncé pour les deux années à venir le recrutement de 50 jeunes en emplois d'avenir pour ses propres services et le cofinancement de 650 autres auprès de "structures partenaires", de communes et d'associations. De même, le département d'Ille-et-Vilaine s'est engagé, le 20 décembre, à recruter 70 jeunes en emplois d'avenir au sein de ses services (accueil, service général et cuisine dans les collèges, équipes mobiles d'assistance technique). Il doit aussi accompagner le recrutement de 50 emplois d'avenir dans le secteur médicosocial relevant de sa compétence sur des postes relatifs à l'aide à domicile, à la prise en charge des personnes âgées et handicapées notamment. Le conseil général du Nord va quant à lui financer 150 emplois, dont 50 dans ses services.
Le conseil régional d'Ile-de-France doit signer le 14 février un plan emploi incluant un soutien à la création des 14.000 emplois d'avenir prévus par l'Etat sur le territoire francilien. Ce plan prévoit notamment des compléments de rémunération pour les associations qui embauchent et le cofinancement de formations débouchant sur les emplois d'avenir. Ces aides vont surtout concerner le secteur associatif de l'ESS, la région estimant que les grandes entreprises comme la SNCF, la RATP, la Poste, et même les collectivités qui n'ont pas besoin de cela pour former et embaucher.
Le volet formation des emplois d'avenir commence à prendre forme, en matière de financement et d'organisation. Des engagements ont été pris dans ce domaine par l'Etat et les principaux financeurs de la formation. Le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) va ainsi lancer un appel à projets de 30 millions d'euros dédiés à la formation des jeunes en emploi d'avenir. L'Usgeres (Union des syndicats et groupements d'employeurs représentatifs de l'économie sociale) a signé une convention avec l'Etat pour apporter une formation aux jeunes recrutés en emploi d'avenir, avec 20 millions réservés à ces actions par la société Uniformation, un organisme paritaire collecteur agréé (Opca) de l'économie sociale.
"Il faut prévoir un accompagnement"
Pour les jeunes embauchés en collectivité, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) assurera le financement de leur formation. Les régions mettent elles aussi la main à la pâte, à l'image de ce que prévoit l'Ile-de-France. "De très nombreux conseils régionaux ont également voté, ou sont en train de le faire, des engagements pour financer de la formation", assure le cabinet du ministère du Travail.
Les besoins sont importants car les jeunes qui occupent ces postes sont très éloignés de l'emploi et n'ont pas ou plus les habitudes nécessaires pour travailler en entreprise. La caisse d'allocation familiale (CAF) du Var a été prise de cours par ce problème. Après avoir recruté 18 jeunes sur ces emplois, en tant que téléconseillers, elle a mis fin aux contrats de six d'entre eux. La raison invoquée était le manque de compétences. Pour Jean-Charles Blanc, "il faut prévoir un accompagnement, un tutorat spécifique pour que ces jeunes puissent s'imprégner de la culture d'entreprise, car ils ne sont pas prêts au lendemain de la signature du contrat." D'après lui, ce qui est arrivé à la CAF du Var est un épiphénomène mais il "nous a beaucoup appris sur la façon dont on doit accueillir un jeune qui n'a pas travaillé, qui n'est presque jamais allé à l'école, et sur la nécessité de bien préparer l'entreprise et le jeune." Dans le cas où les structures qui emploient les jeunes disposent de formations internes, "il faut les adapter", assure le responsable de Pôle emploi. L'office HLM de La Seyne-sur-Mer par exemple, a mis en place un tutorat spécifique, qu'il organise et finance lui-même pour les jeunes en emplois d'avenir.
Le cas est différent pour les structures du secteur associatif qui n'ont pas toujours ce type de formation à disposition en interne. Mais dans ce cas, les collectivités peuvent agir. Ainsi, toujours dans le Var, "le conseil général est en train de dégager une enveloppe qui permettra de financer des formations externes", détaille Jean-Charles Blanc. Le rôle des missions locales est aussi très important dans le cheminement des jeunes. "Il faut qu'elles interviennent dès les premiers mois de leur contrat", assure Jean-Charles Blanc.
Pour le moment, le cabinet du ministère du Travail n'a pas eu vent d'autres événements comme celui de la CAF du Var mais "il pourrait y en avoir d'autres, assure Jean-Charles Blanc, car travailler avec les jeunes, ce n'est pas facile. D'où le besoin d'accompagnement." Et de persévérance aussi. Les six jeunes mis à la porte de la CAF du Var devraient se voir rapidement proposer un autre emploi d'avenir.