Emploi : vers de nouvelles compétences pour les régions ?
Sonnant la "mobilisation générale" sur le front de l'emploi, le Premier ministre a annoncé, vendredi, qu'il rencontrerait les présidents de régions "à la rentrée". S'il préconise des solutions territoriales, en particulier pour les métiers en tension, il a fallu l'intervention des sénateurs pour enrichir le projet de loi "3DS" au profit des régions, comblant les lacunes laissées par la loi Notre de 2015. Le débat est relancé.
En visite au Pôle emploi de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), vendredi 9 juillet, aux côtés de la ministre du Travail Elisabeth Borne, le Premier ministre a sonné la "mobilisation générale" sur le front de l’emploi. S’il se satisfait que la casse sociale ait pu être limitée par les mesures de soutien déployées depuis le début de la crise, la situation en France – avec 3,7 millions de chômeurs de catégorie A – est à un niveau "extrêmement préoccupant", a-t-il déclaré. "Nous annoncerons avec la ministre, à ma demande, dans les prochains jours un plan spécifique pour les chômeurs de longue durée de plus de deux ans", a-t-il ajouté.
Alors qu’avec la reprise, les offres affluent, plus que jamais se pose la question de ces "métiers en tension" qui ne trouvent pas preneur. "On ne peut pas se satisfaire d’une situation où nous avons un chômage qui est fort, qui est élevé, et, d’autre part, des demandes d’emploi de plus en plus nombreuses et c’est heureux, qui ne sont pas satisfaites", a déploré le chef du gouvernement. "A la rentrée, je proposerai, compte tenu de leurs compétences, aux présidents de régions nouvellement élus ou réélus, une réunion de travail à ce sujet car ils ont évidemment un rôle à jouer dans cette matière", a-t-il également annoncé.
"La solution viendra des territoires"
Pour l’ancien maire de Prades (Pyrénées-Orientales), "la solution viendra des territoires et des bassins d’emploi". Il faut que "département par département, bassin d’emplois par bassin d’emplois, nous recherchions toutes les solutions pour que les offres d’emploi nombreuses trouvent preneur", a-t-il dit, réclamant des objectifs chiffrés. Il y a quelques jours, le Premier ministre s’était vu remettre des mains du député Modem Jean-Noël Barrot un rapport sur sur l'accompagnement à la sortie de crise, s'appuyant notamment sur les régions.
Pour autant, le gouvernement se montre fort prudent sur la question des compétences. Vieux serpent de mer, la question des métiers en tension avait présidé au lancement de l’expérimentation du pilotage par les régions de la formation des chômeurs enregistrés à Pôle emploi. L’objectif : mieux répondre aux besoins des entreprises sur les territoires. Lancée en 2020, l’expérimentation a vite tourné court du fait de la crise. Plus généralement, les régions aspirent à coordonner l’ensemble des acteurs du service public de l’emploi local (missions locales, maisons de l’emploi, Plie, Cap Emploi, Écoles de la deuxième chance...). En permettant simplement "la participation à la coordination" de ces acteurs, la loi Notre de 2015 est restée au milieu du gué, déplorent-elles.
Le projet de loi "3DS" enrichi
Curieusement, le projet de loi "3DS" (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification) en cours d'examen au Sénat ne comportait aucune mesure en matière d’emploi. Une lacune que les sénateurs ont cherché à corriger, jeudi 8 juillet, contre l’avis du gouvernement (sur les autres points amendés, voir notre article de ce jour). L’article 3 ter ajouté par leurs soins prévoit en effet de confier aux régions l’exercice de la compétence du service public de l’emploi, reprenant une disposition qui figurait déjà dans la proposition de loi sénatoriale relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale restée sans lendemain après le vote du Sénat en 2018. L’amendement "élargit le champ des délégations de compétences susceptibles d’être consenties par l’État aux conseils régionaux dans la conduite de la politique de l’emploi en prévoyant qu’elles pourraient gérer l’animation et le financement de missions locales", précise l’objet de cet amendement porté par Mathieu Darnaud (LR, Ardèche) et Françoise Gatel (UC, Ille-et-Vilaine). La gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences serait ainsi transférée aux régions. L’amendement entend aussi associer les régions à la "gouvernance de Pôle emploi". Il propose en outre d’inscrire la politique régionale d’accès à l’apprentissage et à la formation professionnelle dans la liste des compétences régionales ce qui serait un retour en arrière par rapport à la dernière réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Sans fermer la porte à d’éventuels ajustements lors de la navette parlementaire, la ministre de la Cohésion des territoires a cherché à annuler ces dispositions au motif notamment que "confier le pilotage [de Pôle emploi] aux régions sans le financement le rendrait incohérent en termes de responsabilité" et qu'un pilotage régional ne serait pas cohérent avec les orientations nationales. Le débat est loin d’être clos. La nouvelle présidente de Régions de France Carole Delga a annoncé, vendredi, un "livre blanc" sur les compétences régionales à destination des futurs candidats à l’élection présidentielle (voir notre article);
"Les premiers mois de l’année n’ont pas bouleversé la géographie de la crise", a indiqué France Stratégie, lundi 12 juillet, dans une note intitulée "Géographie de la crise - Premier trimestre 2021 : quelles dynamiques territoriales en matière d'emploi et de chômage ?". "Comme en 2020, l’est et le sud du territoire regroupent les zones d’emploi les plus fragilisées en matière d’emploi où se concentrent des zones touristiques et certaines zones industrielles", indique l’organisme rattaché au Premier ministre qui appelle "à une plus grande territorialisation des mesures de soutien pour la sortie de crise". |