Economie - Emploi et numérique : le projet de loi de Myriam El Khomri se précise
Les rapports s'accumulent pour nourrir le futur projet de loi sur l'emploi de Myriam El Khomri, la ministre du Travail. Un texte qui devrait être présenté en conseil des ministres, "début mars", comme l'a indiqué la ministre devant l'Ajis, le 5 janvier (voir aussi notre article ci-contre du 6 janvier 2016) et dont le champ s'élargit de jour en jour, au point qu'il pourrait englober le projet de loi Macron II ou Noé (nouvelles opportunités économiques), dont l'objectif premier était d'assouplir certaines professions réglementées tout en accompagnant les évolutions liées aux mutations numériques. D'ailleurs, le ministre de l'Economie ne s'en est pas caché estimant, mercredi, que le "contenu" primait sur le "flacon", renvoyant aux arbitrages du président et du Premier ministre attendus "dans les tout prochains jours, c'est-à-dire en début de semaine prochaine".
De fait, en l'état, il y a un chevauchement manifeste entre ces deux textes, puisque celui de Myriam El Khomri ne s'arrêtera pas à la réforme du code du travail. Il traitera du CPA (compte personnel d'activité) mais aussi de l'économie collaborative, sujet du rapport attendu du député PS Pascal Terrasse, des effets sociaux du numérique, suite aux rapport de Bruno Mettling, directeur général adjoint d'Orange remis en septembre et, enfin, des "nouvelles trajectoires" ouvertes par le numérique, cette fois-ci sur la base du rapport du rapport du Conseil national du numérique (CNNum) remis à la ministre le 6 janvier… Autant de dadas d'Emmanuel Macron qui avait organisé une grande cérémonie sur ces thèmes à Bercy en présence de nombreux entrepreneurs.
Métamorphose de l'économie
Commandé il y a un an, le rapport du CNNum oscille entre enthousiasme et craintes vis-à-vis des transformations en cours, qu'il s'agisse de la robotisation, de la numérisation ou encore de l'"uberisation"… "La période que nous traversons est celle d'une évolution systémique, exceptionnelle et rarement connue dans l'histoire de l'humanité", commente-t-il. Plus qu'une "crise", il s'agit d'une "métamorphose", avec sa part d'inconnu. "50% des emplois sont menacés par l'automatisation dans un horizon proche", illustre le conseil qui formule vingt recommandations visant surtout à éviter la casse sociale. L'une des idées les plus fortes de ce rapport est l'instauration d'un "revenu de base inconditionnel et universel", testé actuellement en Finlande ou aux Pays-Bas. Le CNNum propose notamment de permettre des expérimentations dans les territoires, sur la base des "territoires zéro chômage de longue durée". Sans l'écarter totalement, Myriam El Khomri s'est dite "perplexe" quant au coût d'un tel dispositif. En revanche, elle a repris à son compte trois des pistes formulées à "enjeu immédiat", portant sur la formation, la sécurisation des parcours professionnels et la protection des travailleurs indépendants. En matière de formation, elle s'est appuyée sur le compte personnel d'activité (CPA), actuellement négocié avec les partenaires sociaux et les régions. Censé entrer en vigueur au 1er janvier 2017, il permettra de "doter chaque citoyen des ressources nécessaires pour construire son parcours professionnel", a rappelé la ministre. A ce titre, les auteurs du rapport jugent que le CPA arrive "au bon moment". Ils proposent d'y inclure des projets personnels, par exemple associatifs, "comme un temps de formation", qui serait comptabilisé dans le CPA. Le sujet fera l'objet d'une grande journée de débat, le 21 janvier.
Expérimenter de nouveaux modes de VAE
Myriam El Khomri mise également sur la validation des acquis de l'expérience (VAE), dont elle souhaite "assouplir la condition d'ancienneté aujourd'hui de trois ans, ce qui peut fermer la voie de la VAE à des personnes ayant acquis des compétences au cours de stages". Comme le CNNum, elle souhaite "expérimenter d'autres modes de validation des acquis en utilisant les outils numériques pour valider certaines compétences à distance".
Autre sujet qui a la faveur de la ministre : la protection des travailleurs indépendants. Le conseil recommande dans ce domaine d'"assurer une protection effective pour les travailleurs indépendants mais économiquement dépendants en faisant évoluer le droit commun".
Parmi les autres recommandations du CNNum, on retiendra la volonté d'encadrer les plateformes de l'économie collaborative, de soutenir les formes alternatives de collectifs de travail (Scic, Scop, CAE…), de promouvoir la pluriactivité (notamment en permettant aux fonctionnaires de mener une activité en autoentrepreneur)…
A noter enfin un autre rapport attendu toujours dans le cadre de ce vaste chantier de l'emploi : celui de Catherine Barbaroux, ancienne DGEFP et aujourd'hui présidente de l'Adie, chargée par Emmanuel Macron de réfléchir aux freins à l'entreprenariat individuel. Catherine Barbaroux proposerait de revoir certaines réglementations jugées obsolètes dans des secteurs comme les services à la personne ou les transports.