Emmanuelle Wargon prépare un "super-Pinel" pour relancer le logement collectif
La mission Leclercq-Girometti remettra son rapport sur le "référentiel du logement de qualité" le 8 septembre, a indiqué Emmanuelle Wargon ce mardi 31 août. La ministre déléguée au Logement compte s’appuyer dessus pour lancer la concertation sur le "décret super-Pinel", afin de relancer le logement collectif.
Annoncé au mois de février, le nouveau référentiel du "logement de qualité" sera présenté le 8 septembre. C’est ce que la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, a indiqué à la presse, mardi 31 août, à l’issue d’une première table ronde organisée dans le cadre de la réflexion "Habiter la France de demain". Ce cycle de réflexions qui durera jusqu’au 14 octobre 2021 s’inscrit dans la démarché lancée il y a un an et demi par la ministre dans le contexte de deux crises majeures, celles des gilets jaunes et du Covid, qui ont amené beaucoup de Français à s’interroger sur leur cadre de vie. Une réflexion qui arrive en fin de mandat, mais peu importe pour la ministre, il s’agit de poser des jalons pour le moyen et le long terme. L’objectif : concilier les aspirations des Français avec les enjeux de la ville durable. "On a vraiment besoin d’une concertation, on ne sait pas très bien où iront les politiques de logement des années à venir", a-t-elle déclaré en conclusion de cette première table ronde sur le thème "Impact de la crise sanitaire sur le lieu de vie : exode ou statu quo ?". Un intitulé qui fait écho aux nombreuses études et baromètres qui, depuis un an, font ressortir un réel désir des habitants de grandes villes de déménager pour se mettre au vert, profitant des nouvelles possibilités offertes par le télétravail. François Descœur, président des maires ruraux du Cantal et maire d’Anglards-de-Salers, une commune de 800 habitants, a ainsi pu constater un "retour à la campagne", avec un afflux d’ "urbains" dans les logements locatifs du département.
"Conflit identitaire"
Dans un marché dégradé, le dernier "baromètre de l'immobilier des villes moyennes" présenté le 15 juin par l’ANCT et le Conseil supérieur du notariat avait montré que les villes moyennes étaient celles qui s’en tiraient le mieux (voir notre article), connaissant même une augmentation du prix du m2 (+7% depuis 2018). Un peu plus tard, l’attractivité des villes moyennes s’est vu conforter par le troisième "baromètre des territoires" réalisé par l’Ifop (voir notre article), à la demande de Villes de France, de la Banque des Territoires et de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Mais ce baromètre fait aussi apparaître une "dichotomie" entre le désir de déménager et le passage à l’acte, a commenté Jean-Sébastien Sauvourel, de Villes de France, lors de cette table ronde. Le conseiller relève aussi l’enjeu de la "capacité des villes moyennes à accepter ces nouvelles populations", alors qu’un tiers des habitants interrogés sont insatisfaits de l’augmentation des prix. Des tensions ont déjà commencé à surgir, notamment au Pays basque où les actes de vandalisme contre les agences immobilières se sont multipliés ces dernières semaines. Le Pays basque est "un exemple très négatif des conséquences de l’attractivité du territoire sur les prix de l’immobilier", a ainsi mis en garde Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du management des services immobiliers (Imsi). "Il faut faire en sorte que ce renouveau ne se transforme pas en conflit identitaire", estime la ministre, pour qui la situation "est tout à fait gérable" et même... "culturellement intéressante"...
"Décret super-Pinel"
Une dizaine d’autres enjeux ont été identifiés dans le cadre de ce cycle de réflexions : la mixité sociale, la rénovation énergétique, le lien emploi-logement… Mais l’un d’eux est particulièrement cher au coeur de la ministre qui veut relancer la construction de logements collectifs : la représentation même des logements. Or à cet égard, le schéma traditionnel (le pavillon avec son jardin) a la vie dure et va à l’encontre des nouveaux objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols. Si la construction de logements redémarre timidement elle reste ainsi très inégale selon le type de logements : les maisons individuelles sont en plein essor quand la situation des immeubles en zone tendue reste déprimée. Sans attendre le fruit des réflexions en cours, la ministre veut agir dès à présent avec son nouveau référentiel de qualité pour redonner le goût du collectif. Elle s’inscrit dans les pas du précédent gouvernement qui, en 2019, avait commandé à Pierre-René Lemas (ancien directeur de la Caisse des Dépôts) un rapport sur la qualité des logements sociaux (voir notre article). Emmanuelle Wargon compte s’appuyer sur les conclusions de la mission confiée à François Leclercq et Laurent Girometti qui lui seront remises le 8 septembre pour nourrir une concertation sur ce qu’elle appelle le "décret super-Pinel" : il s’agit de maintenir le taux plein du Pinel après le 1er janvier 2023. Selon elle, il ne faut pas se limiter à des critères environnementaux mais tenir compte également de la "qualité d’usage". Ce sera l'un des enjeux du projet de loi de finances pour 2022. Un élargissement du Denormandie dans l’ancien (actuellement en vigueur dans les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain) pourrait également être envisagé. Sur le plus long terme, Emmanuelle Wargon n’est pas fermée à de nouveaux outils de revitalisation pour les villages. "Il faut susciter un regain d’intérêt pour les centres de ces petites communes, apporter un intérêt économique à leur rénovation, en complément d’ACV, de PVD et du fonds Friches", a-t-elle considéré.