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Emmanuel Macron : le "nouveau chemin" passera aussi par une réorganisation de l'action publique

Le chef de l'État s'est comme prévu adressé aux Français ce dimanche 14 juin à 20h. Une allocution de 19 minutes par laquelle il entendait évoquer "notre organisation face à l'épidémie, tirer les premières leçons de cette crise, et dessiner en quelques lignes notre nouveau chemin". Une allocution qui, dans les faits, est surtout venue préparer le terrain pour la suivante, celle du mois de juillet. Peu d'éléments concrets sont en effet pour l'heure arrêtés concernant le "plan de reconstruction". S'agissant du déconfinement, dès ce lundi 15 juin, toute la France passe en "zone verte". Écoles et collèges refonctionneront "normalement" le 22 juin, donc pour dix jours.

Déconfinement

Emmanuel Macron a annoncé que dès ce lundi 15 juin, "tout le territoire", sauf Mayotte et la Guyane, passera en zone verte. Il n'a toutefois pas détaillé les conséquences pratiques de cette bascule, notamment pour l'Île-de-France, en termes d'accès aux divers établissements recevant du public (ou de gestion des transports publics), ni précisé si les contraintes pesant toujours sur certaines activités y compris en zone verte seront allégées. Des précisions ministérielles par secteur seront sans doute à attendre dès ce début de semaine. On saura seulement que dès à présent :

cafés et restaurants franciliens pourront pleinement rouvrir (donc pas uniquement en terrasse) ;
une "reprise plus forte du travail" est attendue (sans mention d'un éventuel appel à la poursuite du télétravail) ;
• il "sera à nouveau possible de se déplacer entre les pays européens" (on sait toutefois que certains pays ont d'ores et déjà annoncé des conditions spécifiques) et qu'à partir du 1er juillet, les Français pourront se rendre "dans les États hors d'Europe où l'épidémie sera maîtrisée" ;
• sans surprise, le second tour des municipales aura bien lieu le 28 juin ;
Ehpad et maisons de retraite devront désormais "autoriser les visites" (les possibilités et modalités de visite avaient déjà été sensiblement assouplies) :
• "les crèches, les écoles, les collèges se prépareront à accueillir à partir du 22 juin tous les élèves, de manière obligatoire et selon les règles de présence normale". Ce qui tend à laisser penser que le protocole sanitaire actuel, qui ne permettait d'accueillir que 15 élèves maximum par classe en primaire, et dont la plupart des acteurs locaux réclamaient l'assouplissement, ne sera plus d'actualité pour les dix derniers jours de cours avant les vacances d'été. Ou en tout cas que la règle des 4m2 par enfant, qui de fait ne permettait à nombre d'élèves de n'être accueillis que un ou deux jours par semaine, sera abrogée. En revanche, le chef de l'État n'a pas mentionné les lycées. Pas plus que l'enseignement supérieur.

De façon générale, le respect des "règles de distance physique" devra rester de mise. "L'été 2020 ne sera pas un été comme les autres, et il nous faudra veiller à l'évolution de l'épidémie pour nous préparer au cas où elle reviendrait avec plus de force", a prévenu Emmanuel Macron.

Retour sur les épisodes précédents... pour en tirer des leçons

Soulignant qu'il s'agissait bien aujourd'hui de "clore" le "moment entamé avec le début du confinement" – ce qui "n'avait rien d'une évidence" –, Emmanuel Macron est brièvement revenu sur les phases précédentes, notamment pour faire valoir que "l'État a tenu" et que " les élus de terrain se sont engagés". Tout d'abord, "le 16 mars, nous avons fait le choix humaniste de placer la santé au-dessus de l'économie". Ensuite, en annonçant le 13 avril "une sortie du confinement à partir du 11 mai" alors qu'il "n'y avait pas de consensus" sur le sujet, "nous avons collectivement et méthodiquement préparé ce qu'on a appelé le déconfinement". Sans s'arrêter sur l'étape du 2 juin présentée le 28 mai par son Premier ministre, il a insisté sur le fait que celle qui s'ouvre maintenant soit "permettre d'accélérer la reprise" et de "faire pleinement repartir notre économie".

La crise "a révélé des failles, des fragilités : notre dépendance à d'autres continents pour nous procurer certains produits, nos lourdeurs d'organisation, nos inégalités sociales et territoriales", a déclaré le président. "La priorité des deux années à venir" et "le cap de la décennie" devra donc être de "retrouver pleinement la maîtrise" de "notre destin", de "retrouver notre indépendance" au moment où "l'économie mondiale s'est quasi arrêtée".

"Première priorité" : "reconstruire une économie forte, écologique, souveraine et solidaire". Un plan de reconstruction qui "sera préparé durant tout l'été" pour une mise en œuvre… "au plus vite". 

Le retour du pacte productif

Emmanuel Macron a listé les efforts "inédits" faits par l'État durant la crise pour, notamment, "sauvegarder nos emplois" : "chômage partiel, prêts aux entreprises, accompagnement des commerçants, des indépendants, soutien des plus précaires", "plans massifs pour les secteurs les plus durement touchés - l'industrie automobile, l'aéronautique, le tourisme, la culture, la restauration, l'hôtellerie"… soit "au total" "près de 500 milliards d'euros pour notre économie, pour les travailleurs, pour les entrepreneurs, mais aussi pour les plus précaires".

Il a assuré que cette "dette" nouvelle ne sera pas financée par des hausses d'impôts. Il s'agira bien plutôt de "travailler et produire davantage". Et ce, même si "notre pays va connaître des faillites et des plans sociaux multiples".

Cette "reconstruction économique" visera d'abord à "éviter au maximum les licenciements". D'où la négociation qui a débuté "pour que, dans toutes les entreprises, nous arrivions à préserver le plus d'emplois possible malgré les baisses d'activité". Mais aussi à "créer de nouveaux emplois" en "investissant dans notre indépendance technologique, numérique, industrielle et agricole", dans "la recherche, la consolidation des filières, l'attractivité et les relocalisations". Et Emmanuel Macron d'évoquer le "pacte productif" qui aurait théoriquement dû être mis sur pied en début de deuxième trimestre 2020.

Sur son volet "écologique", on saura simplement que la reconstruction sera bien axée sur "la rénovation thermique de nos bâtiments, des transports moins polluants, le soutien aux industries vertes" et que la convention citoyenne qui doit bientôt rendre ses conclusions "contribuera à ce projet".

Sur le front social enfin, Emmanuel Macron a évoqué le Ségur de la santé, les personnes âgées (sans mention du chantier du futur cinquième risque), le souci de "protéger les plus pauvres", l'éducation et la formation ("un investissement massif pour l'instruction, la formation, et les emplois de notre jeunesse").

Europe

Le chef de l'État s'est félicité de l'accord franco-allemand "autour d'un endettement conjoint et d'un plan d'investissement", relevant que le fait d'emprunter "pour la première fois ensemble" constituait "une étape inédite de notre aventure européenne". Prochain rendez-vous : le conseil européen de juillet.

Patriotisme républicain

Le "deuxième axe" tracé par Emmanuel Macron a pu apparaître quelque peu hors-sujet par rapport à l'après-crise sanitaire. Mais un autre front de l'actualité a fait surface ces derniers jours : celui des manifestations contre le racisme et les violences policières. Et de nombreuses voix avaient jugé souhaitable qu'il s'exprime là-dessus. D'où un appel présidentiel à "l'unité autour de la République", "autour du patriotisme républicain".

Il a fait savoir que "de nouvelles décisions fortes seront prises" en matière d'"égalité des chances", de lutte contre "le racisme, l'antisémitisme et les discriminations".

Mais, a-t-il aussitôt ajouté, pas question de céder au "communautarisme" et à un combat qui serait "récupéré par les séparatistes". "La République n'effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire, la République ne déboulonnera pas de statue", a-t-il prévenu. Policiers et gendarmes "méritent le soutien de la puissance publique et la reconnaissance de la Nation", a-t-il ajouté.

Déconcentration, décentralisation ?

Le troisième axe de la "nouvelle étape" était moins attendu à ce stade, même si, là encore, peu de choses précises ont pour l'heure été dites. Le chef de l'État a fait part de sa volonté de "bâtir de nouveaux équilibres dans les pouvoirs et les responsabilités", considérant que "l'organisation de l'État et de notre action doit profondément changer", que "tout ne peut pas être décidé si souvent à Paris".

Et Emmanuel Macron de poursuivre en ces termes : "Face à l'épidémie, les citoyens, les entreprises, les syndicats, les associations, les collectivités locales, les agents de l'État dans les territoires ont su faire preuve d'ingéniosité, d'efficacité, de solidarité. Faisons-leur davantage confiance. Libérons la créativité et l'énergie du terrain. C'est pourquoi je veux ouvrir pour notre pays une page nouvelle donnant des libertés et des responsabilités inédites à ceux qui agissent au plus près de nos vies, libertés et responsabilités pour nos hôpitaux, nos universités, nos entrepreneurs, nos maires et beaucoup d'autres acteurs essentiels."

Il a rappelé avoir, pour "dessiner ce nouveau chemin", demandé aux présidents de l'Assemblée, du Sénat et du Cese de "proposer quelques priorités susceptibles de rassembler le plus grand nombre". Des précisions sont promises pour sa prochaine adresse aux Français, prévue en juillet.

 

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