Emmanuel Macron dévoile la liste des 238 nouvelles brigades de gendarmerie
Alors que le ministère l’Intérieur vient de dresser le constat d’une hausse de la délinquance en 2022, le président de la République a dévoilé ce 2 octobre à Tonneins la liste des 238 nouvelles brigades de gendarmerie qui seront créées d’ici 2027. Si aucun département n’est oublié, la majorité de nouvelles brigades seront finalement volantes et non fixes. Les premières devraient voir le jour dès novembre prochain. Au total, 2.144 gendarmes doivent être formés d’ici la fin du quinquennat.
En déplacement à Tonneins (Lot-et-Garonne) pour y inaugurer officiellement la nouvelle caserne de gendarmerie, le président de la République a dévoilé la liste des quelque 238 nouvelles brigades de gendarmerie qui verront le jour d’ici 2027 (dont une brigade verte au Touquet-Paris-Plage, visiblement ajoutée en dernier lieu). "Un réinvestissement historique", souligne le président de la République. L’Élysée relève que "la tendance était jusqu’ici plutôt d’en fermer : entre 2007 et 2016, plus de 500 brigades ont été supprimées". La France en compterait actuellement "environ 3.500". Le dossier de presse du ministère de l’intérieur n'en recense toutefois que 3.049, un chiffre plus proche des 3.100 avancé par le sénateur Philippe Dominati, rapporteur spécial sur la mission "Sécurités" lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023. Mais bien loin des 3.766 unités recensées dans le livre blanc de la sécurité intérieure de 2020 (voir notre article du 17 novembre 2020), qui évoquait par ailleurs "la dissolution de 373 brigades territoriales entre 2009 et 2019". Un "mouvement interrompu pour ne pas mettre en péril la couverture territoriale des zones rurales", précisait-il.
Tous les départements concernés
Chaque département ou collectivité d’outre-mer aura au moins "sa" nouvelle brigade, les plus chanceux en ayant jusqu’à quatre. Le choix a été fait en fonction de différents critères, parmi lesquels la croissance démographique du territoire et les chiffres de la délinquance. "Le secteur de la gendarmerie a connu une croissance démographique tout à fait importante ces dernières années et continue d’avoir cette pression. Il n’y avait pas forcément un maillage de sécurité qui correspondait", précise ainsi l’Élysée. "Les ruralités ne sont pas épargnées par la montée des tensions et des violences", avait par exemple exposé le général Olivier Kim lors d’un colloque (voir notre article du 7 octobre 2021). Pour autant, l’Élysée indique que "la carte police/gendarmerie ne sera pas retouchée à cette occasion", en dépit des préconisations de la Cour des comptes (voir notre article du 19 juillet) ou du livre blanc de la sécurité intérieure de 2020.
Des brigades volantes pour l’essentiel
Si le nombre de brigades nouvelles est supérieur aux 200 escomptées, plus de la moitié ne seront finalement que des brigades volantes (145, contre 93 fixes), contrairement à ce qui était attendu. En réponse au questionnaire adressé par le député Florent Boudié, rapporteur sur la Lopmi, lors de l’examen de cette dernière, le ministère de l’Intérieur indiquait en effet que "la répartition prévisionnelle initiale est de deux tiers de brigades fixes et d’un tiers de brigades mobiles". "Une brigade mobile, ce n’est pas une brigade au rabais", mais bien "une brigade avec de vrais gendarmes", se défend toutefois l’Élysée. "Vous avez des territoires qui sont assez enclavés, assez isolés, où la brigade fixe est éloignée et les transports en commun n’existent pas trop. Là, c’est la brigade mobile qui se déplace chez vous. Le jeudi dans une commune, le vendredi dans un autre village…", vante-t-on encore. "Ces brigades mobiles n’auront pas forcément des camions – c’est une des modalités. Cela peut être des équipes qui se projetteront dans les communes pour être présents ou faire des permanences", est-il encore précisé. "La brigade, c’est le dernier kilomètre. L’ubiquity [le dispositif d’ordinateurs portables connectables permettant aux gendarmes d’être mobiles], c’est les derniers 300 mètres", explique à Emmanuel Macron le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Christian Rodriguez.
2.144 gendarmes
À terme – en 2027 –, ces brigades accueilleront 2.144 gendarmes (compris dans les 8.500 recrutements prévus place Beauvau au cours du quinquennat). L’Élysée indique que 300 seront formés cette année et 378 l’an prochain, ce qui supposera d’accélérer le rythme sur la fin du quinquennat pour tenir l’objectif. Ce qui supposera aussi de trouver les candidats, capacité sur laquelle la rue Cambon formulait récemment quelques doutes (voir notre article du 19 juillet).
Dans le questionnaire précédemment évoqué, le ministère indiquait également que "l’effectif moyen de ces unités est de 10 pour les brigades mobiles et de 16 pour les brigades fixes, avec une possibilité de les créer avec un effectif d’amorçage respectivement fixé à 6 et 10 ETP pour atteindre l’effectif cible ultérieurement". Pour l’heure, l’Élysée ne reprend que ces nombres de 6 et 10 gendarmes "en moyenne" –, sans mentionner un éventuel renforcement dans un second temps. Une rapide règle de trois laisse à penser que l’effectif cible tel qu’évoqué par le ministère ne serait dès lors pas atteint d’ici la fin du quinquennat.
Premières créations dès novembre
Les premières brigades – "des mobiles et une fixe" – devraient voir le jour "dès novembre". Pour les fixes, les délais seront évidemment plus longs. "Il y a des bâtiments qu’on peut réhabiliter, d’autres qu’il faut construire. Il y a des territoires où la mairie a déjà identifié un terrain", indique l’Élysée, en reconnaissant que pour un territoire donné, la disponibilité d’un bâtiment dans une commune a pu peser dans le choix d’implantation de la brigade. Gérard Darmanin précise que les procédures ont été simplifiées pour que les constructions puissent se faire "en deux ans". Leur aménagement sera modulaire, en fonction des besoins. Ainsi, "toutes n’auront pas nécessairement des locaux de garde à vue", précise le ministre de l’Intérieur. Certaines brigades seront en outre spécialisées, comme en Guyane "avec deux brigades fluviales".
Le budget total du dispositif "est cours d’évaluation". "Pour les brigades fixes, le coût dépend de l’état du bâti, du prix du marché…", justifie l’Élysée. Le coût de fonctionnement d’une brigade mobile est lui estimé à 70.000 euros par an environ.
Une promesse de campagne
Promise par Emmanuel Macron en janvier 2022, lors d’un déplacement à Nice (voir notre article du 10 janvier 2022), réaffirmée en juin 2022 dans le Tarn (voir notre article du 9 juin 2022), la création de ces brigades a été actée par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (voir notre article du 25 janvier). Leurs lieux d’implantation ont été arrêtés au terme d’une concertation lancée en septembre dernier avec les élus et les gendarmes, conduite par les préfets. 395 propositions ont été reçues, indique l’Élysée, ce qui explique sans doute le fait que le calendrier initial – présentation d’abord annoncée par Gérald Darmanin pour février (voir notre article du 30 septembre 2022), puis pour juin (voir notre article du 19 avril) – n’a finalement pas été tenu.
Leur création devrait participer à l’atteinte d’un double objectif présidentiel fixé pour ce quinquennat : améliorer l’accueil des victimes et doubler la présence des forces de l’ordre sur la voie publique dans les dix ans. "Les gens ont besoin de votre présence, parce qu’elle rassure, parce qu’elle dissuade et parce qu’elle accompagne", a indiqué le chef de l’État aux gendarmes présents à Tonneins, après avoir déclaré que "nos compatriotes veulent de l’ordre et de la sécurité, une vie tranquille". À l’Élysée, l’on souligne également que ce redéploiement participe également de la volonté de réimplanter les services publics dans les territoires.
Délinquance toujours en hausse en 2022
Cette annonce intervient quelques jours après la publication par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) des – mauvais – chiffres de la délinquance en 2022. "En France, la quasi-totalité des indicateurs de la délinquance enregistrée sont en hausse en 2022 par rapport à l’année précédente", indique le SSMSI. Dans le détail, il relève notamment une "forte hausse" des coups et blessures volontaires", des violences sexuelles qui "augmentent nettement", des vols sans violence contre les personnes qui "augmentent très nettement" ou encore une "très nette hausse" des cambriolages de logements, des vols de véhicules, du nombre de mis en cause pour usage de stupéfiants ou encore des escroqueries.
Officiellement inauguré ce 2 octobre, la nouvelle gendarmerie de Tonneins a ouvert ces portes en mai dernier (comme celle de Laplume, autre commune du département). "La municipalité a consenti un gros effort en mettant gratuitement le terrain à disposition", soulignait la ville lors des travaux, qui comprennent une caserne de 900 m2, mais aussi un ensemble pavillonnaire de 49 logements de type 2 à 6. Cette construction a également été portée par le conseil départemental de Lot-et-Garonne, par ailleurs à l’origine d’un plan de rénovation de gendarmeries existantes. Si l’on retient en outre la participation, parfois contestée (voir notre article du 9 mai), de certaines régions à la construction ou la rénovation de ces casernes, c’est dire l’importance que tiennent les collectivités dans le dispositif. Or les nuages qui s’amoncellent sur les budgets de ces dernières ne sont pas sans susciter l’inquiétude (voir notre article du 19 avril). Et ne sont peut-être pas étrangers à la répartition brigades fixes/ mobiles finalement arrêtée. |