Emmanuel Macron avance sur cinq "départements-métropoles"
Emmanuel Macron a reçu lundi 1er octobre cinq présidents de métropoles pour avancer sur son projet de fusion de ces grandes agglomérations avec leur département, a-t-on appris auprès de l'Élysée.
Cette réunion de travail a réuni Alain Juppé (Bordeaux), Christian Estrosi (Nice), Jean-Luc Moudenc (Toulouse), Johanna Rolland (Nantes) et Damien Castelain (Lille), soit les dirigeants des cinq métropoles de plus de 500.000 habitants en dehors de Paris, Lyon et Marseille.
Sur ces territoires, comme il l'avait dit pendant sa campagne, Emmanuel Macron souhaite fusionner les instances départementales et métropolitaines, en s'inspirant de l'exemple du Grand Lyon où le rapprochement a été décidé en 2014. "Un consensus s'est dégagé sur un schéma-cible de département-métropole, qu'il faut encore affiner", a assuré l'Élysée à l'issue de cette rencontre. Hors du territoire de la métropole demeurerait un département résiduel. Le président du département-métropole serait élu au suffrage universel direct, en même temps que le maire.
La présidente socialiste de Nantes Métropole et maire de la ville, Johanna Rolland, a toutefois déclaré que "la réforme proposée ne correspond pas à la réalité nantaise ". Elle a ensuite annoncé qu'elle ne "participerait pas à la suite de la démarche" pour "faire entendre la singularité nantaise".
"Le gouvernement n'engagera cette réforme qu'avec la volonté explicite des élus d'y aller", a assuré l'Élysée, qui espère boucler le dossier dans les prochains mois, afin qu'une loi soit votée avant les élections municipales. En ce cas, l'élection au suffrage universel direct du président de la métropole n'interviendrait qu'en 2026.
On connaît les fortes réserves des départements concernés, qui craignent que les métropoles règnent en maîtres sur les parties dynamiques du territoire et ne laissent aux conseils départementaux que les zones périurbaines ou rurales. Leurs présidents, Georges Méric (Haute-Garonne), Jean-Luc Gleyze (Gironde), Philippe Grosvalet (Loire-Atlantique), Jean-René Lecerf (Nord) et Charles-Ange Ginesy (Alpes-Maritimes), ont écrit le 10 septembre au président de la République pour s'en inquiéter. "La perspective d'une réforme des métropoles calée sur le seul 'modèle lyonnais', au détriment des départements dans leurs compétences et périmètres actuels, nous paraît contenir le risque irrévocable d'accentuer davantage les fractures territoriales qui affaiblissent notre pays, fragilisent le tissu social et alimentent la montée des extrêmes", ont-ils écrit.
"Définir un modèle alternatif"
De même, l'Assemblée des départements de France (ADF) "alerte sur les dangers d'une métropolisation non concertée et inadaptée aux spécificités de nos territoires", écrit-elle dans un communiqué. "Les services publics assurés par les départements et les métropoles ne sont pas de même nature", a souligné l'ADF dans un communiqué au lendemain de la Conférence des villes, au cours de laquelle le Premier ministre avait notamment déclaré : "Une solidarité métropolitaine est, à mon sens, la clef du futur modèle territorial français", a estimé le Premier ministre.
En Haute-Garonne, Georges Méric appelle même les maires de son département à se mobiliser contre une réforme basée sur le modèle lyonnais. "En lieu et place de la fusion des compétences dans le périmètre de l'aire métropolitaine", il faut "définir un modèle alternatif fondé sur la complémentarité et la coopération entre le département et la métropole", explique-t-il.
Ce 2 octobre, la sénatrice du Nord Valérie Létard (UC) a dénoncé "la démarche engagée pour la réorganisation territoriale dans le département du Nord", jugeant qu'"il ne peut être envisagé de réforme territoriale sans consulter les populations, les élus et les collectivités". "Nous avons toujours défendu l'idée d'une métropole locomotive qui entraîne, qui coopère et qui s'articule avec les autres collectivités du département", développe-t-elle.
Auditionné en mars dernier à l'Assemblée nationale, le directeur général des collectivités locales, Bruno Delsol (lire notre article du 9 mars), avait assuré que les "rapprochements" ne concerneraient que "les métropoles les plus importantes" et qu'il serait tenu compte des "volontés locales". Et qu'à l'instar du département du Rhône il y a trois ans, de nouveaux départements seraient en effet constitués aux franges des grandes métropoles qui absorberaient les compétences départementales. Ces départements "se situeraient tous dans la première moitié des départements par la taille", faisait-il remarquer. Tout en remarquant que "dans tel endroit, le nouveau département serait en deux morceaux, ce qui évidemment pose une question qu'il faudra d'une manière ou d'une autre résoudre". Une difficulté qui se poserait pour les départements du Nord, des Alpes-Maritimes et de la Loire-Atlantique.
Le casse-tête des Bouches-du-Rhône
L'exécutif a par ailleurs enclenché une mission pour étudier la fusion de la métropole d'Aix-Marseille avec le département des Bouches-du-Rhône. Un véritable casse-tête territorial, avec notamment la question du Pays d'Arles, le "village gaulois" qui avait fermement refusé de rejoindre la métropole marseillaise en 2016.
Maintien d'un mini-département formé des 29 communes du Pays d'Arles ou fusion à 100% entre le département et la métropole ? Chargé le 10 septembre par le Premier ministre de "mener une concertation" sur le sujet, le préfet des Bouches-du-Rhône, Pierre Dartout, aura peu de temps pour plancher sur cette équation à plusieurs inconnues, avec une copie attendue "d'ici la mi-novembre".
Périmètre de la future institution, nouvelle répartition des compétences entre communes et métropole, mode de scrutin : "Il n'y a pas de sujet tabou", a insisté Pierre Dartout, dans un entretien avec l'AFP, en annonçant travailler à une consultation ouverte à tous, via le site internet de la préfecture.
"Je comprends les inquiétudes des 29 maires du Pays d'Arles, mais pour moi les 119 communes de ce département sont unes et indivisibles", plaide Martine Vassal, présidente du conseil départemental… mais aussi de la métropole d'Aix-Marseille-Provence depuis le 20 septembre, après la démission du maire LR de Marseille, Jean-Claude Gaudin, de la tête de la métropole.
Autour d'Arles, beaucoup semblent déjà accepter leur intégration forcée. Pour d'autres en revanche, tel Hervé Chérubini, président de la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles, pas questions de céder. Un élargissement de la métropole au périmètre des Bouches-du-Rhône serait "une aberration territoriale", déclare-t-il, ajoutant : "Mais nous ne sommes pas seuls, ce qui va se passer demain dans les Bouches-du-Rhône se passera ensuite à Toulouse, Nice, Nantes, Bordeaux et Lille."