Embrun dresse un bilan positif du choix de la régie pour gérer l'eau potable (05)
En 2008, après 50 ans de délégation de service public, la commune d'Embrun dans les Hautes-Alpes (05) choisissait de gérer l'eau potable en régie directe. La pertinence de son choix ne s'est pas démentie depuis, que ce soit pour les aspects économiques, sanitaires, environnementaux ou sociaux. Depuis 8 ans, elle fédère 4 communes voisines au sein du syndicat intercommunal à vocation unique (Sivu) Eau de l'Embrunais. Une démarche adaptable sur d'autres territoires, à condition de bien dimensionner le périmètre desservi.
Depuis son promontoire, Embrun (6.645 habitants dans les Hautes-Alpes) veille sur le lac de Serre-Ponçon, la plus grande retenue d'eau artificielle de France métropolitaine. Elle veille aussi plus directement sur son eau potable. « En optant pour une régie en 2008, notre volonté était de recréer un véritable service public de l'eau potable, réellement au service des habitants et non d'une rentabilité financière privée », dit Marc Audier, président du Sivu Eau de l'Embrunais et adjoint aux finances de la mairie d'Embrun.
Une régie personnalisée avec autonomie fiscale
Par ce choix, Embrun a mis fin à 50 années de délégation de ce service public à une entreprise privée. « Pour dresser l'état des lieux et choisir la forme juridique la plus appropriée, nous avons sollicité un bureau d'études et consulté d'autres communes en régie », poursuit le président du Sivu. C'est la régie personnalisée avec autonomie fiscale qui a été retenue : « Elle nous permet de bien séparer ville et régie d'eau et d'assurer en interne le recouvrement des factures et la relance des impayés », précise-t-il. En 2008, la régie a embauché les 2 salariés de l'exploitant privé – obligation légale -, un agent de réseau et un agent comptable. Désormais élargie à 5 communes, elle compte 8 salariés, dont 5 techniciens. Hors Embrun, les 4 communes adhérentes comptent entre 133 et 1.000 habitants environ : elles géraient déjà l'eau potable en régie et ont volontairement rejoint le Sivu.
Des travaux déconnectés de la rentabilité financière
« Lorsque nous avons récupéré les équipements d'eau potable, nous avions une connaissance très partielle de leur état », souligne l'élu. La programmation des travaux s'est donc construite en fonction des remontées de terrain, l'objectif étant d'améliorer la qualité du service sans viser une rentabilité directe. Un exemple parmi d'autres : sur la commune de Crévoux où le Sivu encaisse 20.000 € de recettes annuelles, la ressource en eau a été déplacée pour en garantir la qualité, au prix d'un lourd investissement de 600.000 €. Pour ce qui concerne les réseaux, les techniciens repèrent les fuites au fil du temps et remplacent en priorité les conduites où elles se concentrent. En moyenne, le Sivu s'astreint ainsi à remplacer 1,5% de son réseau chaque année, permettant le renouvellement complet en 66 ans. Les conduites les plus vieilles ne sont pas toujours les plus problématiques : « Au fil du temps, nous avons noté que les fuites étaient souvent liées à une moindre qualité de la pose des réseaux. »
Des travaux réalisés en régie
D'où un autre choix majeur du Sivu : réaliser tous les travaux en régie directe, pour s'assurer de la qualité plutôt que surveiller des entreprises extérieures. « Nous avons notre propre matériel et seules des interventions très techniques sont réalisées par des entreprises. » Avantage de ce choix : les agents conservent un réel savoir-faire technique et, comme ce sont eux qui sont sollicités la nuit s'il y a une fuite, ils assurent un travail de qualité ! Du fait de ces travaux en régie, le Sivu ne peut cependant prétendre à aucune subvention publique, hormis parfois sur quelques fournitures. « Si les travaux étaient réalisés par des privés, nous serions subventionnés à 50% par l'agence de l'eau, c'est une vraie contradiction ! »
Moins 25% sur la facture des Embrunais
Malgré l'absence d'aides publiques extérieures, les économies sont bien là. « Depuis 2007, le prix moyen de l'eau pour un habitant d'Embrun consommant 80 m3 - la consommation moyenne locale - a baissé de 25% », indique le président. L'abonnement fixe a baissé de 40% et le prix du m3 de 10%. Pour les 4 autres communes qui géraient déjà l'eau en régie, on constate plutôt une stabilité de la facture moyenne, même si les plus gros consommateurs – au-dessus de 80 m3 – peuvent avoir vu leur facture légèrement augmenter. « Sur deux communes, nous avons aussi installé des compteurs qui n'existaient pas auparavant. Ils ont permis à tous les abonnés consommant moins de 120 m3 de diminuer leur facture assainissement, auparavant basée sur un forfait de 120 m3. »
Une gestion sociale au plus près des abonnés
Autre avantage de la régie, la gestion en direct des factures impayées, sans transfert vers le Trésor public. « Nous prenons contact en direct avec les ménages concernés, précise le président. Pour les foyers les plus en difficulté, nous éditons des chèques eau que nous mettons à la disposition du centre communal d'action sociale de la ville d'Embrun. Le CCSA distribue les chèques à ces ménages, leur assurant ainsi une remise de 70 à 80% du prix de leur facture. Et la régie s'organise avec eux pour étaler le paiement du solde. » Résultat, Eau de l'Embrunais n'a que 0,3% d'impayés !
Une régie qui innove
La gestion en régie a aussi permis d'innover : des compteurs verts sont désormais installés chez les abonnés arrosant leur jardin avec l'eau du réseau. Ils permettent de ne pas payer de redevance assainissement pour de l'eau qui ne revient pas vers le réseau d'eaux usées. Autre avantage des abonnés du Sivu Eau de l'Embrunais : la régie prend en charge la totalité des fuites après compteur, là où la loi Warsmann qui s'applique en France depuis 2013 prévoit d'en facturer 50% à l'abonné. « Notre expérience est transférable partout, il faut absolument franchir ce pas, conclut le président. Il s'agit juste de trouver la bonne échelle de territoire, autour d'une ville centre un peu plus rentable, pour assurer l'équilibre financier global du service. »
À la régie de l'Embrunais, l'eau paie l'eau
Le budget de la régie Eau de l'Embrunais est un budget équilibré sans participation financière des communes adhérentes. « L'eau paie l'eau », souligne Marc Audier. Le Sivu arrive également à autofinancer totalement ses investissements - 420.000 € en moyenne sur les 9 dernières années. En 2008, la Caisse des Dépôts a accordé au Sivu un prêt à 3 ans pour amorcer le fonctionnement de la nouvelle entité publique avant qu’elle ne perçoive ses premières ressources propres.
Syndicat intercommunal à vocation unique (Sivu) Eau de l'Embrunais
Nombre d'habitants :
Nombre de communes :
Marc Audier
Découvrez nos newsletters
-
Localtis :
Propose un décryptage des actualités des collectivités territoriales selon deux formules : édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. -
Territoires Conseils :
Recevez tous les quinze jours la liste de nos dernières publications et l'agenda de nos prochains rendez-vous.