Embellir la commune et consolider les liens : des maires vantent les mérites de la journée citoyenne
Chaque année, une journée citoyenne est organisée dans quelque 2.000 communes en France, inspirées par Berrwiller et son maire qui la pratiquent depuis 2008. En invitant les habitants à rejoindre, le temps d'une journée conviviale, des petits chantiers collectifs d'intérêt général, les maires entendent renforcer l'interconnaissance et le sentiment de cohésion au sein de leur commune. À l'initiative de l'Odas et de la communauté d'agglomération de Mulhouse, un premier congrès national a réuni ces maires, qui ont appelé à la tenue d'une "journée nationale de la citoyenneté et de la fraternité" le 25 septembre prochain.
"Quand je suis devenu maire en 2008, j'ai souhaité mettre en place une politique pour que les citoyens se parlent, apprennent à se connaître, pour qu'ils passent d'un stade de consommateur à un stade d'acteur." Fabian Jordan, maire de Berrwiller (Haut-Rhin) et président de la communauté d'agglomération de Mulhouse depuis 2017, est revenu sur l'histoire de la journée citoyenne lors d'un premier "congrès national des journées citoyennes" organisé le 8 juin 2021, en visio, par la communauté d'agglomération de Mulhouse et de l'Observatoire national de l'action sociale (Odas).
En 2008, Fabian Jordan, "comptable de formation et musicien", s'est adressé par courrier aux 1.200 habitants de sa commune pour les inviter à contribuer à de petits travaux d'intérêt général lors d'une "journée citoyenne" préparée par la municipalité. Peinture, réfection d'équipements publics, plantations, nettoyage des abords de rivière, actions de solidarité envers les personnes âgées, préparation du repas collectivement partagé… Répartis en ateliers, les habitants sont encadrés par les services techniques de la mairie ou des associations, ils découvrent des gestes manuels, font connaissance et repartent satisfaits du travail accompli et du moment convivial partagé. Après 100 participants au départ, la journée citoyenne a rassemblé chaque année un peu plus d'habitants à Berrwiller, jusqu'à 450 lors des éditions qui ont eu lieu avant la crise sanitaire. La démarche a été rapidement adoptée par d'autres communes alsaciennes, 80% des communes du Haut-Rhin notamment, puis dans toute la France avec quelque 2.000 communes impliquées.
Un impact sur le lien social et intergénérationnel, mais aussi sur les finances communales
Les témoignages enthousiastes sur les bénéfices de cette journée se sont multipliés lors du congrès. "Jamais les gens du logement social et du secteur résidentiel ne se seraient rencontrés et parlés s'il n'y avait pas eu la journée citoyenne", a mis en avant Michel Gonord, maire de Champagne-sur-Seine (Seine-et-Marne) et ambassadeur de la journée citoyenne pour l'Ile-de-France. Dans sa commune encore marquée par la désindustrialisation, Michel Gonord avait estimé que ni les atouts du territoire ni les services mis en place en matière de santé notamment n'étaient suffisants pour "enlever le repli sur soi". Il a chargé les conseils de quartier de ce projet de journée citoyenne, avec un budget dédié de 5.000 euros, un soutien logistique de la mairie et des dons matériels (alimentation, matériel…) des entreprises de la commune. Le lien social mais également intergénérationnel est au cœur de la démarche, les enfants comme les personnes âgées étant associés. A Guierche (Sarthe) comme à Angers (Maine-et-Loire), "ces personnes qui ont construit nos communes hier se trouvent accompagnées lors de cette journée" et découvrent ainsi l'ensemble des chantiers, s'est ému Eric Bourge, maire de La Guierche et ambassadeur pour les Pays de la Loire.
À côté des impacts sur la cohésion de la commune et le sentiment d'appartenance des habitants, les maires mettent l'accent sur les relations renforcées entre les habitants et les personnels techniques et administratifs - "les gens se rendent compte du travail qui est fait", a salué Gilbert Fuchs, maire de Hagenthal-le-Bas -, ainsi que sur le partenariat avec les associations et les entreprises. L'impact est aussi financier. "C'est un cercle vertueux parce qu'au niveau des collectivités nous baissons nos frais de fonctionnement, ce qui nous permet de capitaliser et d'augmenter nos capacités d'investissement", a résumé Fabian Jordan. Fabrice Dallongeville, maire d'Auger-Saint-Vincent, a même évalué à 285.000 euros la richesse produite à l'occasion de la journée citoyenne dans sa commune. Le coût d'organisation de la journée varie chez lui entre 3.500 et 8.000 euros selon la nature des chantiers. "Nous devrions en effet mettre en avant cet aspect des choses dans la comptabilité communale pour encourager cette implication citoyenne", a rebondi Philippe Laurent, maire de Sceaux (Hauts-de-Seine), venu apporter le soutien de l'Association des maires de France (AMF).
Accompagner les habitants pour qu'ils "deviennent les vrais acteurs de la journée citoyenne"
Si l'édition de 2020 a dû être annulée en raison du contexte sanitaire, nombre de communes sont parvenues à organiser une journée citoyenne en mai 2021, avec des mesures de protection et des jauges limitées. Le congrès a été l'occasion de distiller des conseils pratiques aux maires qui souhaiteraient se lancer : démarrer "petit" avec quelques chantiers avant de "monter en puissance" les années suivantes, ne pas négliger la communication et inviter les habitants directement dans leur boîte aux lettres, s'inspirer des idées des autres communes sur les chantiers à réaliser… "Il faut surtout répondre à la demande des citoyens qui deviennent les vrais acteurs de la journée citoyenne : ne pas d'avoir d'ambition démesurée, juste accompagner les initiatives des citoyens", a insisté Fabian Jordan.
Avec le soutien de l'AMF et de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), un appel à organiser le 25 septembre prochain une "journée nationale de la citoyenneté et de la fraternité" a été approuvé par les élus présents lors du congrès. Cette journée pourrait donner lieu localement à l'organisation de journées citoyennes, à des repas de quartier, des conférences "ou toutes autres actions collectives favorisant la mobilisation des habitants", indique l'Odas dans un communiqué. "Si la liberté et l'égalité sont principalement l'affaire de l'État, la fraternité est davantage du ressort du local", peut-on lire dans l'appel "en direction de tous les élus locaux et responsables associatifs de notre pays, dans un moment particulièrement crucial pour l'avenir de notre société".