Délégations de service public - Elus membres du conseil d'administration d'une Sem : attention au risque de prise illégale d'intérêt
Dans une réponse à une question du sénateur Jean-Louis Masson, publiée le 23 avril 2009 au Journal officiel du Sénat, les services du ministère de la Justice apportent des précisions importantes sur l'hypothèse dans laquelle la participation d'un membre du conseil municipal au conseil d'administration d'une société d'économique mixte locale (Seml) peut être qualifiée de prise illégale d'intérêt.
Le sénateur souhaitait savoir s'il existait un risque pour un élu local, membre du conseil d'administration d'une Seml, de participer au vote relatif à l'attribution d'une délégation de service public à laquelle cette société d'économie mixte concourt et de voir cette participation qualifiée de prise illégale d'intérêt.
Le ministère de la Justice rappelle que si l'article L.1524-5 du Code général des collectivités territoriales dispose que "les élus locaux, représentant une collectivité territoriale au sein du conseil d'administration d'une société d'économie mixte locale et exerçant les fonctions de membres du conseil d'administration, ne sont pas considérés comme étant intéressés à l'affaire, au sens de l'article L.2131-11 dudit code, lorsque la collectivité délibère sur ses relations avec la société d'économie mixte", ces élus locaux ne peuvent toutefois participer "aux commissions d'appels d'offre ou aux commissions d'attribution de délégations de service public de la collectivité territoriale lorsque la société d'économie mixte locale est candidate à l'attribution d'un marché public ou d'une délégation de service public dans les conditions prévues aux articles L.1411-1".
Dès lors, la participation d'un élu local exerçant les fonctions de membre du conseil d'administration d'une Seml au vote relatif à l'attribution d'un marché ou d'une délégation de service public pourrait être qualifiée par le juge de prise illégale d'intérêt, délit réprimé par le Code pénal.
Cette réponse ministérielle fait écho à la position du Conseil d'Etat dans sa jurisprudence relative à la responsabilité pénale des élus locaux exerçant par ailleurs les fonctions de chef d'entreprise et qui, au cours de leur mandat, dirigent ou contrôlent notamment une opération de délégation de service public qui intéresserait leurs propres entreprises. Pour le juge administratif, le conseiller concerné ne doit pas participer aux travaux préparatoires de la délibération intéressant sa société (CE, 28 juillet 1993, Commune d'Arcangues, n°121419), il ne doit pas non plus participer au vote qui concerne ses intérêt professionnels (Conseil d'Etat, 12 février 1986, Commune d'Ota, n° 45146) et, dans certains cas, sa participation aux débats, voire sa seule présence, suffisent à entacher d'illégalité les délibérations du conseil municipal (Conseil d'Etat, 27 juin 1997, M. Tassel et autres, n° 122044).
L'Apasp
Référence : réponse du ministère de la Justice au sénateur Masson, publiée dans le JO Sénat du 23 avril 2009, p. 1017
Prise illégale d'intérêt
La prise illégale d'intérêt est définie à l'article L.432-12 alinéa 1er du Code pénal comme "le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, de recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou en partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 750.000 euros d'amende".