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Présidentielle : les candidats affûtent leurs propositions sur les collectivités

Une semaine après la "Rencontre les libertés locales" initiée par Territoires unis, France urbaine et Intercommunalités de France ont auditionné à leur tour, le 22 mars, les candidats à l'élection présidentielle ou leurs représentants. Dix d'entre eux ont répondu à l'invitation. Une occasion supplémentaire de préciser leurs projets concernant les relations entre l'Etat et les collectivités, l'organisation et la répartition des pouvoirs, ou encore les finances locales.

Dix candidats ou leurs représentants ont passé un grand oral ce 22 mars, à l'Institut du monde arabe à Paris, devant plus de 200 élus des grandes villes et des intercommunalités. Deux candidats, Philippe Poutou et Jean Lassalle, n'avaient pas dépêché de représentants.

Au total, ils étaient donc neuf hommes et une femme. A l'invitation de France urbaine et d'Intercommunalités de France (ex-Adcf), ils sont tour à tour montés à la tribune pour exposer en 15 minutes la place et le rôle des collectivités locales dans leur projet ou celui de leur champion. La moitié de leur temps de parole pouvait être consacré à des thèmes librement choisis. Le reste du temps devant servir à répondre à un cahier des charges fixé par les organisateurs : il s'agissait de connaître les positions respectives des prétendants à l'Elysée sur les relations entre l'Etat et les collectivités locales, la décentralisation, la place des grandes villes et des intercommunalités au sein de l'architecture des collectivités, ou encore les finances locales. Des thèmes centraux qui, en définitive, ont recoupé assez souvent les sujets mis en exergue lors des temps d'expression libre.

"Acte 3", "approfondissement", clarification…

"Envisagez-vous une nouvelle étape de la décentralisation ?" Nathalie Appéré, maire de Rennes, et Virginie Carolo-Lutrot, présidente de la communauté d'agglomération Caux Seine Agglo, ont posé la question à chacun des invités. "Il faut un acte 3 de la décentralisation" et celui-ci devra être "préparé avec les collectivités locales", a répondu sans ambiguïté Nicolas Mayer-Rossignol, maire et président de la métropole de Rouen, venu défendre les couleurs d'Anne Hidalgo. Ce "nouvel âge des libertés locales" tendrait par exemple à la mise en place d'un contrôle de légalité moins "systématique". Le dispositif existant "confine à l'infantilisation" et génère "paperasse" et "bureaucratie", a fustigé l'élu PS. Pour sa part, Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, a répété ce que la candidate LR Valérie Pécresse avait détaillé le 15 mars, lors de l'audition organisée par Territoires unis, à savoir la volonté de "présenter une très grande nouvelle loi de décentralisation, certainement au moins aussi ambitieuse que ne l'étaient les textes de 1981 et 1982." L'objectif étant de "donner davantage de libertés, de responsabilités, de compétences dans les territoires, aux territoires". Avec pour corollaire une "nouvelle étape de la déconcentration".

"L'enjeu n'est pas celui d'un nouvel acte de décentralisation", mais plutôt d'un "approfondissement" pour redonner de la "capacité d'agir aux collectivités", a estimé quant à lui David Belliard, porte-parole de Yannick Jadot. L'adjoint écologiste à la maire de Paris en a dessiné les contours, en insistant notamment sur la nécessité d'une "contractualisation responsable", d'un partage du pouvoir réglementaire au profit des collectivités, par la voie de l'expérimentation, et de "plus de démocratie". Cette dernière exigence se traduirait par exemple par l'élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains.

En cas de réélection d'Emmanuel Macron, celui-ci s'attacherait à la clarification des compétences - suivant le principe "une mission, un responsable" - et à la mise en place d'un "vrai partenariat de confiance" entre l'Etat et les collectivités, a assuré son porte-parole, le député et conseiller régional d'Ile-de-France, Laurent Saint-Martin. Cela se traduirait, par exemple en matière de logement, par une décentralisation accrue au bloc communal, car celui-ci connaît mieux "le terrain". Ainsi, la délégation de la part de l'Etat des aides à la pierre cesserait au profit d'une "dotation qui donne les moyens de la politique".

Intercommunalité librement choisie

Présent en personne, Nicolas Dupont-Aignan a fait part, lui aussi, de son souci de "clarification". "Il y a assez de décentralisation, le problème c'est qu'elle n'est pas assez organisée, elle n'est pas claire", a critiqué le député de l'Essonne. Pour qui "plus personne n'y comprend rien". Sa solution : la convocation de "vrais états généraux de la décentralisation" qui permettraient de "tout remettre à plat".

Détaillant leur opinion sur les échelons qui ont leur préférence, les candidats ont tous exprimé un attachement à la commune, échelon de base qu'il faut conforter. Une unanimité que l'on n'a pas retrouvée au sujet de l'intercommunalité. Certes, celle-ci est jugée nécessaire pour la réalisation de projets importants. Mais elle doit être davantage respectueuse de la commune, ont-ils souligné. Plusieurs orateurs se sont élevés contre les "mariages forcés" et les périmètres "trop vastes" issus de la loi de 2015 sur l'organisation territoriale de la République. Il faut que l'intercommunalité "fasse sens", a insisté Cécile Cukierman, sénatrice et représentante de Fabien Roussel. Un message porté également par Patrick Proisy, maire de Faches-Thumesnil et porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, lequel a souhaité la suppression des métropoles.

Une majorité de candidats a encore moins de sympathie pour les régions qui résultent de la réforme de 2015. A la place de ces "grosses entités incompréhensibles", la France insoumise propose un découpage en fonction des "bassins versants". Les 24 régions ainsi créées auraient en charge "la gestion de l'eau". Nicolas Dupont-Aignan propose pour sa part de les supprimer purement et simplement, les départements devant alors "récupérer beaucoup de choses". Une orientation qui ne gênerait peut-être pas Marine Le Pen, dont le parti est "plutôt départementaliste". Mais la conseillère départementale du Pas-de-Calais prône plutôt le retour du conseiller territorial. Un élu d'un nouveau genre, qui fusionne les mandats des conseillers régionaux et départementaux. Pour rappel, la réforme avait été votée en 2010 (durant le mandat de Nicolas Sarkozy), puis abrogée deux ans plus tard (après l'élection de François Hollande). On retrouve la proposition chez Eric Zemmour. Qui l'accompagne d'un autre cumul : celui des mandats d'élu local et de parlementaire. Le Parlement "a besoin de l'expérience des territoires", a expliqué le sénateur Stéphane Ravier, qui le représentait. En revanche, Xavier Bertrand a vanté les atouts de la région, appelée selon lui à travailler de concert avec les intercommunalités, notamment en matière de développement économique et d'environnement. Laurent Saint-Martin pour sa part n'a pas évoqué le conseiller territorial, alors que celui-ci figure dans le programme d'Emmanuel Macron ("les élus départementaux seront les mêmes que les élus régionaux, avec un seul conseiller territorial").

"Economies sur le dos des collectivités locales"

Les représentants des candidats ont été tout autant divisés sur les finances locales. Parmi les propositions, celle de la communiste Cécile Cukierman est double : amélioration du pouvoir de taux sur les impositions locales et indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l'inflation. Xavier Bertrand a de son côté défendu une logique qui sera, selon lui, le contraire de celle du "pacte de Cahors", qui a limité les dépenses de fonctionnement des grandes collectivités entre 2018 et 2020. Cela consisterait à "donner une véritable visibilité" aux collectivités, sans faire d'"économies" sur leur "dos". Une pique à l'endroit d'Emmanuel Macron, dont le porte-parole, Laurent Saint-Martin, a confirmé qu'il demanderait un effort aux collectivités, s'il est réélu, pour redresser les finances publiques. Cet effort sera de 10 milliards d'euros sur le quinquennat – et non 15 milliards d'euros comme l'affirmait Xavier Bertrand, a précisé le rapporteur général du budget.

L'élu francilien a aussi confirmé la volonté de l'actuel président de la République de supprimer totalement la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Une idée qui, plus tôt, avait suscité une levée de boucliers de la part de Pascal Le Manach. Le représentant de Nathalie Arthaud, qui s'est présenté comme ouvrier dans une usine du groupe Renault, a dénoncé sur ce sujet "le chantage du patronat", auquel "plusieurs candidats entendent obéir". "L'argent public doit servir au service public, pas à subventionner le grand patronat", a-t-il lancé.  

Laurent Saint-Martin a encore confirmé que la révision des valeurs locatives des impôts locaux était bien prévue et que le candidat Emmanuel Macron n'avait pas l'intention de supprimer la taxe foncière, ce que redoutent parfois les maires.

 

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