Égalité femmes-hommes : des inégalités entre agents malgré une volonté d'exemplarité de la part des régions
Régions de France et Eurogroup Consulting ont dévoilé le 4 mars les résultats d’une étude inédite qui révèle des avancées significatives ainsi que la persistance d'inégalités professionnelles femmes-hommes, notamment en matière de responsabilités, de rémunérations et d'accès aux formations au sein des administrations régionales.

© AR avec Eurogroup Consulting, Régions de France et Adobe stock
"Plus de 39% des DGS des régions sont des femmes. Ce taux chute à 24% pour l'ensemble de collectivités. Alors oui, les régions vont dans le bon sens mais selon une étude de l'ONU, si on continue à ce rythme, l'égalité ne sera pas atteinte avant une centaine d'année", prévient Anne-Cécile Dréan, DGA aux ressources de la ville de Redon qui intervenait aussi au nom de Dirigeantes & Territoires - une association qui oeuvre activement en faveur de la parité dans le secteur public - lors d'un colloque organisé par Régions de France le mardi 4 mars 2025.
L'objectif : présenter les résultats d'une étude inédite, menée par Eurogroup Consulting en partenariat avec Régions de France, qui documente pour la première fois et de façon exhaustive la question de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein des régions. Une égalité qui "doit être une boussole de l'action publique", estime Carole Delga, présidente de Régions de France. La démarche s'inscrit dans une volonté d'exemplarité de la part des régions qui emploient près de 100.000 agents et qui, au-delà de leurs compétences économiques et territoriales, entendent jouer un rôle moteur dans la promotion de l'égalité.
"Laissez-nous innover !"
L'étude souligne que les régions devancent d'autres collectivités en matière d'égalité professionnelle. Par exemple, 38 % des postes de direction au sein des régions sont occupés par des femmes, contre 33 % dans les départements et 30 % dans les métropoles. Le taux relevé par Anne-Cécile Dréan de 39% des postes de direction générale tenus par des femmes dépasse même le secteur privé. Sandrine Derville, vice-présidente de la région Nouvelle-Aquitaine et représentante des régions au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), témoigne : le "premier levier de notre région, c'est la formation. 38% des hommes et seulement 31% des femmes en ont bénéficié l'an dernier". Elle ajoute que le congé maternité est désormais considéré comme période d'activité : "Ce n'est plus un frein aux promotions", se réjouit l'élue qui rappelle que sa région a pris l'initiative de la création du congé menstruel, "une démarche volontaire", que les services préfectoraux ont tendance à freiner. "Laissez-nous innover !", lance l'élue
"Qui vous connaît et qui vous repère ? "
Thaima Samman, fondatrice et présidente de Women in Leadersheap (WIL) -association de 300 femmes qui occupent des postes de haut niveau à travers l'Europe - ne manque pas de relever que "ce colloque réunit beaucoup de femmes alors que la question de l'égalité n'est justement pas qu'une question de femmes !". Selon elle, la question "qui vous connaît et qui vous repère ?" correspond au troisième obstacle à l'égalité professionnelle qu'elle a identifié, après le premier - la charge familiale - et le deuxième - les stéréotypes "dans la tête des filles".
L'étude démontre en effet que les métiers techniques et les postes à responsabilités restent largement dominés par les hommes, malgré des actions ciblées pour diversifier les filières et lutter contre les stéréotypes de genre. Les agents de catégorie B dans les lycées sont par exemple à 89% des hommes, soulignant une segmentation persistante. Alors que les femmes représentent globalement 59% des effectifs affectés au fonctionnement des établissements scolaires du second degré, elles ne sont que 11% à exercer cette mission en appartenant à la catégorie B.
Seulement 37% des femmes dans le "top 10" des plus hautes rémunérations
La réduction des écarts de rémunération est également scrutée par Régions de France. L'association se félicite des progrès accomplis en matière de diminution des distorsions de salaire entre les femmes et les hommes au niveau de l'ensemble des effectifs. En revanche, elle observe que les inégalités salariales sont particulièrement creusées au sein des directions des conseils régionaux. En effet, seulement 37% des femmes figurent dans le "top 10" des plus hautes rémunérations.
À noter, en Île-de-France, un budget annuel de 300.000 euros est alloué depuis 2020 pour corriger ces écarts. Au total, 901 agents, dont 70% de femmes, ont bénéficié de ces mesures. Malgré ces efforts, les disparités salariales subsistent, notamment en raison des différences entre les filières techniques et administratives.
En parallèle, des régions comme les Pays de la Loire et le Centre-Val de Loire travaillent à harmoniser les régimes indemnitaires, avec des mesures de rattrapage ciblées principalement vers les femmes. Cette volonté d'équité salariale est renforcée par des plans d'action pluriannuels visant à corriger progressivement ces écarts. Sophie Gauguin, première vice-présidente de la région Normandie et présidente du groupe de travail égalité femmes-hommes de Régions de France, préconise d'être "rigoureux sur la méthode" et de s'appuyer sur de la donnée. Une idée reprise par Aurore Bergé, ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, lors de son discours conclusif : l'égalité passe par "un suivi précis des écarts de rémunération parce qu'on ne corrige que ce que l'on connaît et ce que l'on mesure, une véritable transparence sur les carrières, notamment grâce à l'index égalité professionnelle qui a enfin été étendu aux trois fonctions publiques, dont la fonction publique territoriale" (voir notre article du 13 septembre 2024).
Des indicateurs précis
Reste à garantir la pérennité de toutes les actions. Pour ce faire, les régions s'appuient sur une gouvernance structurée et des indicateurs précis. La région Bretagne, par exemple, a adopté un baromètre spécifique à l'égalité professionnelle, générant 12 indicateurs clés à partir des données du rapport social unique (RSU). Des bilans annuels permettent d'évaluer les avancées réalisées. En Normandie, un plan d'action ambitieux comprenant 28 mesures concrètes a été mis en place pour la période 2025-2027, avec un suivi rigoureux assuré par des comités de pilotage.
"Casser les codes"
La présidente du groupe de travail égalité femmes-hommes de Régions de France incite quant à elle à "casser les codes" et invite notamment les chefs d'entreprises à être formés sur les violences sexuelles et sexistes. "Pas que les élus, pas que nos dirigeants, ou dans nos administrations."
En outre, des dispositifs de signalement contre les violences sexistes et sexuelles ont été déployés dans toutes les régions, accompagnés de formations pour sensibiliser les agents. La région Île-de-France a, par exemple, formé un réseau d'ambassadeurs égalité dans les lycées chargés de relayer les politiques régionales et d'organiser des ateliers de sensibilisation.
La mise en œuvre de sanctions sévères pour des actes sexistes au sein des établissements scolaires a également été saluée pour son effet dissuasif. Toutefois, l'association Dirigeantes & Territoires rappelle que ces mesures disciplinaires doivent s'accompagner de changements profonds des pratiques et d'un accompagnement des victimes pour être réellement efficaces.
Les réunions de 19h30/20h
L'étude de Régions de France rappelle enfin que l'équilibre entre vie professionnelle et personnelle est l'un des quatre axes structurants des politiques RH régionales. Des dispositifs comme le télétravail et l'aménagement des horaires se sont développés, particulièrement en Bretagne et en Nouvelle-Aquitaine. L'Île-de-France se distingue avec des initiatives telles que le soutien à la parentalité et des congés spécifiques pour accompagner les agents dans leurs parcours professionnels et personnels. Cette dynamique semble porter ses fruits : 62% des agents de catégorie A dans les services généraux sont des femmes, un chiffre qui témoigne des progrès réalisés en termes d'accès aux postes à responsabilités.
Reste à éradiquer les fameuses réunions de 19h30/20h autour d'un verre de vin "quand les femmes sont rentrées chez elles". Sandrine Derville les dénonce et avoue "s'être battue dans sa collectivité pour les faire cesser. Elle note au passage qu'elle a beaucoup moins constaté "ce type de dérive dans le privé". Elle s'agace aussi des "binômes hommes-femmes qu'on envoie trop systématiquement quand il s'agit d'être représenté au sein d'une institution importante".