Fonction publique - Egalité femmes-hommes : après une négociation éclair, les syndicats appelés à prendre position
La négociation entamée le 10 septembre sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique s'est achevée mercredi 24 octobre. Les syndicats et les employeurs publics sont à présent appelés à se prononcer d'ici un mois sur un projet de protocole d'accord. Lequel prévoit, entre autres mesures, une réduction des écarts salariaux entre les deux sexes, l'élargissement du dispositif des quotas de nominations pour les emplois de l'encadrement supérieur, ou encore une meilleure prise en compte des congés parentaux et des disponibilités demandées pour élever un enfant.
Après 5 heures 30 de discussions, ce 24 octobre, le gouvernement et les représentants des organisations syndicales et des employeurs hospitaliers et territoriaux ont abouti à un projet de protocole d'accord sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, sur lequel chaque acteur va à présent se prononcer d'ici un mois.
Comme l'a voulu l'exécutif, cette négociation lancée le 10 septembre, a été courte : la réunion qui s'est tenue, ce mercredi, en présence du secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics était la quatrième et la dernière. Elle était "conclusive", dit-on à Bercy.
Dès le 21 septembre, Bercy a communiqué un projet de protocole d'accord, dans le but de "franchir un nouveau cap" sur un thème érigé en grande cause nationale par le président de la République. Ce document-martyr, de 12 pages et sans préambule, était bâti autour de cinq grands axes : "la gouvernance des politiques d'égalité professionnelle" ; "les conditions d'un égal accès aux métiers et aux responsabilités professionnelles"; "les situations injustifiées d'écarts de rémunération et de déroulement de carrière" ; "l'accompagnement des situations de grossesse", "la parentalité et la conciliation des temps de vie professionnelle et personnelle" ; enfin, "la prévention et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes". Le texte fixait plusieurs obligations pour les employeurs publics, mais pas d'échéances précises.
Calendrier resserré
Depuis, le ministère a revu sa copie, transmettant aux parties prenantes de la négociation deux autres versions du projet de protocole d'accord. La quatrième version (21 pages), que la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) a communiquée dans les heures suivant la réunion de ce 24 octobre, et que Localtis s'est procurée, conserve les 5 axes initiaux. Mais, prenant en compte notamment plusieurs demandes des syndicats, elle durcit les contraintes et resserre le calendrier de leur entrée en vigueur. Elle prévoit aussi des sanctions pour les employeurs qui ne les appliqueront pas.
Pierre angulaire de la stratégie en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, un plan d'action spécifique devra être élaboré par chaque administration et chaque collectivité "au plus tard" au 31 décembre 2020. Sa mise en œuvre devra intervenir dans les trois années suivant son adoption. Le plan précisera en particulier les engagements de l'employeur, les objectifs à atteindre, les moyens mis à disposition - notamment les moyens financiers - ainsi qu'un calendrier. Le respect de cette obligation fera l'objet de contrôles. Les contrevenants devront payer des pénalités pouvant atteindre 1% de la rémunération brute annuelle des personnels. Les plus petites collectivités ne seront pas obligées d'élaborer un plan, mais elles seront "incitées" à en prévoir un, en tenant compte de leurs spécificités. Dans chaque administration et collectivité, un ou plusieurs "référents égalité" feront vivre le plan d'action. En sachant que les petites collectivités pourront s'appuyer sur un "réseau de référents mutualisés". Le rôle de ces acteurs sera précisé l'an prochain par une circulaire.
Un fonds pour l'égalité professionnelle
Pour accompagner financièrement les administrations de l'Etat dans la mise en œuvre de leurs plans, un fonds pour l'égalité professionnelle sera mis en place, là encore dès 2019. Il sera alimenté des pénalités versées par les employeurs de la fonction publique d'Etat. L'instauration d'un dispositif d'accompagnement financier équivalent pour les collectivités territoriales et les hôpitaux est prévue. Un groupe de travail réunissant les représentants des employeurs et des personnels concernés sera mis sur pied pour en définir les modalités de fonctionnement.
Autre mesure prévue par le projet de protocole d'accord : l'actuelle obligation pour les employeurs publics, dont les collectivités de plus de 80.000 habitants, d'atteindre un taux d'au moins 40% de femmes pour les primo-nominations sur les emplois de cadres supérieurs et dirigeants va être étendue. Les collectivités de plus de 40.000 habitants disposant d'au moins trois emplois fonctionnels y seront soumises. En sachant que le montant des pénalités financières (aujourd'hui 90.000 euros par bénéficiaire manquant) "sera adapté pour tenir compte de la spécificité" des nouvelles collectivités qui entreront dans le dispositif. Ces évolutions entreront en vigueur progressivement à compter du 1er janvier 2020. Le document issu de la négociation indique par ailleurs qu'"une réflexion sera conduite sur les autres emplois d'encadrement, non soumis à l'obligation de primo-nominations équilibrées, afin d'identifier les leviers permettant un égal accès des femmes et des hommes à ces emplois, notamment dans une logique de constitution de viviers pour les emplois fonctionnels".
Pas de jour de carence pour les femmes enceintes
Les plans d'action "égalité professionnelle" prévoiront obligatoirement des mesures de résorption des écarts salariaux assorties d'objectifs chiffrés. Celles-ci devront avoir été engagées au plus tard au 31 décembre 2020 et leur mise en œuvre devra être achevée au plus tard trois ans après l'adoption du plan d'action.
Etant donné que les écarts salariaux entre les hommes et les femmes tiennent notamment à l'arrivée et à l'éducation des enfants, "le gouvernement souhaite que l'agente ou l'agent en position de congé parental ou bénéficiant d'une disponibilité pour élever un enfant, conserve en totalité ses droits à avancement d'échelon dans la limite de cinq ans au cours de la carrière". En outre, il est indiqué que "les parents pourront bénéficier de la disponibilité de droit pour élever un enfant jusqu'aux 12 ans de l'enfant", alors qu'aujourd'hui ce droit prend fin au huitième anniversaire de l'enfant.
L'une des dernières nouveautés inscrites dans le projet de protocole ouvre une brèche dans l'application du jour de carence pour les arrêts maladie des agents, au bénéfice des femmes enceintes. "Les congés de maladie pendant la grossesse seront exclus du champ d'application de la journée de carence, qu'ils résultent ou non d'un état pathologique lié à la grossesse", stipule le document. Au bénéfice des parents de jeunes enfants, cette fois, les employeurs publics "s'engagent" à favoriser l'accès à des places de crèches. Les mesures de nature législative (plans d'actions dédiés à l'égalité professionnelle, neutralisation de l'impact des congés familiaux sur la rémunération et les déroulements de carrière, modification de la mise en œuvre du jour de carence) seront incluses dans le projet de loi sur la fonction publique "prévu au premier semestre 2019".
Quid de la revalorisation des filières très féminisées ?
Interrogée par l'AFP à l'issue de la réunion de ce 24 octobre, la représentante de la CGT Fonction publique, Céline Verzeletti, a jugé la version finale "décevante" et a estimé qu'il serait "difficile d'obtenir un accord majoritaire". Elle a dit "regretter" notamment qu'il n'y ait "pas d'obligation de résultats" ni "rien de prévu pour la revalorisation des filières à prédominance féminine". La CGT avait demandé, avant la réunion de mercredi, que les négociations se poursuivent, notamment sur ce dernier point. La "revalorisation des métiers et filières à prédominance féminine" avait été demandée cet été par huit syndicats dans un courrier envoyé à Olivier Dussopt. Dans un communiqué, l'Unsa a dit "regretter" que "le protocole ne soit pas plus volontariste pour avancer [sur ce sujet]". Par ailleurs, elle s'est "félicitée" de voir prises en compte "plusieurs" de ses revendications, telles que la création d'un fonds pour l'égalité professionnelle.
"Nous pouvons effectivement parler d'une véritable négociation sur ce dossier", a déclaré de son côté la FA-FPT, qui s'est réjouie de la perspective de suppression du jour de carence pour les femmes enceintes. Mais elle a pointé des "incohérences" entre les bonnes intentions sur l'égalité professionnelle et la concertation en cours pour "refonder le contrat social avec les agents", notamment en ce qui concerne les instances de dialogue.
Si une majorité se dégage en faveur du projet de protocole, ce dernier pourrait être signé le 26 novembre, soit à quelques jours des élections professionnelles (6 décembre).