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Conseil interministériel du tourisme - Edouard Philippe trace la feuille de route pour atteindre les 100 millions de touristes

Le conseil interministériel du tourisme qui s'est réuni mercredi en fin de journée a défini six domaines prioritaires : qualité de l'accueil et sécurisation, structuration de l'offre, soutien aux investissements, formation et emploi, numérisation et partage d'information, accès aux vacances pour le plus grand nombre. Ce dernier enjeu apparaît toutefois très en retrait dans ce plan gouvernemental devant avant tout permettre d'attirer et retenir toujours plus de touristes étrangers.

Edouard Philippe a  réuni et présidé en personne, le 26 juillet, le conseil interministériel du tourisme. Après une année noire en 2016 (voir notre article ci-dessous du 13 février 2017), cette réunion intervient dans un contexte beaucoup plus favorable, marqué par une forte reprise de l'activité touristique (voir notre article du 11 juillet 2017). Ce retournement rend donc à nouveau crédible le double objectif d'atteindre les 100 millions de touristes internationaux en 2020 et, surtout, celui des 50 milliards d'euros de recettes - au lieu de 40 milliards actuellement avec seulement le quatrième rang mondial en la matière derrière les Etats-Unis, la Chine et l'Espagne -, grâce à une progression de la durée moyenne de séjour. L'objet de la réunion du conseil du 26 juillet était donc de définir les moyens et mesures nécessaires pour y parvenir.

Eviter le chaos dans les aéroports et 48 heures pour un visa

Pour cela, le gouvernement a défini six domaines prioritaires : la qualité de l'accueil et la sécurisation - ce dernier point ayant déjà fait l'objet de plusieurs mesures du précédent gouvernement (voir notre article du 10 mai 2017) -, la structuration de l'offre touristique, le soutien de l'Etat aux investissements, la formation et l'emploi, le soutien à la numérisation et au partage d'information et, enfin, l'accès aux vacances pour le plus grand nombre.
Si les axes prioritaires sont ainsi tracés, une bonne partie des onze mesures annoncées restent en revanche à préciser. Au titre des dispositions les plus abouties, du moins dans leurs objectifs chiffrés, figurent notamment l'engagement de limiter à 48 heures le délai de délivrance des visas dans dix nouveaux pays d'ici à juin 2018 (l'opération, mise en place en Chine en 2014, a entraîné une augmentation du nombre de touristes de 61% dès la première année) et celui de réduire le temps d'attente "aux frontières" dans les aéroports à 30 minutes pour les ressortissants de l'Union européenne et à 45 minutes pour les autres.
Cette dernière mesure est en fait dictée par l'urgence d'éviter une "catastrophe industrielle" dans les aéroports parisiens. Lors d'un point presse en novembre 2016, Augustin de Romanet, le PDG d'ADP (Aéroports de Paris), indiquait en effet que le nombre de passagers ayant attendu plus de 30 minutes avait déjà été multiplié par vingt depuis le début de l'année... Et la situation ne fait que se dégrader avec le retour en masse des touristes internationaux depuis quelques mois.

Une question d'image

Deux autres mesures sont également en lien avec les aéroports, porte d'entrée des touristes internationaux hors voisins immédiats de la France. D'une part, la fluidification de la détaxe, là aussi pour limiter les files d'attente. D'autre part, la mise en place d'un "plan d'entretien des autoroutes" entre les aéroports franciliens et Paris, réseau routier dont l'état actuel de saleté donne une très mauvaise image aux touristes étrangers. Un marché devrait confier cette mission à un prestataire privé, en contrepartie de l'octroi d'emplacements d'affichage publicitaire.
En matière d'emploi et de formation, deux mesures sont prévues : l'augmentation du nombre de contrats d'apprentissage dans la filière touristique, "en concertation avec la profession", et la signature, en 2018, d'un accord "d'engagement de développement de l'emploi et des compétences" (Edec), afin de répondre aux besoins du secteur.

Vers une "convention-cadre interministérielle"

Le plan présenté par Edouard Philippe prévoit aussi le lancement de la plateforme "DATAtourisme" à l'automne 2017, "pour collecter, uniformiser et diffuser en Open Data les données d'information produites par les acteurs touristiques territoriaux". Il s'agit en fait d'une demie annonce, puisque la version bêta de la plateforme a été mise en ligne au début de l'année (voir notre article du 16 janvier 2017) et que la v2.0 était, à l'origine, prévue pour ce printemps.
En termes de gouvernance, deux mesures sont d'ores et déjà programmées : l'organisation, le 25 septembre, des deuxièmes Rencontres nationales du tourisme Outre-mer - afin de mettre en place un conseil du tourisme dans les Outre-mer - et la mise en place, avant la fin de l'année, d'une "convention-cadre interministérielle" visant à soutenir et promouvoir la filière du tourisme culturel en France. Ce dernier point devrait s'appuyer sur les conclusions du rapport de Martin Malvy sur le tourisme et le patrimoine, remis à Jean-Marc Ayrault en mars dernier (voir notre article ci-dessous du 15 mars 2017).

Des moyens budgétaires qui restent à préciser

Reste la question des moyens budgétaires, sur laquelle le plan dévoilé par Edouard Philippe demeure très flou. Il prévoit certes "un plan d'investissement dans les stations balnéaires et de montagne", afin de "maintenir la qualité d'offre de services et du patrimoine de logements d'accueil", mais il ne fixe, à ce stade, aucun objectif chiffré.
De même, en matière de soutien aux actions locales de développement touristique, le Premier ministre se contente d'annoncer son intention de "mobiliser l'expertise publique au profit des territoires, pour accompagner les projets touristiques des collectivités territoriales", sans autres précisions.

Comment accueillir 17 millions de touristes supplémentaires d'ici trois ans ?

Au-delà de ces aspects budgétaires, qui feront sans doute l'objet d'arbitrages ultérieurs, le plan élude très largement la question de la capacité d'accueil. Comment en effet accueillir dans trois ans 100 millions de touristes étrangers alors que la capacité d'hébergement, notamment en hôtellerie, est pratiquement inchangée depuis dix ans ?
De même, comment, sans une action forte pour étaler la saison touristique internationale, accueillir 17 millions de touristes supplémentaires alors que de nombreux monuments ou sites phares de l'attractivité de la France frôlent déjà la saturation matérielle ? La tour Eiffel, par exemple, à doublé sa fréquentation en trente ans et atteint désormais les 7 millions de visiteurs, tout près de sa capacité maximale estimée à 7,3 millions. Pour sa part, le musée du Louvre a triplé sa fréquentation sur la même période et frôle lui aussi la saturation, malgré les nouveaux aménagements autour de la Pyramide. On pourrait en dire autant d'autres sites comme le Sacré-Cœur ou le parvis de Notre-Dame (13 millions de touristes estimés). Certains, comme la tour Eiffel ou le château de Versailles, pensent avoir trouvé une réponse en augmentant les tarifs ou en rendant payants certains accès jusqu'alors gratuits (comme les jardins de Versailles).

Les touristes français, parents pauvres ?

Mais de telles mesures pénalisent aussi les touristes français, dont le revenu moyen est souvent bien inférieur à celui de visiteurs venus en vacances de l'autre bout du monde.
C'est d'ailleurs là un effet pervers du rattachement du tourisme au ministère des Affaires étrangères, inauguré avec Laurent Fabius. S'il crée une vraie dynamique sur le tourisme international - et à terme sur la balance des paiements -, il conduit en revanche à reléguer au second plan les enjeux du tourisme national, et notamment sa dimension sociale.
Or, selon l'Observatoire des inégalités, le taux de départ en vacances des Français (au moins quatre nuits consécutives hors raisons professionnelles) est certes remonté à près de 60% après avoir frôlé les 50% en 2008. Mais ce taux de 60% est inférieur a celui observé... en 1998, et même très inférieur pour les revenus les plus faibles. Or, si l'"accès aux vacances pour le plus grand nombre" fait bien partie des six domaines prioritaires retenus par le conseil interministériel du 26 juillet, aucune des onze mesures annoncées n'est en lien direct avec cette priorité...
Si le contenu du plan reste encore sans doute à compléter et affiner - le communiqué du Premier ministre parle d'ailleurs des "premières mesures concrètes" -, le gouvernement s'est en revanche donné un calendrier très précis. Le site de Matignon annonce ainsi qu'un "conseil de pilotage" sur la mise en œuvre de ces premières mesures se tiendra le 10 octobre 2017, suivi de la conférence annuelle du tourisme en décembre et d'un nouveau conseil interministériel du tourisme le 19 janvier 2018. Ce conseil interministériel devrait ensuite se tenir tous les six mois, avec la réunion d'un conseil de pilotage dans chaque intervalle.