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Écocide : vers un élargissement de l’arsenal répressif pour les atteintes graves à l’environnement

Un nouveau délit d’écocide visant à sanctionner sévèrement - jusqu'à dix ans de prison et 4,5 millions d'euros d’amende - les dommages graves et irrémédiables à l’environnement causés volontairement devrait notamment voir le jour, en écho aux travaux de la Convention citoyenne pour le climat, qui visait cependant un cran au-dessus et prônait la qualification de "crime". 

Le gouvernement a confirmé, ce 23 novembre, la création d’un délit d’écocide pour punir les atteintes graves à l’environnement, en amont d’une réunion virtuelle, prévue dans l’après-midi, entre les deux ministères concernés et des représentants de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) en clôture des travaux du groupe de travail dédié au sujet. C’est par une interview croisée dans Le Journal du Dimanche (JDD), que la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, et le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, en ont fait l’annonce, la veille, repoussant ainsi la qualification de "crime d’écocide" défendue par les 150 citoyens de la Convention parmi la centaine de propositions remises en juin dernier. Le garde des Sceaux faisant entre autres valoir "un problème d’inconstitutionnalité". 

Trop grande fragilité juridique 

La reconnaissance du crime d’écocide avait d’ores et déjà fait l’objet d’une proposition de loi repoussée par le Sénat, en mai 2019, en raison de sa fragilité juridique. Une seconde proposition portée par le socialiste Christophe Bouillon quelques mois plus tard avait connu le même sort devant l’Assemblée nationale. Il ne s’agit pas pour autant d’y renoncer, assure-t-on au cabinet de la ministre Barbara Pompili, tout en se défendant d’avoir "enterré" la proposition de la Convention. Le président de la République, Emmanuel Macron, a "dès le début" indiqué qu’il s’agissait "d’un combat à l’échelle internationale", rappelle-t-on dans l’entourage de la ministre, confirmant que le sujet serait porté auprès de plusieurs instances - comme la Cour pénale internationale et la Cour de justice de l’Union européenne - et pourrait resurgir au moment de la présidence de l’UE par la France au premier semestre 2022. "Dans le droit national, on ne pouvait pas retenir la proposition de crime d’écocide centrée sur les ‘limites planétaires’ telle qu’elle était écrite", explique-t-on au ministère pour répondre aux "esprits chagrins" qui regrettent que l’on n’ait pas repris sans filtre la proposition de la CCC. Des limites "trop floues pour être la base d’une infraction pénale", a souligné Barbara Pompili, ce qu’avait identifié le comité légistique chargé de mener le travail de transcription des propositions de la CCC, "notamment pour des questions de proportionnalité entre l'infraction commise et la sanction encourue". Le ministère souhaite donc poursuivre ce travail pour parvenir à une "définition solide de la notion de limites planétaires" en phase avec les principes fondamentaux du droit français. 

Choix du véhicule législatif

Dans l’intervalle, le gouvernement entend se saisir du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée - déjà adopté au Sénat en mars dernier et en cours d’examen à l’Assemblée - pour renforcer les peines existantes, de façon à ce qu’elles soient "plus dissuasives", et surtout créer des peines complémentaires pour les atteintes graves à l’environnement. Mais, le cas échéant, le futur projet de loi inspiré des propositions de la Convention citoyenne pourrait également s’avérer un véhicule législatif approprié. "C’est le fruit d’un travail de longue haleine avec la CCC et les associations de défense de l’environnement", indique-t-on dans l'entourage du ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti. La grande majorité des infractions environnementales font en effet l’objet de mesures alternatives aux poursuites et sont peu sanctionnées. Chiffres à l’appui : le contentieux environnemental représente "seulement 1% des condamnations pénales et 0,5% des actions civiles". Le texte sur le Parquet européen contient déjà toute une palette de mesures pour y pallier allant de de la spécialisation dans le contentieux environnemental d’un tribunal judiciaire, dans le ressort de chaque cour d’appel, à l’introduction des conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP) en matière environnementale permettant la remise en état des lieux. 

Deux nouveaux délits proposés

Deux nouveaux délits seront introduits. Tout d’abord, un délit général de pollution, gradué selon le niveau "d’intentionnalité" de l’auteur et le niveau d’impact sur l’environnement "selon qu’il est temporaire ou irrémédiable et définitif". Les peines encourues iront de trois ans à dix ans d'emprisonnement "selon qu'on est en présence d'une infraction d'imprudence, d'une violation manifestement délibérée d'une obligation et la plus lourde, d'une infraction intentionnelle" avait précisé Éric Dupont-Moretti. Les amendes varieront de 375.000 à 4,5 millions d'euros. En quoi est-ce un écocide? "Lorsque l’on est en présence d'une atteinte volontaire ayant engendré des dommages irrémédiables à l’environnement, il s’agit d’un écocide", décrypte l'entourage du garde des Sceaux. Le gouvernement envisage par ailleurs "une peine transversale de dix fois le bénéfice tiré de la commission de l’infraction", développe le cabinet du ministre. Un deuxième délit de "mise en danger de l'environnement" par des violations délibérées d’une obligation devrait aussi voir le jour. Point important, les sanctions pourront s'appliquer "y compris quand la pollution n'a pas encore eu lieu". La peine encourue sera alors d'un an de prison et 100.000 euros d’amende.
Un dernier volet devrait conduire à augmenter globalement l’échelle des peines pour l’ensemble des délits environnementaux et surtout permettre au juge de prononcer, à chaque fois que l’infraction le justifie, une sanction qui corresponde jusqu’à dix fois l’économie réalisée par le pollueur. 

Quid des effectifs 

Tout cela suppose des effectifs sur le terrain pour rechercher et constater les infractions. Sur ce point, le ministère de la Transition écologique confirme, que les effectifs de la police de l’environnement de l’Office français de la biodiversité (OFB) sont "sanctuarisés" pour les prochaines années. Une brigade nationale d’une vingtaine d’agents pourra en outre intervenir sur des "attributions pleines et entières d’officiers de police judiciaire", insiste-t-on. 
Des annonces jugées "positives" par l’association France Nature Environnement (FNE), qui défend en particulier depuis longtemps un délit de mise en danger de l’environnement. La réaction de l’association "Notre affaire à tous" a en revanche était beaucoup plus cinglante. L’ONG y voit "un bel exercice de communication auquel le gouvernement est habitué". "Nous serons d'une extrême vigilance. La notion d'écocide ne doit pas être vidée de son contenu si l'on veut qu'elle vienne sanctionner les crimes aujourd'hui commis en toute impunité", a ainsi commenté l'eurodéputée écologiste Marie Toussaint, cofondatrice de "Notre affaire à tous". 
"Le 'délit général de pollution' peut être très intéressant pour simplifier et donc rendre enfin plus efficace le droit pénal de l’environnement", a réagi de son côté sur Twitter l'avocat spécialisé en droit de l’environnement, Arnaud Gossement, voyant également dans le délit de mise en danger de l'environnement une "évolution majeure du droit pénal de l’environnement". 
 

 

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