Politique de l'habitat - Du sur-mesure pour lutter contre la crise !

Le socle de la politique de financement des logements HLM - les différentes catégories de prêts - ne doivent plus dicter les niveaux de loyers, seuls les revenus des locataires sont à prendre en compte ! L'Institut Montaigne dévoile des propositions innovantes qui prônent avant tout la mobilité dans l'ensemble du parc, à la veille de la présentation du projet de loi de Christine Boutin.

L'Institut Montaigne, à l'occasion d'une conférence intitulée "Crise du logement : réponse publique, réponse privée ?" a rendu publiques, le 12 juin, ses propositions pour "que tous aient un toit". Association 1901 créée par Claude Bébéar, président du Conseil de surveillance du groupe AXA, l'Institut Montaigne, financé uniquement par des contributions privées et soutenu par plus de 90 entreprises, se veut un lieu indépendant dont l'objectif est "d'influencer utilement le débat public en apportant des idées pragmatiques et originales". Constatant la crise du logement social, les 14 propositions s'attachent à favoriser la mobilité du parc social public et à développer le parc locatif social privé. Reprenant les données de la Fondation Abbé-Pierre selon lesquelles plus de 3 millions de Français connaissent une problématique forte de mal-logement, l'étude rappelle qu'en 2006, le logement représentait 24,8% de la consommation en biens et services des ménages. L'Institut Montaigne classe les pays membres de l'Union européenne selon trois modèles : pour la conception résiduelle du logement social qui réunit notamment le Royaume-Uni, l'Irlande, la Hongrie ou encore la Bulgarie, l'offre est exclusivement réservée aux plus démunis et le loyer est pris en charge intégralement par les systèmes d'aides sociales. La France, la Finlande, la Pologne, ou encore l'Autriche ont quant à elles choisi un nombre de bénéficiaires plus large ; le prix du logement est alors plafonné et les ménages bénéficient d'allocations prenant en charge une partie des loyers. Cette conception dite "généraliste" ne doit pas être confondue avec "la conception universelle", l'idée étant alors de fournir à tous les ménages des logements décents à un prix abordable (Suède, Pays-Bas, Danemark). "La France propose, en fonction de sa population, l'un des plus grands parcs de logements de l'Union européenne et fait partie d'un groupe de huit pays ayant le nombre le plus important de logements sociaux par rapport à sa population". Et, pourtant, la demande grandissante rend "impossible la satisfaction de tous les besoins".


HLM : déconnecter le loyer de son mode de financement

Refusant de privilégier l'une des ces trois conceptions, l'Institut Montaigne, à l'image de la politique gouvernementale actuelle, met en avant la nécessité de renforcer la mobilité dans le parc social HLM. Et de rappeler des arguments déjà bien connus (des plafonds de ressources qui ouvrent le logement social à 70 % de la population, le droit au maintien dans les lieux, le surloyer obligatoire qu'à compter d'un dépassement de 60% des plafonds, l'écart de loyer avec le parc privé, l'absence de mobilité au sein des HLM). L'étude condamne la politique qui consiste à définir le niveau des loyers en fonction du prêt qui a contribué au financement des logements : le PLA-I (logement très social), le Plus (logement social standard), le PLS et PLI (logements de type intermédiaire).

Or, l'augmentation des ressources d'un ménage n'entraîne pas une remise en cause de l'abattement attaché au prêt. Pour l'Institut Montaigne, les réformes annoncées par le gouvernement (surloyers augmentés et abaissement des plafonds) ne suffisent pas. Il propose par conséquent la mise en place d'un loyer mutuel déconnecté de son mode de financement pour être uniquement rattaché aux revenus des ménages. Le plafond de ressources serait toujours nécessaire pour être éligible à un logement social et un loyer de référence, qui s'attacherait au bien, donnerait la valeur locative du logement. C'est donc la base même du système qui est mise à mal : l'étude propose une expérimentation par un bailleur social volontaire afin notamment d'identifier les conditions nécessaires pour atteindre l'équilibre financier. Autre proposition - actuellement étudiée de près mais avant tout pour les publics Dalo (Droit au logement opposable) - une réelle passerelle entre l'offre du logement social public et celle du logement privé "à loyer maîtrisé". L'étude insiste ainsi sur la nécessité de faciliter l'accès voire de réserver une partie de l'offre privée aux locataires quittant les HLM. Enfin, pourquoi ne pas proposer une incitation financière à la mobilité vers le parc privé ?

 

Logement privé conventionné  : amplifier les incitations pour les propriétaires

Sur le logement privé locatif, l'étude reprend une recommandation visant à revoir la grille des loyers maîtrisés qui "ne permet pas toujours de prendre correctement en compte l'hétérogénéité des niveaux de loyers sur le territoire national". Toujours dans l'optique d'individualiser les situations, l'Institut propose que les avantages fiscaux soient modulés en fonction de l'effort de modération de loyer consenti par le propriétaire. Philippe Pelletier, président de l'Anah (Agence nationale de l'habitat), estimait en octobre 2007 "qu'il faut insister sur le rôle très social du propriétaire privé, qui s'engage à louer à des personnes prioritaires du Dalo en supprimant toute fiscalité sur ces revenus locatifs modiques".
Autre proposition qui circule dans les réseaux de professionnels du secteur : la sortie des logements conventionnés sociaux ou "très sociaux" de l'assiette de l'ISF pour la durée de convention. En juillet 2007, le comité de suivi Dalo la listait au nombre de ses préconisations. L'innovation majeure de cette partie de l'étude consiste à mettre en place, pour les ménages les plus défavorisés, un dispositif temporaire et dérogatoire pour les marchés les plus tendus en proposant aux propriétaires-bailleurs un niveau de loyer attractif et des services et garanties renforcés et gratuits. Autre proposition nouvelle, instaurer une prime pour les propriétaires qui acceptent de reconduire le conventionnement et prévoir un dispositif en fin de conventionnement (voir encadré). Présente à la conférence du 12 mai, Christine Boutin a rappelé son engagement pour la mobilité : "Mon souci est également de tout faire pour fluidifier des parcours résidentiels qui sont aujourd'hui totalement rouillés. Après la déduction des intérêts d'emprunt, le Pass foncier, la réduction du dépôt de garantie à 1 mois, l'indexation des loyers sur l'indice des prix à la consommation, après la GRL, nous allons tout faire pour favoriser les passages à l'acte."

 

Clémence Villedieu

Trois pistes pour accompagner la fin du conventionnement à loyers maîtrisés

- Si le bail est toujours en cours, le bailleur devrait pouvoir continuer à bénéficier des avantages liés à la convention jusqu'à la fin du bail.
- A la fin de la convention, le bailleur ne bénéfice plus des avantages liés à celle-ci. Il faudrait donc pouvoir revenir rapidement à un niveau de loyer du marché (en prenant le locataire).
- Pour récupérer au plus vite le logement, il faudrait désigner un responsable de relogement du locataire ; si aucune solution n'est trouvée, l'Etat et/ou les collectivités devraient s'engager à payer le différentiel.

 

 

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