Terrorisme - Du rififi dans la lutte contre la radicalisation
Un peu moins de deux ans après sa création, le Centre de prévention contre les dérives sectaires de l'islam (CPDSI) a décidé de mettre fin à sa collaboration avec le gouvernement dans sa lutte contre la radicalisation. En cause : loi sur la déchéance de nationalité, qui, selon l'association fondée par l'anthropologue Dounia Bouzar, "crée un contexte politique défavorable à l'entreprise pédagogique et scientifique pour prévenir la radicalisation". En conséquence, le centre a décidé de refuser le "renouvellement tacite de son partenariat avec le gouvernement pour la période allant d'avril 2016 à 2017", précise-t-il dans un communiqué du 11 février.
"Faire croire aux Français que la déchéance de la nationalité sera un symbole pour lutter contre Daesh est une réponse déconnectée de la réalité", dénonce l'assocation. "Cette posture va plonger la France dans un retard en matière de prévention contre le processus de radicalisation de nos jeunes", poursuit-elle, interrogeant : "Va-t-on recommencer à relier l'origine ethnique des individus au processus de radicalisation ?" Dans un entretien aux Inrocks daté du 16 février, Dounia Bouzar est montée d'un cran en déclarant qu'"avec la déchéance de nationalité, le gouvernement [avait] démoli [son] travail de déradicalisation".
Le CPDSI avait été missionné en avril 2015 pour constituer une équipe mobile d'intervention afin d'aider les préfectures et accompagner les jeunes et les familles. Sa décision le prive d'un "nouveau budget annuel de 595.300 euros".
Le CPDSI venait tout juste de présenter son rapport annuel, le 5 février. Il y indique avoir été saisi en 2015 par 34 préfectures au sujet de la situation de 267 jeunes et par 454 familles. Il y décrit les premiers indicateurs d'alerte (ruptures avec les amis, avec l'école, avec les activités de loisirs, et avec les parents) et sa méthodologie de désembrigadement. Sur 234 jeunes étudiés, le centre estime que la situation de la moitié d'entre eux est "stabilisée".