Commande publique - DSP : la collectivité doit-elle poursuivre les engagements du délégataire après une résiliation ?
Dans un arrêt de section du 19 décembre 2014, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur les obligations de la personne publique délégante suite à la résiliation d'un contrat relatif à l'exécution d'un service public.
En l'occurrence, une délégation de service publique (DSP) pour la construction et l'exploitation du port de plaisance avait été conclue entre la commune de Propriano et la société Yacht club international du Valinco. Cependant, en "raison des fautes commises par le délégataire", la collectivité avait résilié la convention. Un usager du port, s'estimant lésé par l'inexécution du contrat de garantie d'usage d'un poste d'amarrage de longue durée qu'il avait conclu avec la société délégataire, a assigné la commune devant le tribunal administratif de Bastia.
Si, dans un premier temps, le tribunal administratif a rejeté sa demande et ses conclusions indemnitaires, la cour administrative d'appel de Marseille y a en revanche fait droit. Contestant cette décision, la ville de Propriano a décidé de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat.
En question : savoir dans quel cas une collectivité peut être exemptée de reprendre les obligations de son ancien cocontractant suite à une résiliation.
Les juges du Palais Royal rappellent qu'en cas de résiliation d'une DSP, la personne publique, dans un souci de continuité du service public, "se substitue de plein droit à son ancien cocontractant pour l'exécution des contrats conclus avec les usagers ou avec d'autres tiers pour l'exécution même du service". Toutefois, cette règle n'est pas absolue et une collectivité peut y déroger quand un contrat comporte des "engagements anormalement pris", autrement dit "des engagements qu'une interprétation raisonnable du contrat relatif à l'exécution d'un service public ne permettrait pas de prendre au regard notamment de leur objet, de leurs conditions d'exécution ou de leur durée".
La cour administrative d'appel a donc commis une erreur de droit en estimant que la commune devait supporter l'ensemble des obligations de la société défaillante sans pouvoir se prévaloir d'engagements anormalement pris. Cet arrêt est donc annulé.
Jugeant l'affaire au fond, le Conseil d'Etat a ensuite considéré que le contrat conclu entre l'usager du port et la société délégataire n'avait en réalité pas pour objet l'octroi d'une garantie d'usage permettant l'accès à un poste d'amarrage mais bien "l'affectation privative d'un poste d'amarrage précisément localisé", ce qui est contraire aux dispositions de la convention de DSP qui proscrivent expressément cette pratique. Dès lors, la commune pouvait légitimement refuser de se substituer à son ancien cocontractant "pour poursuivre l'exécution du contrat" avec l'usager du port, ce contrat ne pouvant "être regardé comme un engagement que la société délégataire pouvait normalement prendre".
L'Apasp
Référence : CE, 19 décembre 2014, n°368294