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Distances d'épandage : nouveau revers pour le collectif des maires antipesticides

Le juge des référés du Conseil d’État a rejeté, ce 15 mai, le recours du Collectif des maires antipesticides et d'ONG qui demandaient la suspension en urgence des textes fixant les distances minimales entre zones d'épandage de pesticides et habitations. La décision sur le fond ne devrait toutefois pas intervenir avant plusieurs semaines. Hasard du calendrier, la cour administrative d'appel de Versailles a suspendu de son côté ce 14 mai les arrêtés de six maires d'Île-de-France interdisant l’utilisation de l’herbicide glyphosate sur le territoire de leur commune.

Quelques jours après l’audience publique au Conseil d’État, l’ordonnance de référé est tombée, ce 15 mai, réduisant à néant les espoirs nourris par Générations futures, l’une des neuf ONG à l’origine d'une demande de suspension en urgence des textes fixant les distances minimales entre zones d'épandage de pesticides et habitations. Pour le Collectif des maires antipesticides qui revenait aussi à la charge, en s’appuyant sur le contexte de l’épidémie de Covid-19, avançant "un lien probable" entre épandage et propagation du nouveau coronavirus, c’est une nouvelle déconvenue après le rejet, le 14 février dernier, d’une demande similaire. Ce n’est donc pas une réelle surprise d’autant que la dernière ordonnance du Conseil d’État sur la question des pesticides, le 20 avril dernier, avait également marqué le rejet de la requête de l’association Respire qui appelait à enjoindre à l’État de prendre des mesures de réduction des épandages agricoles jusqu'à la cessation de l’état d’urgence sanitaire. La Haute Juridiction avait tout au plus appelé dans ce contexte à "une vigilance particulière" pour prévenir les épisodes de pics de pollution atmosphérique. 

La condition d’urgence pas remplie, le débat sur le fond court toujours

Sans se prononcer sur le fond, le Conseil d'État (n°440346) a estimé que la condition d'urgence n'était pas remplie pour suspendre les textes litigieux, aucun élément ne permettant de démontrer que les distances minimales de sécurité fixées - par le décret et l’arrêté du 27 décembre 2019 - pour l’épandage des pesticides près des habitations, sur la base d’un avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), étaient insuffisantes, comme le soutenait le collectif présidé par le maire de Langouët (Ille-et-Vilaine), Daniel Cueff, études scientifiques à l'appui. Le recours porté par plusieurs associations emmenées par Générations futures qui tendait vers le même objectif connait le même sort (n°440211) bien que fondé sur une cible différente. 

Vers un redémarrage du processus de concertation 

Dans le viseur, l'instruction technique du ministère de l’Agriculture du 3 février ainsi que le communiqué de presse et la note du 30 mars qui l’ont accompagné en plein coeur de la crise sanitaire. Autant d’éléments de la doctrine ministérielle dont les ONG demandent là encore la suspension. Et pour cause, pendant le confinement lié au coronavirus, la position du ministère a consisté à "passer outre le processus de concertation" prévu par le mécanisme des chartes locales pour appliquer les distances minimales réduites prévues par l’arrêté, en rendant possible une application "anticipée", dès lors qu’un "projet de charte existe", reprochent les ONG. À l’issue de l’audience, le ministère s’était engagé à retirer de son site internet les éléments litigieux, s’est félicitée un peu vite Générations futures dans un communiqué.
Une victoire en trompe l’oeil sachant que la dérogation particulière mise en place par le communiqué de presse et la note du 30 mars a pris fin avec la levée du confinement intervenue le 11 mai. "Il n’y a plus lieu de statuer", confirme d'ailleurs l’ordonnance de référé. Seule demeure en vigueur l’instruction technique du 3 février qui permet aux agriculteurs d'appliquer les distances minimales réduites lorsqu'un projet de charte a été élaboré sans attendre son approbation par le préfet. Le juge des référés a néanmoins estimé que cette instruction – dont les effets prendront fin le 30 juin prochain– "ne présentait pas un risque imminent pour la santé et n'avait pas pour effet de compromettre la concertation publique". Faute de remplir la condition d’urgence, la requête des neufs associations a ainsi été rejetée. 

Suspension de six arrêtés antipesticides

La crispation sur le sujet s’exprime aussi par la voie d’arrêtés de maires interdisant l’utilisation de l’herbicide glyphosate sur le territoire communal. Hasard du calendrier, par six ordonnances en date du 14 mai, le juge des référés de la cour administrative d’appel (CAA) de Versailles saisie par le préfet des Hauts-de-Seine vient de couper l’herbe sous le pied à la fronde antipesticides des maires de Bagneux, Chaville, Gennevilliers, Malakoff, Nanterre et Sceaux. Une ordonnance qui vient refermer la brèche ouverte en novembre dernier par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui leur avait donner raison au nom du "danger grave pour les populations exposées" à ces produits. Après avoir relevé que le maire ne peut s’immiscer dans l’exercice de la police spéciale relative à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques attribuée au ministre de l’Agriculture, "qu’en cas de danger grave ou imminent ou de circonstances locales particulières", la CAA de Versailles a suspendu l’exécution des arrêtés municipaux dans ces six affaires.
Une ordonnance "étonnamment peu motivée", réagissent les maires impliqués dans un communiqué commun, qui "pose une question plus générale, qui est celle de la réalité des pouvoirs des maires (…) lorsque l’administration centrale se montre incapable d’assurer la protection des populations, qu’il s’agisse de pesticides, de l’usage des masques ou de la possibilité de réaliser des tests dans le cadre du Covid-19". Des arrêtés pourtant indispensables en coeur de ville, estiment-ils, "car la loi Labbé autorise toujours les copropriétés, les entreprises privées et la RATP et SNCF de traiter avec des produits phytopharmaceutiques leurs espaces verts".
Les six communes ont annoncé leur intention de saisir le Conseil d’État, "espérant que cette énième démarche concernant la protection des citoyens, le motive à instruire enfin le dossier sur le fond, dans les plus brefs délais". Extrêmement déçue Corinne Lepage, qui défend un collectif rassemblant les maires ayant pris ce type d’arrêtés, envisage en dernier recours "d'aller devant les juridictions européennes parce que malheureusement en France, obtenir une condamnation de l'État devient quelque chose de plus en plus difficile". 

 

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