Devant les maires des petites villes, Jean Castex vient avec ses réponses et une rallonge financière

À l'occasion des Assises des petites villes de France, le Premier ministre a répondu aux questions des maires en matière de financement, de contractualisation et de décentralisation. Après avoir affirmé la nécessité pour l'État d'avoir ses propres priorités dans les programmes destinés aux territoires et son attachement au couple maire-préfet, il a annoncé une rallonge de la dotation de soutien à l’investissement local.

Le jeu des questions-réponses entre deux intervenants à un congrès est un exercice toujours périlleux. Car l'on n'est jamais certain que les questions préparées à l'avance par l'un trouveront un écho dans les réponses apportées par l'autre. C'est ainsi qu'à la demande de Christophe Bouillon, président de l'Association des petites villes de France (APVF), de "former un pacte girondin", le Premier ministre Jean Castex a répondu que l'État devait avoir "ses propres priorités". L'échange a eu lieu devant plus de cinq cents élus, vendredi 10 septembre, à Cenon (Gironde), à l'occasion des XXIIIes assises de l'APVF, précédant de quelques heures le rendez-vous du chef du gouvernement avec les élus de France urbaine à Nantes (voir notre article de ce jour). "Pacte girondin", d'un côté, "priorités de l'État", de l'autre, les positions ne sont pas nécessairement opposées. Si elles forment parfois deux lignes d'horizon différentes, sur certains points elles se rejoignent.

Ce "pacte girondin" (ou "pacte de Cenon") proposé par Christophe Bouillon repose sur trois axes. Tout d'abord, il doit garantir aux collectivités territoriales des moyens financiers dans la durée. "Nous en faisons crédit au gouvernement, depuis 2017, la dotation globale de fonctionnement (DGF) a été stabilisée, a expliqué le président de l'APVF. Mais après la formidable mobilisation des pouvoirs publics pour faire face à la crise sanitaire, nous ne voudrions pas que, passés les huit prochains mois, on se tourne vers les collectivités locales pour nous demander de contribuer à l'effort d'une facture 'covid'."

"Oser la République des territoires"

Ensuite, le pacte devra assurer le libre emploi des dotations d'investissement aux collectivités territoriales. "Si parfois nous regrettons le fléchage, a admis Christophe Bouillon, lorsque nous sommes dans la cible de la flèche, nous sommes plutôt contents. Le problème n'est donc pas le fléchage de ces dotations mais plutôt la façon dont elles sont attribuées. Nous souhaiterions que les collectivités soient encore plus associées à ces dotations." Autrement dit : oui au fléchage à condition que les élus locaux aient pu, au préalable, participer à la désignation de la cible.

Le troisième et dernier axe découle du précédent : il s'agit de revoir la contractualisation, de passer à une "contractualisation 2.0". "L'idée de contrat sonne au départ bien à nos oreilles, quand on propose un contrat, on y va en se disant que ce sera donnant-donnant, a reconnu Christophe Bouillon. Il faut donc être vigilant et, même si ce n'est pas actuellement le cas, il ne faut pas de glissement qui consisterait à dire aux collectivités ce qu'elles doivent faire. La contractualisation doit mettre face à face, à égalité, de façon équilibrée, deux contractants." En résumé, les maires de petites villes réunis à Cenon ont exprimé la volonté d'aller plus loin dans la décentralisation et leur président a appelé à "oser la République des territoires".

350 millions en plus pour la DSIL

La réponse de Jean Castex fut longue et particulièrement nourrie. Il a d'abord rappelé que "quand il y a crise, l'État doit être là". Et le Premier ministre d'ajouter, pour faire écho à la terminologie employée plus tôt : "Je ne sais pas si cela est girondin ou jacobin." La position du Premier ministre s'est toutefois affirmée quand, à l'invitation de Christophe Bouillon de ne pas faire des CRTE (contrats de relance et de transition écologique) "une occasion [pour l'État] de les piloter directement", il a asséné que "quand vous signez des CRTE, on vous donne des moyens, inédits, mais évidemment, il y a quelques priorités de l'État à porter dans les territoires". "C'est cette rencontre entre les projets que vous, élus, élaborez et les priorités de l'État qui fait un bon contrat", a-t-il ajouté.

Ceci posé, Jean Castex s'est voulu rassurant. Selon lui, non seulement le redressement des comptes publics "n'a pas été fait sur le dos des collectivités territoriales", mais, de surcroît, à travers la gestion de la crise et les mécanismes mis en place, le gouvernement a veillé "à garder un maximum de soutien aux collectivités dans leur ensemble et au bloc communal en particulier". Un soutien qui ne se tarit pas, puisque Jean Castex a annoncé à Cenon un supplément de 350 millions d'euros à la dotation de soutien à l’investissement local (Dsil) en 2022 pour abonder les CRTE afin, notamment, de soutenir des projets de redynamisation des centres-villes.

Ce fut l'occasion de revenir largement sur le programme Petites villes de demain (PVD). "Nous en avons rêvé, vous l'avez fait", s'était réjoui Christophe Bouillon, non sans appeler à une prompte action des préfectures, afin que le dispositif "ne se transforme en petites villes d'après-demain". Là encore, le Premier ministre a entendu rassurer les élus : "L'outil Petites villes de demain est capital, il correspond à un mouvement de fond pour construire une société plus équilibrée. Il doit marcher et commence déjà à très bien marcher." 1.209 communes sur les 1.600 qui seront soutenues sont désignées et 200 chefs de projet sont en poste.

Aux yeux du Premier ministre, Petites villes de demain est d'autant plus crucial que la crise sanitaire impose de tirer des leçons dans de nombreux domaines. Jean Castex a ainsi évoqué la sécurité, avec 10.000 agents des forces de sécurité intérieure en plus en 2022 sur l'ensemble du territoire et un programme de soutien à la vidéosurveillance mutualisée dans les territoires ruraux. Dans le domaine de la santé, la carte des sites retenus pour le volet investissement du Ségur – un "investissement considérable qui va concerner tous vos territoires" – sera annoncée dans quelques semaines. Au chapitre des services publics, il s'est félicité du succès des agences France services : "Ça marche, ça se déploie, 1.500 sont en service, 2.000 le seront d'ici la fin de l'année." Enfin, Jean Castex a rappelé que l'attractivité des petites villes, mise en exergue par la crise sanitaire, devait aller de pair avec un double désenclavement. Physique, d'abord, avec, d'un côté, des conventions à venir en faveur des petites lignes ferroviaires, de l'autre, la nécessité de "remettre de l'argent dans les routes car on va passer progressivement à la voiture électrique ou hybride". Numérique ensuite, avec la promesse que, d'ici 2024/2025, des solutions 4G ou très haut débit seront disponibles sur tout le territoire.

"L'État territorial, c'est l'État départemental"

Restait à répondre à deux questions posées par Christophe Bouillon. Sur la pérennité des aides, le Premier ministre a précisé que le fonds Friches avait été prorogé, tout comme le dispositif Denormandie (c'est ce qu'avait annoncé Emmanuel Macron trois jours plus tôt lors de la rencontre nationale Action coeur de ville - voir notre article). Surtout, "au-delà de la relance, nous allons faire un plan France 2030, plus ciblé, pour agir sur les leviers de notre souveraineté économique", a encore rappelé Jean Castex, comme il l'avait fait mardi (voir notre article), désignant ainsi le plan d'investissement énoncé le 12 juillet dernier par le chef de l'Etat.

Enfin, sur la question de la décentralisation, le Premier ministre a déclaré aux élus : "Je ne sais pas si nous sommes aussi girondins que vous le souhaiteriez, mais nous sommes une République décentralisée et vous devez être en première ligne pour vos projets de territoire. Mais il faut trouver un bon équilibre. L'État subventionne, et il doit avoir ses propres priorités." Pour accompagner le déploiement de ces priorités, le chef du gouvernement l'a martelé : il compte sur le couple maire-préfet. Et ici, il s'agit bien du préfet de département : "J'ai dit dans mon discours de politique générale [de juillet 2020, ndlr] 'je veux réarmer l'État territorial'. Et l'État territorial, c'est l'État départemental. À un moment, on a favorisé l'État régional, mais il se trouve que dans l'intervalle on a fait d'immenses régions qui n'ont peut-être pas le même rapport à la proximité. En 2022, je veux qu'on reparte à l'offensive en faveur des effectifs des préfectures départementales, qu'on redonne aux préfets plus de moyens pour agir à vos côtés."

La question de savoir si la volonté "girondine" des élus locaux a été entendue n'a sans doute pas trouvé de réponse à Cenon. Les maires des petites villes repartiront toutefois avec le sentiment que l'État compte sur eux et continuera, après la crise sanitaire, à les accompagner dans la revitalisation de leurs territoires fragilisés.

 

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