Devant les députés, Sylvain Waserman affiche ses priorités pour l’Ademe
Auditionné à l’Assemblée nationale ce 14 février, le nouveau président de l’Ademe, Sylvain Waserman, a présenté les 6 axes prioritaires qu’il avait arrêtés pour l’agence. Parmi eux, une mobilisation accrue des collectivités territoriales, notamment via le réseau "Élus pour agir" récemment lancé.
Auditionné par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale ce 14 février, Sylvain Waserman, nouveau président de l’Ademe (voir notre article du 5 juillet 2023), a fait part des 6 axes prioritaires qu’il avait retenus pour l’agence.
6 axes prioritaires
• "La modélisation des effectifs". L’objectif ? Garantir que les effectifs de l’agence soient bien affectés aux priorités de cette dernière.
• Travailler sur l’efficacité carbone de l’euro investi, en veillant davantage à la granularité de l’analyse. Il s’agit de "raisonner par strates de territoires", souligne-t-il, afin de ne pas pénaliser les petites collectivités.
• Développer une logique d’accélération. Sylvain Waserman prend ici trois exemples pour illustrer le propos : le fonds chaleur, "du fait des budgets confiés" (que certains jugent toutefois toujours insuffisants – voir notre article du 13 décembre 2023) ; lever les freins à l’expansion de la géothermie de surface, actuellement bloquée par le manque de moyens de forage alors que c’est une solution qui présente "un excellent rapport qualité/coût" (voir notre article du 2 février 2023) ; "modéliser et essaimer des expérimentations locales", prenant exemple de la solution d’une pompe à chaleur (PAC) à récupération de chaleur fatale mise en place dans une laiterie d’Isigny. "Ce sont des actions proactives que l’on ne mène pas jusqu’ici", concède-t-il.
• Cultiver les valeurs prêtées à l’Ademe, qui selon lui permettent "d’attirer en intérim des ingénieurs du privé en CDI".
• Mobiliser les citoyens, les acteurs économiques et les collectivités, le dirigeant insistant particulièrement sur les deux derniers.
- Côté entreprises, il entend les convaincre de valoriser davantage leur stratégie de transition bas carbone, d’en faire un avantage concurrentiel. "C’est une opportunité de différenciation pour les entreprises françaises, qui bénéficient pour l’heure de deux atouts exceptionnels : une électricité décarbonée, grâce au nucléaire et aux EnR, un avantage compétitif qui n’est pas assez valorisé ; l’accompagnement, y compris financier, qui leur est offert pour conduire des actions de décarbonation". L’Ademe travaille ainsi à renforcer l’opposabilité de ces engagements climatiques, notamment dans le cadre de la méthode "ACT évaluation", démarche qu’auraient déjà adoptées près de 1.000 entreprises.
- Côté élus, il compte en particulier sur le réseau "Élus pour agir" récemment mis en place (voir l’encadré de notre article du 21 novembre 2023). Il indique que 1.300 élus l’ont déjà rejoint – il vise 10.000 élus à terme. La 1re séance de travail se tiendra le 12 mars. Dans la même logique, il évoque la perspective que les collectivités puissent nommer un référent "Adaptation", que l’Ademe formerait "pendant deux jours pour ensuite travailler avec lui", afin de mieux appréhender cet enjeu. Au passage, il juge que le fait que la loi "accélération de la production d'énergies renouvelables" (voir notre dossier) sollicite l’échelon communal (notamment pour définir les zones d’accélération) est un "bon choix", quoi qu'on en dise (voir notre article du 31 janvier), car cela permet de sortir du syndrome "Nimby"* en contraignant les élus locaux, "tous sensibles au changement climatique", à se poser la question : "Qu’est-ce qu’on est, nous, prêts à faire ?"
• Renforcer la prospective.
Coordination renforcée
Comme il s’y était engagé, Sylvain Warseman s’emploie par ailleurs à renforcer la coordination avec les autres acteurs. Il met en exergue l’organisation de comités exécutifs communs avec le Cerema – "ce qui n’avait jamais été fait" – ou encore de réunions entre les délégations régionales de l’Ademe, du Cerema, de la Banque des Territoires et de l’Agence nationale de cohésion des territoires. Militant pour que "la sphère de l’État n’ait qu’un seul référentiel par thématique", plutôt que chacun élabore le sien "dans son coin", il indique en outre que l’Ademe a abandonné l’un des siens au profit d’une solution du Cerema (et réciproquement avec un autre référentiel). "Cela implique que le détenteur de la méthodologie retenue ouvre sa gouvernance", souligne-t-il. Interrogé sur la perspective d’une fusion Ademe-Cerema, il déclare qu’il "s’adaptera à la forme choisie par le législateur", mais l’on comprend qu’elle ne lui semble pas nécessaire. Il concède que si l’ensemble n’est encore "pas assez coordonné, il n’y a rien d’insurmontable ; je ne pense pas qu’il y ait de guerre de chapelles".
Dans le même registre, il juge "réussie" l’articulation fixée par la loi 3DS entre l’Ademe et le préfet de région, désormais délégué territorial de cette dernière (voir notre article du 1er février 2023). "Ça marche bien sur le terrain", a-t-il pu constater lors de son tour de France, au cours duquel il a pu rencontrer tous les préfets de région et de La Réunion. Et d’insister sur le fait que "le travail avec les services déconcentrés de l’État est essentiel".
Transparence accrue
Il s’est également félicité d’avoir "recréé un dialogue actif et positif" avec les éco-organismes, en contentieux avec l’Ademe (portant singulièrement sur le financement et le suivi de la direction de la supervision des filières de REP de l’agence, direction dont l’efficacité a par ailleurs été récemment remise en cause par Amorce – voir notre article du 29 janvier). "Cela a été ma priorité en arrivant", avoue-t-il. Soulignant que les éco-organismes "attendaient beaucoup plus de transparence sur l’Ademe", il indique être "allé très loin avec eux" en la matière, permettant "de débloquer un peu la situation". Et de conclure : "On est vraiment reparti sur de bonnes bases. Je regrette seulement qu’on ait perdu 18 mois".
Cette nécessaire transparence sera également apportée aux élus dans le cadre des réunions régionales annuelles qu’il avait promises. "Six sont déjà planifiées", précise-t-il. Elles permettront à la fois de "rendre compte des projets aidés" et de présenter les objectifs de l’année suivante. L’occasion pour Sylvain Waserman de souligner que "l’Ademe ne décide pas seule". Par ailleurs challengé sur les partis pris idéologiques de certains travaux, notamment au regard du nucléaire, il a rappelé que les experts de l’Ademe étaient "indépendants", tout en soulignant qu’un avis de l’Ademe ne devait être "ni une commande, ni une opinion". L’Ademe doit être "un tiers de confiance", plaide-t-il. "Sa mission est d’éclairer la décision, parfois de l’inspirer", mais pas de la prendre. "Ce n’est pas notre rôle de décider du mix électrique".
Des moyens sans précédent
Interrogé sur les moyens à la disposition de l’agence, Sylvain Waserman observe que "l’effort de l’État n’a jamais été aussi important", que "jamais les moyens n’ont été aussi puissants", soulignant que le budget avait été "multiplié par 4, passant de 1 milliard d’euros à 2,8, puis 4 milliards" et que "99 équivalents temps-plein – 10% des effectifs" vont renforcer ses équipes. L’enjeu est désormais de les mettre en œuvre : "Les collectivités, les entreprises ont une capacité d’absorption… Cela prend du temps", prévient-il. Une raison de plus sans doute pour ne pas trop conditionner les aides, comme cela lui a été suggéré : "Je ne pense pas que cela soit [judicieux] à ce stade. Aujourd’hui, notre seule clé de lecture, c’est la contribution du projet au climat. On ne regarde pas l’effort fiscal réalisé par la collectivité, ni la part du chiffre d’affaires de l’entreprise".
*Acronyme de l'expression anglaise Not In My Backyard ("pas de ça chez moi"), utilisé pour qualifier les mouvements d'opposition à l'installation d'ouvrages ou d'équipements d'intérêt public