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Finances - Dette publique : les collectivités devront se serrer la ceinture

Le 11 janvier, lors de la conférence des finances publiques, Dominique de Villepin a précisé ses positions aux collectivités locales : la hausse de leurs dépenses devra être limitée à l'inflation et un gel des dotations de l'Etat est à prévoir. Réactions de Jacques Pélissard, président de l'AMF.

C'est désormais une certitude : les collectivités locales devront se serrer la ceinture. Lors de la conférence des finances publiques qu'il a réunie le 11 janvier, le Premier ministre n'a pas laissé planer le doute : "L'évolution des dépenses de l'ensemble des collectivités locales devra progressivement s'aligner sur le rythme de l'inflation", a-t-il déclaré à l'issue de la conférence. Le gouvernement compte ainsi appliquer aux collectivités locales le régime qu'il s'est lui-même administré depuis 2003. Cette règle ne s'appliquerait qu'à partir de 2009, la hausse sur la période 2007-2009 étant encore de 0,5% supérieure à l'inflation. Pour l'Etat, la cure d'austérité sera encore plus drastique, puisque le gouvernement envisage à partir de 2007 d'appliquer progressivement un objectif de dépense inférieur à l'inflation. Déjà dans le budget 2007, les dépenses de l'Etat connaîtront une hausse de un point inférieure à l'inflation. Enfin, pour les organismes sociaux, l'objectif du gouvernement est d'arriver progressivement à une hausse annuelle des dépenses limitée à plus un point d'inflation. Cet effort conjoint de l'Etat, des collectivités locales et des organismes sociaux permettrait de ramener le déficit public de 3% du PIB en 2005 à 2,6% en 2007, puis à 0,1% en 2010. En même temps la dette publique, de 1.117 milliards d'euros, soit 66% du PIB, passerait à 60% du PIB en 2010. Ces prévisions supposent une croissance de 2,25% par an.

Un coup fatal au contrat de croissance ?

"L'évolution des concours de l'Etat aux collectivités locales devra être compatible avec les normes de dépenses que s'impose l'Etat", a déclaré mercredi le Premier ministre. Ces orientations, qui certes nécessitent des précisions, préfigurent un gel des dotations de l'Etat et porteraient, en cas de réalisation, un coup fatal au contrat de croissance et de solidarité instauré sous le gouvernement Juppé. En contrepartie de l'effort consenti par les collectivités, le gouvernement élargira "les marges d'initiative et d'action des collectivités locales sur les compétences transférées". Concernant toujours les compétences transférées, le Premier ministre se dit "prêt (...) à un moratoire sur toute nouvelle norme". Sur les objectifs globaux de désendettement ou encore concernant les objectifs assignés aux collectivités, le Premier ministre s'est pour partie inspiré du rapport que le président de BNP-Paribas, Michel Pébereau, lui a remis mi-décembre. Pour Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France : "Si l'Etat gèle ses dotations, il faut que les collectivités locales retrouvent une véritable autonomie financière. C'est ce que dit d'ailleurs le rapport Pébereau" (lire l'interview ci-contre). Pour conclure, le Premier ministre a précisé que la conférence des finances publiques se réunira au moins une fois par an. Le conseil d'orientation des finances publiques, voulu par le président de la République, siégera dans l'intervalle entre deux conférences.

 

Thomas Beurey / EVS Conseil pour Localtis

"Les collectivités doivent retrouver une véritable autonomie financière"

Jacques Pélissard, président l'Association des maires de France, siégeait le 11 janvier à la conférence des finances publiques. Il donne sa position sur les annonces du Premier ministre.

Quel est votre sentiment à l'issue de cette première conférence des finances publiques ?

Si tous les participants à la conférence ont reconnu la nécessité de réduire l'endettement de la France, en revanche, ils n'ont pas été unanimes sur la nécessité et les moyens d'agir. Je considère qu'il n'est pas acceptable d'opposer un Etat vertueux à des collectivités locales dispendieuses. Celles-ci ne représentent que 10,5% de l'endettement de la France. Et cet endettement est sain. En effet, les collectivités locales ne sont autorisées à emprunter que pour leurs dépenses d'investissement. En outre, elles participent à hauteur de 70% à l'investissement public, ce qui tire la croissance vers le haut. Alors, certes, il faut rationaliser la dépense publique, mais il faut rappeler deux principes très importants : la libre administration et l'autonomie financière des collectivités locales.

La politique d'austérité de l'Etat devrait concerner les dotations aux collectivités locales. Quelles sont vos propositions ?

Une réforme en profondeur de la fiscalité locale devenue obsolète s'impose et nous y travaillons avec l'Assemblée des départements de France et l'Association des régions de France. Il faut que les impôts soient plus lisibles et plus responsabilisants, avec une assiette localisable. Cela peut se traduire par l'attribution à chaque collectivité d'un panier limité à deux impôts. On peut de ce point de vue imaginer que des niveaux de collectivités différents se partagent un impôt. Pour l'impôt sur le foncier par exemple, on peut envisager que les recettes provenant des ménages soient affectées à la commune, et que les recettes issues des entreprises bénéficient au département. En résumé, il faut une meilleure affectation des impôts. Nous explorons aussi la voie d'impôts nouveaux, comme un impôt sur l'énergie (gaz, électricité), sur les télécoms, ou encore sur le revenu. Nous présenterons nos propositions à la fin de l'année.


Le Premier ministre déclare vouloir mieux associer les collectivités locales aux décisions qui les concernent. C'est positif.

Les collectivités locales doivent être associées en amont aux décisions. Notamment pour la définition des normes techniques. Nous subissons en effet des normes sociales et environnementales que nous ne demandons pas. Un exemple nous l'a récemment rappelé. Les communes et les intercommunalités avaient jusqu'au 28 décembre 2005 pour mettre aux normes leurs usines d'incinération des ordures ménagères afin de réduire les émissions de dioxines. Le coût de cette mise aux normes s'élève à 700 millions d'euros. Dans un autre domaine, celui des équipements sportifs, un décret est en préparation. Il va réglementer la surface des vestiaires, la luminescence au sol des terrains de rugby... Tout cela a un coût.

 

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