Desserrement métropolitain : le phénomène est bien significatif et persistant, selon l'Insee

Dans un article publié le 10 juillet 2023 sur le blog de l'Insee, la directrice régionale Insee Ile-de-France Isabelle Kabla-Langlois fait la synthèse des différentes études parues sur les migrations résidentielles en cours entre métropoles, territoires périurbains et territoires ruraux avec deux constats précis : il y a une évolution significative des comportements depuis le Covid des métropoles vers des zones moins urbaines, avec une certaine persistance du phénomène. Les prochains chiffres du recensement fourniront des données plus "robustes" et permettront de savoir si ces mouvements sont durables.

"Si on ne peut pas parler d'exode massif, il y a une évolution légère mais significative des comportements qui s’est opérée à l'occasion de la Covid", soutient Isabelle Kabla-Langlois, directrice régionale Insee Ile-de-France, qui vient de publier un article sur le blog de l'institut intitulé "Les nouveaux flux de déménagements depuis la Covid : le recensement et les autres sources racontent-ils la même histoire ?". Elle y passe en revue les récentes études réalisées sur le sujet reposant sur toutes sortes des données alternatives au recensement dont les résultats interviendront plus tard (contrats de réexpédition proposés par La Poste, les immatriculations de véhicules, les inscriptions scolaires, ou encore les déclarations sociales à l’Urssaf, etc.) pour en tirer des conclusions sur l'évolution en cours des déplacements au sein du territoire national. Un travail de synthèse salutaire. Aussi limitées soient-elles, toutes ces données convergent pour dire qu'entre 2019 et 2021, "il y a une accentuation des mouvements de migrations résidentielles vers les régions qui étaient déjà très attractives jusque-là", telles que la Bretagne ou la Nouvelle-Aquitaine et "des grandes métropoles et de l’aire parisienne vers des villes plus petites et moins proches des cœurs urbains", écrit-elle, soulignant le poids du télétravail ou de la demande d'espace dans ces prises de décision.

"Globalement, lorsqu’ils déménagent, les Français continuent de vivre dans leur 'périmètre naturel', en demeurant proches du lieu où ils vivent ou ont toujours vécu", explique à Localtis Isabelle Kabla-Langlois en référence notamment à l'étude de la Plateforme d'observation des projets et stratégies urbaines (Popsu) qui montre que l'essentiel des déménagements se fait dans la même commune ou département et que la part des déménagements à longue distance, si elle s'est accrue durant le covid, reste marginale (voir notre article du 20 février 2023).

Mais "si on se concentre sur les mouvements plus lointains, il se passe quelque chose de notable", assure-t-elle.  Une étude de l'Insee publiée le 27 juin 2023 indique ainsi que 56.000 personnes supplémentaires sont parties de l'Ile-de-France pour s'installer vers des régions métropolitaines en 2021, comparativement à 2019 (voir notre article du 27 juin 2023). "Par rapport à la population francilienne (12 millions) c'est faible, car cela ne représente que 0,5% de la population francilienne : on peut difficilement  parler d'exode. Cela étant, chaque année, avant la crise, la région voyait sa population s'accroître d’environ 40.000 personnes. Aussi, si elle devait perdurer chaque année, cette hausse, par rapport à l’avant crise, de plusieurs dizaines de milliers de personnes qui déménagent hors de la région ne serait pas sans impact".

Des phénomènes durables ?

Autre enseignement : il semble bien qu'on assiste aux prémices d'un phénomène durable. C'est ce que montre l'étude de l'Insee de mars 2023 qui se penche sur les contrats de réexpédition définitive de La Poste, du répertoire statistique des véhicules routiers (cartes grises), des effectifs d'élèves scolarisés dans le premier degré et des données relatives à l'emploi (voir notre article du 27 mars 2023). En Ile-de-France, le ratio des entrées sur les sorties n'a fait que diminuer entre 2019 et 2021 avec la crise covid : 0,43 en 2019, 0,36 en 2020, 0,31 en 2021. Depuis, il est remonté à 0,35 en 2022, mais le ratio reste inférieur à celui de 2019. "On n'est pas revenu au niveau d'avant crise, on a donc une certaine persistance du phénomène", constate encore Isabelle Kabla-Langlois.

Enfin, la directrice régionale de l'Insee acte aussi le phénomène en cours de déplacements de populations des grandes aires urbaines vers les plus petites, des pôles vers les couronnes, qui a notamment été relevé par France Stratégie, dans une étude menée en partenariat avec la région Nouvelle-Aquitaine (voir notre article du 23 juin 2023). "Pour ces deux mouvements, on voit qu'il y a aussi une certaine persistance en 2022, et le télétravail fera peut-être qu'ils deviendront durables", souligne-t-elle.

La dernière enquête annuelle de recensement de la population a été conduite début 2023. Les premières analyses seront disponibles fin 2023 et courant 2024, les chercheurs espérant des indications supplémentaires sur ces mouvements et leur durabilité. 

 

 

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