Désordre foncier en Corse : les mesures dérogatoires de la loi de 2017 prolongées jusqu’en 2037
Suite au vote unanime des députés ce 28 janvier, le Parlement a définitivement adopté la proposition de loi permettant de proroger pour dix ans, soit jusqu’en 2037, les dérogations civiles et fiscales applicables à la Corse en matière successorale en vertu d’une loi de 2017. L'objectif est de poursuivre la normalisation de la situation cadastrale de l'île, alors que plus de 300.000 parcelles appartiennent encore à des propriétaires présumés décédés.
L’Assemblée nationale a définitivement adopté, ce 28 janvier, la proposition de loi du sénateur Jean-Jacques Panunzi (Corse/LR), dont l’article unique vise à proroger pour une nouvelle période de dix ans, jusqu’au 31 décembre 2037, les mesures de la loi n°2017-285 du 6 mars 2017 relative à l’assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété. Le Sénat avait quant à lui donné son feu vert en avril 2024.
Les députés ont voté le texte à l’unanimité des suffrages exprimés, malgré des réserves sur la prolongation des exonérations fiscales, jugées "fragiles au regard du principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt", notamment dans les rangs LFI et GDR.
À l'échelle de l'île, la multiplication des successions non réglées conduit à une dégradation des terres et des biens ainsi qu'à une raréfaction des biens immobiliers pouvant contribuer à une hausse des prix. Il revient ainsi aux communes de prendre en charge les conséquences de l'abandon de certains biens bâtis, tant s'agissant de la gestion des périls induits que des enjeux de réduction des facultés de logement. Pour la puissance publique, le désordre foncier entraîne en outre une perte de recettes fiscales et peut limiter la capacité des collectivités à entretenir leur territoire. L'impossibilité d'identifier des propriétaires conduit également à des difficultés dans l'application de certaines normes, telles que les obligations légales de débroussaillement (OLD).
Pour suivre les efforts de titrement et de normalisation de la situation cadastrale
Afin d’apporter des réponses juridiques au problème structurel de la désorganisation du foncier corse, la loi de 2017 - dont l’application était initialement prévue pour une durée de dix ans - renforce l’acquisition de la propriété par prescription, assouplit les règles de gestion et la sortie des indivisions, et réduit les droits perçus sur les donations et les successions. Ce texte a ce faisant permis des avancées, répondant à une problématique historique spécifique à la Corse, héritée pour partie de mesures fiscales dérogatoires et de l’abrogation des sanctions encourues en cas d’absence de déclaration de succession instaurées par l’arrêté "Miot" de 1801.
Les travaux de titrement ont progressé, engendrant une baisse du nombre et de la proportion de parcelles au nom de propriétaires présumés décédés depuis l’adoption de la loi. Au total, 1.868 titres ont été créés par actes de notoriété acquisitive entre 2018 et la mi-mars 2024, représentant au moins 15.000 parcelles. Un quart des parcelles qui étaient considérées en 2009 comme appartenant à un propriétaire décédé, soit près de 100.000 parcelles, ne le sont plus.
Mais la marche est encore haute pour atteindre l’objectif d’assainissement cadastral. Le groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse (Girtec) estimait encore, en 2023, le nombre de parcelles au nom de propriétaires présumés décédés à 313.323, soit 30,4% des 1.030.951 parcelles dénombrées dans l’île.