Déserts médicaux : la régulation de l'installation des médecins passe un cap à l'Assemblée

Les députés ont adopté mercredi 2 avril l'article phare de la proposition de loi transpartisane visant à réguler l'installation des médecins sur le territoire. L'examen du reste du texte est prévu début mai.

"Six millions de Français sont sans médecin traitant, huit millions de Français vivent dans un désert médical", a martelé le 2 avril en séance à l'Assemblée le député Guillaume Garot (PS), à l'initiative de la proposition de loi, avec un groupe transpartisan (plus de 250 députés cosignataires, de LR à LFI). Une inégalité qui crée un "sentiment délétère pour notre République qui a failli dans sa promesse d'égalité de tous devant la santé", a-t-il soutenu.

L'article adopté régulerait l'installation des médecins libéraux ou salariés, qui devraient solliciter l'aval de l'agence régionale de santé (ARS). Il serait octroyé de droit dans une zone qui connaît un déficit de soignants, mais dans les territoires mieux pourvus, le médecin ne pourrait s'installer que lorsqu'un autre s'en va. L'article, qui avait été supprimé de justesse en commission (l'ensemble du texte ayant été rejeté en commission, il était présenté en séance dans sa version initiale), a été rétabli avec une confortable majorité dans l'hémicycle (155 voix contre 85), malgré l'opposition du gouvernement.

"Une pénurie de médecins, même potentiellement régulée, reste une pénurie", a argué le ministre de la Santé, Yannick Neuder (LR), évoquant un risque de déconventionnements, de départs de médecins à l'étranger, et une "perte d'attractivité de l'exercice médical". C'est une "fausse bonne idée" qui "ne ferait qu'aggraver le coeur même de la pénurie : le manque d'attractivité de la profession", a abondé la députée Joëlle Mélin (RN), dont le groupe est le seul à avoir voté unanimement contre. Une quinzaine d'organisations des principaux représentants des médecins libéraux s'était opposées à la mesure dans un communiqué la semaine dernière, affirmant qu'une régulation "coercitive" aurait des "effets contre-productifs" sur l'accès aux soins.

Des arguments rejetés par les défenseurs de la régulation : "les médecins auront la liberté d'installation sur 87% du territoire", a insisté Philippe Vigier (MoDem). "La régulation doit être essayée car elle porte en elle la justice et l'égalité aux soins de nos concitoyens", a abondé Jérôme Nury (LR).

La veille, devant le Cese, le Premier ministre, François Bayrou, s''était dit favorable à une forme de "régulation", mais avait appelé à bâtir un plan de solutions incluant l'ensemble des acteurs d'ici fin avril (voir notre article du 1er avril).

Les débats se sont ponctuellement tendus mercredi quand le ministre Yannick Neuder a fait planer la menace de "coupe(r) les discussions" en cas d'adoption de l'article sur la régulation. Thibault Bazin (LR) a, lui, remis en question la méthodologie pour flécher l'installation : "Les ARS ne fournissent un zonage que tous les deux ans" et "pas pour les médecins spécialistes".

En réponse, le groupe transpartisan a fait adopter le principe d'un "indicateur territorial de l'offre de soins", actualisé chaque année, fondé sur le "temps médical disponible par patient" et les spécificités de chaque territoire.

Les débats sur le reste du texte, qui prévoit une suppression de majoration des tarifs pour les patients sans médecin traitant, ou encore le rétablissement d'une obligation de participer à la permanence des soins, doivent reprendre la semaine du 5 mai.

 

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