Très haut débit - Des zones d'ombre pour les zones Amel
Les dispositions introduites par le Sénat pour muscler le projet de loi Elan ont été confirmée mercredi soir en CMP et saluées par les élus et les industriels réunis à Laval. Des avancées à contrebalancer par l’embourbement des appels à manifestation d’engagements locaux (Amel).
Réunis à Laval ces 19 et le 20 septembre, les participants à l'université du THD Infranum ont eu la primeur des résultats "conclusifs" de la commission mixte paritaire sur le volet numérique de la future loi Elan. "Désormais la loi Elan peut s'écrire avec un grand N", s'est réjoui Patrick Chaize, sénateur de l'Ain, président de l'Avicca et ardent défenseur d'un renforcement du cadre législatif du très haut débit. Des avancées, détaillées ci-après (encadré), qui devraient contribuer à accélérer les déploiements en levant certains freins très concrets auxquels se heurtent les industriels qui déploient de la fibre : élagage autour des poteaux électriques, avis de l'ABF pour l'installation d'antennes de téléphonie mobile, accès aux parties communes des copropriétés…
Des Amel censées accélérer les déploiements
Ces avancées réglementaires ne lèvent cependant pas toutes les incertitudes sur le respect du calendrier du plan THD. Les appels à manifestation d'engagements locaux (Amel), annoncés par le gouvernement en décembre dernier, tiennent en effet plus du grain de sable que de la goutte d'huile censée accélérer les déploiements pour tenir l'objectif du très haut débit pour tous en 2022. Initialement, il s'agissait de donner la possibilité aux collectivités de mesurer l'appétence du secteur privé pour les zones sur lesquels les RIP n'ont pas encore engagé d'investissement. "Un dispositif placé sous le seul contrôle des collectivités dans lequel on a tous à y gagner car tout ce qui sera financé par le privé ne le sera pas par le contribuable", a assuré à Laval le secrétaire d'État auprès du ministre de la Cohésion des territoires, Julien Denormandie. "Je n'ai pas de position dogmatique sur les Amel mais il me semble qu'on ne nous a pas vraiment laissé le choix", a déploré Patrick Chaize. En ligne de mire, la fermeture du guichet de financement de l'État, la réouverture éventuelle du FSN (fonds national pour la société numérique) étant conditionnée par la fin de la procédure Amel démontrant la carence de l'initiative privée. Par ailleurs, l'élu estime qu'en cédant la propriété des infrastructures au secteur privé, les collectivités seront dépendantes des opérateurs pour les faire évoluer et développer de nouveaux usages.
Un million de prises en négociation
Pour le moment, la seule certitude est que le calendrier a dérapé. Les Amel devaient se dérouler entre mars et juillet et il a été annoncé lors du dernier Graco (Groupe d'échange entre l'Arcep, les collectivités et les opérateurs), qui s'est tenu à l'Arcep la semaine dernière, qu'elle serait prolongée jusqu'à la fin de l'année. Début juillet, un seul dossier avait été déposé à la Mission très haut débit et, selon le secrétaire d'État, les négociations porteraient sur "un million de prises". On sait ainsi qu'elles ont abouti dans le Lot-et-Garonne mais ont échoué en Bretagne, dans le Cher ou dans l'Yonne. Beaucoup de collectivités, comme la Nouvelle-Aquitaine ou les Pays de la Loire, n'ont même pas souhaité entrer dans les négociations. Dans un communiqué publié fin août, les élus aquitains estiment en effet qu'"en rompant soudainement le contrat [le partage RIP / Amii], le gouvernement déstabilise fortement le modèle régional : si les opérateurs privés 'récupèrent' les territoires les plus intéressants parmi ceux que les collectivités avaient projeté d'équiper, le montage financier du projet public d'ensemble n'est plus valable". Des récriminations qui ont du reste fait l'objet d'une lettre adressée au Premier ministre.
Incertitudes juridiques et responsabilité politique
Le manque d'enthousiasme des collectivités à se lancer s'explique aussi par des raisons juridiques. À l'Avicca, on s'interroge sur les modalités de publicité de l'Amel pour garantir qu'un autre opérateur ne viendra pas contester de ne pas avoir été consulté. Le cadre contractuel pour conclure l'accord fait aussi débat. L'association estime que le cadre conventionnel des Amii, même avec la version 2.0 publiée cet été, est inadapté et n'apporte pas suffisamment de garanties sur le respect des engagements des opérateurs. Le L33-1*, brandi par l'État comme une arme de dissuasion massive, est jugé imprécis et très dépendant d'arbitrages parisiens sur lesquels les territoires n'auront plus la main. Or la collectivité signataire de l'Amel a beaucoup à perdre en cas d'échec de l'Amel, fait-on remarquer à l'Avicca : "Car si la fibre n'arrive toujours pas malgré l'Amel, les collectivités savent que les électeurs s'en prendront aux élus et non aux opérateurs !" Du reste, l'association constate l'apparition d'Amel"i" - i pour informels -, certaines collectivités préférant passer par des négociations discrètes, en dehors du champs des projecteurs, comme il y en a déjà eu sur les zones Amii pour ajuster une zone au redécoupage administratif d'une agglomération. Un sujet sur lequel l'Avicca ne manquera pas de revenir lors de son prochain congrès.
LES PRINCIPALES DISPOSITIONS NUMÉRIQUES DE ELAN
Réseaux fibre optique
• Possibilité d'associer des marchés de conception et de réalisation dans le cadre de RIP lancés avant le 31 décembre 2022
• Clarification du régime des sanctions (L33-13) pour les opérateurs ne respectant pas leurs engagements (zones Amii / Amel)
• Obligation pour les opérateurs de RIP de proposer des offres activées pour faciliter la commercialisation
• Facilitation de l'accès aux parties communes des immeubles
• Fixation d’un délai maximal de 12 mois pour qu’une copropriété désigne son opérateur d'immeuble
• Possibilité d'enfouir les câbles optiques dans les zones littorales
Téléphonie mobile
• Allègement des dossiers d'information (remis au maire) pour le passage en 4G d'antenne relais existantes
• Avis simple de l'ABF concernant l'installation d'antennes de téléphonie mobile ou de THD radio
* article L33-1 du code des postes et des communications électroniques