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Des sénateurs demandent un milliard d’euros pour compenser le service universel postal

Les quatre missions de service publics de La Poste ont accusé un déficit d’1,6 milliard d’euros en 2020, selon un rapport sénatorial. C’est le service universel postal - aujourd’hui seule des quatre missions à n’être pas compensée - qui est dans la situation la plus périlleuse, avec un déficit de 1,3 milliard d’euros. En pleine discussion entre le gouvernement et le groupe, le rapport propose une compensation d’un milliard d’euros et une adaptation de l’ensemble de ces missions.

En quelques années, le volume de courrier distribué par La Poste s’est effondré, passant de 18 milliards de lettres en 2008 à 7,5 milliards en 2020. L’an dernier, la crise sanitaire a donné un coup d’accélérateur à cette érosion : 1,6 milliard de lettres en moins ont été acheminées par les facteurs. Les livraisons de colis dopées par les ventes en ligne n’ont pas permis de redresser les comptes. Le service universel postal (l’obligation de distribuer le courrier et les colis six jours sur sept sur l’ensemble du territoire à des tarifs préférentiels), en déficit depuis 2018, a ainsi connu un trou de 1,3 milliard d’euros en 2020. Or il s’agit de la seule des quatre missions de services publics de La Poste (les trois autres étant la contribution à l’aménagement du territoire, le transport et la distribution de la presse et l’accessibilité bancaire) à ne faire l’objet d’aucune compensation de l'État. Alors que des négociations sont en cours entre l’État et le groupe pour trouver des solutions, un groupe de travail sénatorial mis sur pied au mois de février a rendu ses propositions mercredi 31 mars. Sortir le service universel postal de l’ornière impose un effort de l’État d’un milliard d’euros, estiment les sénateurs Patrick Chaize (LR, Ain), Pierre Louault (centriste, Indre-et-Loire) et Rémi Cardon (socialiste, Somme), dans leur rapport. Ils envisagent un système mixte : 270 millions d’euros d’abattement sur la taxe sur les salaires auquel s’ajouterait une dotation budgétaire de 730 millions d’euros. "Pour la première fois, la compensation par l'État du déficit du service universel postal est inévitable pour maintenir le service public et rattraper la perte essuyée en 2020", insistent les rapporteurs, rappelant que cette solution de compensation n’est pas une exception en Europe. Elle est appliquée au Danemark, en République tchèque, en Espagne ou encore en Italie.

Cette compensation n’exclut pas le besoin d’adaptation de l’offre, sans pour autant toucher aux obligations légales du service. Supprimer du catalogue du service universel l'offre de distribution du courrier à J+1 (timbre rouge) permettrait par exemple une économie estimée à 120 millions d'euros, calculent-ils. Une piste déjà évoquée par le PDG du groupe, Philippe Wahl.

Maintenir le maillage territorial

Malgré les compensations de l’État, les trois autres missions de service public de La Poste sont elles aussi déficitaires, pour un total de 300 millions d’euros environ. Les sénateurs proposent là aussi quelques adaptations pour que le déficit ne se creuse pas à l’avenir.

S’agissant de la mission d’aménagement du territoire, qui se traduit par l’obligation inscrite dans la loi de maintenir un maillage de 17.000 points de contacts sur tout le territoire, beaucoup a déjà été fait puisqu’aujourd’hui les 9.377 points de contacts partenariaux (relais postes ou agences postales communales) sont bien plus nombreux que les 7.566 bureaux de plein exercice (ce qui fait dire aux notaires qu’ils ont plus d’offices qu’il n’y a de bureaux de poste). Mas la crise est passée par là : pour la première fois en 2020, La Poste ne respecte pas "temporairement" son obligation : le maillage comporte 16.943 points de contact, ce qui "s'explique par la fermeture de petits commerces partenaires de La Poste en zones rurale" qui sont souvent des relais postaux. Les sénateurs estiment nécessaire de maintenir ce maillage ainsi que la compensation de l’État, même si cette dernière reste insuffisante. En 2020, elle était de 177 millions d’euros pour un coût net évalué à 227 millions d’euros par l’Arcep. "Déjà sous-compensé, le financement de cette mission doit être préservé des effets de la baisse des impôts de production évalués à 66 millions d’euros pour l’année 2022, ces derniers contribuant à son financement", considèrent les sénateurs.

De nouvelles missions pour les facteurs

Le rapport préconise aussi de faire évoluer les missions des facteurs. Ils proposent même une cinquième mission de service public : la détection de la précarité numérique. Une expérimentation "convaincante" a été réalisée en ce sens par la communauté d’agglomération du Sicoval (Haute-Garonne), indiquent-ils. Les facteurs pourraient aussi être amenés à détecter la "galère administrative". "Treize millions de Français ne maîtrisent pas les outils numériques, ce qui constitue un véritable défi à la lumière de l'ambition portée par le gouvernement de dématérialiser à 100% les 250 démarches administratives les plus utilisées par les citoyens d'ici le mois de mai 2022", pose le rapport.

Une troisième mission supplémentaire pourrait leur être confiée : la détection de la perte d’autonomie, sur la base de l’expérimentation menée par le gérontopôle du CHU de Toulouse.

Parallèlement à ces adaptations, les sénateurs proposent de renforcer le rôle de régulateur de l’Arcep. Il s’agirait de modifier la loi pour lui confier une mission de calcul du coût net du service universel postal "afin de disposer d’estimations chiffrées indépendantes et contre-expertisées". C’est sur la base de ces calculs de la compensation de l’État serait déterminée, avant d’être notifiée à Bruxelles. L’Arcep se verrait également chargée d'une une mission de calcul du coût net de la mission de distribution de la presse. La commission de surveillance de la Caisse des Dépôts - désormais actionnaire de contrôle à hauteur de 66 % - devrait également voir "son rôle renforcé en matière de suivi de l’évolution et du financement des missions de service public confiées à La Poste", estiment les sénateurs.

Enfin, les sénateurs demandent de réformer, dans le cadre du prochain contrat de présence postale territoriale, les modalités d'information des maires en cas de fermeture d’un bureau sur leur commune et de renforcer le partenariat entre les maisons France Services et La Poste.

 

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