Des régions achètent directement des masques, Santé publique France dotée de 860 millions d'euros pour des stocks stratégiques
Ainsi, au total, six régions ont déjà commandé un total de 38,7 millions de masques de protection destinés aux personnels soignants et à ceux qui continuent de travailler pour assurer les services essentiels durant la crise sanitaire. Santé publique France bénéfice d'une dotation exceptionnelle pour faire face à la crise et Olivier Véran a apporté de nouvelles précisions sur cette question récurrente de l'approvisionnement en masques.
Alors que le Parlement s'était longuement penché, lors de la séance de questions au gouvernement du 20 mars, sur la question de l'approvisionnement en masques de protection (voir notre article ci-dessous du 20 mars 2020), les régions passent à l'action en annonçant des achats massifs de masques. Dans le même temps, l'Agence nationale de santé publique (ANSP) – ou Santé publique France – bénéfice d'une dotation exceptionnelle pour faire face à la crise et Olivier Véran apporte de nouvelles précisions sur cette question récurrente de l'approvisionnement en masques.
Achats tous azimuts
S'appuyant sur un décret paru au Journal officiel du 21 mars qui relève à cinq millions de masques sur un trimestre le seuil à partir duquel s'applique la réquisition par l'État, plusieurs régions annoncent lancer des achats de masques. La première initiative est venue de la région Grand Est, la plus touchée par le covid-19. Son président, Jean Rottner – également médecin urgentiste – a annoncé dès le 21 mars, son intention d'acheter 5 millions de masques à destination des personnels soignants libéraux, des personnels des Ehpad et des services d'aide à domicile, des policiers et des pompiers. Le président de la région indique avoir "lancé des chaînes de production locales, mais qui vont mettre quelques jours à produire", précisant que "des commandes seront aussi réalisées en Asie". Juste auparavant, Jean Rottner avait lancé un appel à la population pour le don de masques. Un appel relayé, par exemple, par les bibliothèques universitaires et les archives de Strasbourg, qui ont récupéré 840 masques.
Jean Rottner a été suivi dès le 22 mars par Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France, qui annonce avoir passé commande de 5 millions de masques de protection. Ces masques "sont produits en Chine, de façon à ce qu'on soit livré fin mars-début avril", a expliqué Xavier Bertrand sur BFMTV. "Nous les remettrons aux professionnels de santé et nous continuerons à en commander". Puis, "lorsque tous les professionnels de santé seront couverts, je veux pouvoir mettre à disposition des masques dans la région aux forces de secours mais aussi à tous ceux qui continuent à travailler, de façon à pouvoir assurer la meilleure couverture possible". Un exemple suivi aussitôt par Renaud Muselier (Paca) qui a commandé 4 millions de masques, "qui seront livrés sous dix jours" et par Laurent Wauquiez (Auvergne-Rhône-Alpes), qui en a déjà commandé 2 millions et table sur une production locale de 70.000 masques par semaine. Enfin, le 23 mars, Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, a annoncé sur France Info l'achat de 20 millions de masques, "commandés à un fournisseur de l'AP-HP" et dont "5 millions arriveront en milieu de semaine".
Ainsi, au total, six régions ont déjà commandé un total de 38,7 millions de masques de protection destinés aux personnels soignants et à ceux qui continuent de travailler pour assurer les services essentiels durant la crise sanitaire, a annoncé ce lundi Régions de France dans un communiqué. Lequel indique par ailleurs que lors d'une réunion téléphonique lundi, les présidents de régions ont convenu de "mutualiser leurs informations sur les fournisseurs de masques, de respirateurs et de consommables, et sur les marchés passés". "Ils agissent en lien étroit avec les Agences régionales de santé et les acteurs locaux pour ces commandes, de façon à éviter les doublons et garantir que le matériel arrive au plus vite à tous ceux qui en ont besoin", précise l'association, appelant "tous les industriels susceptibles de fournir des composants pour ces respirateurs, ou qui sont en capacité de produire des masques ou des consommables (gants, lunettes, etc.) à se faire connaître auprès des services de leur région".
Le mouvement s'étend d'ailleurs à d'autres niveaux collectivités avec, par exemple, l'achat de 150.000 masques par le département de la Vendée et de 70.000 autres par la ville du Mans. Avec la multiplication et la dispersion de ces achats isolés, l'enjeu principal – et la principale difficulté rencontrée – résidera certainement dans la logistique de mise à disposition de ces masques.
L'État a commandé 250 millions de masques, livrés progressivement
Dans le même temps, le Journal officiel du 22 mars publie un arrêté du ministre des Solidarités et de la Santé relatif aux moyens de l'Agence nationale de santé publique. Si le budget de Santé publique France, qui venait d'être fixé à 150,15 millions d'euros par un arrêté du 11 mars, reste inchangé, la dotation exceptionnelle accordée au titre de la prévention épidémique et la constitution de stock stratégiques, fixée à 260 millions d'euros par l'arrêté du 11 mars, est multipliée par plus de trois et passe ainsi à 860 millions d'euros.
Pour sa part, Olivier Véran est revenu, dans un long discours lors de sa conférence de presse du 21 mars, sur la question de l'approvisionnement en masques. Après avoir repris les éléments exposés lors de la séance de questions au gouvernement (voir notre article ci-dessous du 20 mars 2020), le ministre des Solidarités et de la Santé a expliqué : "Je veux dire aux Français, en particulier aux soignants, que je comprends et partage leurs attentes et parfois leurs colères face à cette situation qui, de fait, prive un certain nombre de nos concitoyens de masques dans des situations qui le nécessitent pourtant".
Il a néanmoins annoncé "que nous avons d’ores et déjà signé plusieurs commandes de plus de 250 millions de masques qui seront livrés progressivement". Olivier Véran est revenu également sur la chronologie des distributions : 15 millions de masques chirurgicaux livrés, fin février, "aux établissements de santé de première et de deuxième ligne", 25 millions de masques distribués au début du mois de mars "pour répondre aux besoins des établissements de santé de référence mais aussi aux professionnels de santé de ville, des professionnels du secteur médico-social et des transporteurs sanitaires", 1,6 million de masques FFP2 et 10,7 millions de masques chirurgicaux les 17 et 18 mars, et une nouvelle livraison de 17 millions de masques ces derniers jours et actuellement.
Selon Olivier Véran, "au total, depuis la dernière semaine de février, 70 millions de masques ont été livrés aux professionnels de santé de ville, à l’hôpital et dans nos Ehpad. Grâce à la réquisition des stocks et de la production sur le territoire national, aux dons et aux importations, nous avons récupéré dans le même temps, depuis la dernière semaine de février, près de 40 millions de masques supplémentaires". Conséquence, le stock d'État s'élève, à ce jour, à 86 millions de masques : 5 millions à la norme FFP2 et 81 millions de masques chirurgicaux. Dernière précision : "La France est en mesure de fabriquer entre 6 millions de masques supplémentaires chaque semaine. Et dès le mois d’avril, 8 millions par semaine. Pour moitié des FFP2." Mais, grâce aux importations, "nous prévoyons de disposer de 24 millions de masques par semaine dans notre pays".
Références : décret n°2020-281 du 20 mars 2020 modifiant le décret n°2020-247 du 13 mars 2020 (Journal officiel du 21 mars 2020) ; arrêté du 20 mars 2020 fixant le montant pour l'exercice 2020 du financement de l'Agence nationale de santé publique (Journal officiel du 22 mars 2020).