Education - Des pistes pour adapter l'aménagement et les bâtiments scolaires à l'ère du numérique
"Penser l'espace scolaire en fonction de la qualité et de la vertu des pédagogies relève encore d'un rêve", regrette Pascal Charvet, Igen, ancien vice-recteur de la Polynésie française, ancien DG de l'Onisep, le 17 mai 2016 en ouverture d'une journée consacrée à la conception et l'aménagement des espaces et bâtiments éducatifs "à l'ère du numérique". La journée était organisée par la mission Ecoter, association qui regroupe des collectivités territoriales et des entreprises (équipementiers, opérateurs, intégrateurs, services, financiers et juridiques).
Un "rêve"... même si Pascal Charvet reconnaît des progrès. Il observe en effet que "depuis quelques décennies cette question est prise à bras-le-corps par des collectivités" qui cherchent à "prendre en compte les besoins réels" de la communauté éducative plutôt qu'à imposer une vision politique "descendante".
"Que faire avec un bâti qui date, dans l'esprit, parfois du 17e siècle ?"
Concernant les bâtiments scolaires, "la vraie question est de savoir ce qu'on fait avec l'existant" car il existe un "écart énorme" avec les pratiques innovantes : "que faire avec un bâti qui date, dans l'esprit, parfois du 17e siècle ?", interroge-t-il. Pointant que "toute grande révolution dans les moyens de transmission des savoirs a entraîné une nouvelle pédagogie, voire une nouvelle organisation de l'espace d'apprentissage", il souligne que "l'espace de l'école est ce qui a le moins changé depuis l'époque grecque".
Pour Pascal Charvet, il est "étonnant que nous n'ayons pas pensé, avec le numérique, la pédagogie systématique à développer ; nous avons commencé à le faire mais ce n'est pas fini". Ainsi le tableau blanc interactif n'est resté "trop souvent qu'un outil magistral captivant, même si c'est déjà beaucoup".
Le vidéoprojecteur interactif permet aujourd'hui de "repenser la pédagogie en faisant passer les élèves d'une posture statique à une posture dynamique". Selon lui, il faudrait "généraliser ce système avec un espace pour que l'enseignant développe son cours" et un autre espace "pour avoir un autre rapport dans la classe". Puisque "le changement de support finit par dicter les usages et les contenus", à partir de nouveaux supports de ce type "il faut penser les contenus de l'enseignement".
De l'espace clos à l'espace évolutif
"Comment articuler la redistribution des mobiliers et l'agencement de l'espace ? Comment faire pour que l'espace scolaire soit mobile, en écho aux flux physiques des élèves, des enseignants et des personnels ? Comment penser les autres espaces de l'école en dehors de la classe ?" Pour Pascal Charvet, "c'est là que se trouve le nœud de la difficulté car le bâti manifeste toujours dans le temps une certaine résistance à la transformation". Il estime que "la salle de classe ne peut plus être le seul étalon à partir duquel on tire le plan de l'école" et qu'il faut "passer de l'espace clos à l'espace évolutif afin de répondre à la variété des besoins", car "l'espace scolaire n'est pas que la classe".
Sans pour autant abandonner les temps d'enseignement magistral, il plaide pour la fin des bureaux fixes des enseignants, préférant les "chaises autonomes et ergonomiques dotées d'un accoudoir pour les ordinateurs". Cette configuration rend possibles les "petites communautés mobiles d'échanges qui apprennent en co-construisant avec l'enseignant". L'ergonomie du mobilier lui semble donc cruciale pour mieux apprendre : "l'important est la place des objets dans la classe et la reconfiguration possible de l'espace", qui fait que "le numérique n'est pas désincarné" et que "le corps est essentiel dans le positionnement dans la classe".