Programmation des investissements de transports - Des avancées et des reculs, pour les acteurs du secteur
La présentation par le gouvernement ce 11 septembre de la programmation des investissements de transports pour les dix ans à venir a suscité son lot de réactions de la part des acteurs du secteur. Dernière en date : celle du Groupement des autorités responsables de transport (Gart) qui juge d'abord cette annonce comme "une avancée sensible". "Pour la première fois, nous avons une visibilité à moyen terme sur les investissements avec une augmentation de 40% du montant global des investissements par rapport à la période 2013-2017", souligne-t-il dans un communiqué diffusé ce 14 septembre. Mais "malgré ces efforts, force est de constater que l'annonce du gouvernement est restée en deçà de la préconisation du COI [Conseil d'orientation des infrastructures] dans son scénario intermédiaire" (lire notre article du 1er février 2018).
700 millions à trouver pour les mobilités propres
Concernant les appels à projets en faveur des mobilités propres, la programmation prévoit un montant d'1,2 milliard d'euros sur la période 2018-2028 dont 500 millions d'euros dans les cinq ans à venir. Insuffisant pour le Gart qui "souhaite ardemment que la loi du Grenelle de l'environnement soit respectée intégralement". L'article 13 de cette loi prévoyait en effet un montant de 2,5 milliards d'euros pour ces appels à projets d'ici à 2020. Les trois premiers appels à projets lancés dans ce cadre ayant atteint un montant total de 1,8 milliard d'euros, "le respect de la loi suppose donc un engagement complémentaire de 700 millions d'euros avant la fin de l'année 2020", a relevé le Gart.
Vigilance sur la mise en œuvre des engagements pour le président du COI
Philippe Duron, président du COI, s'est, lui, félicité ce 12 septembre, que les arbitrages du gouvernement affichent "une grande cohérence" avec les propositions présentées par le Conseil dans son rapport remis en février. "Les efforts annoncés sont significatifs, estime-t-il. S'ils ne se situent pas au niveau du scénario 2 proposé et espéré par le Conseil, ils n'en restent pas moins conséquents (…)". Selon lui, le Parlement devra toutefois se montrer "vigilant sur la mise en œuvre de ces engagements". "Il devra veiller notamment à ce que les crédits affectés à ces projets et à l'Afitf [Agence de financement des infrastructures de transport de France] ne fassent pas l'objet de gels ou restrictions budgétaires, a-t-il poursuivi. Il devra s'assurer que la dynamique des appels à projets soit engagée sans tarder pour être bien au rendez-vous du quinquennat. L'Etat devra rechercher les optimisations possibles en matière de travaux de régénération pour les réaliser au meilleur coût. Il s'efforcera d'apporter, aux collectivités territoriales qui le demandent, l'expertise technique dont elles ont besoin pour assurer une mobilité efficace, durable et sûre sur l'ensemble du territoire et pour toutes les populations."
Investissements "pas à la hauteur" pour Hervé Maurey
Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, membre du COI, dit pour sa part déplorer que le montant d’investissements annoncé par la ministre chargée des transports "ne soit pas à la hauteur des enjeux et des urgences en la matière". "Le niveau d’investissements annoncé est en effet inférieur au scénario 2 (14,6 Mds) : 'bâti pour permettre de satisfaire les priorités fixées par le président de la République' selon les termes du rapport du COI", relève-t-il. "En prenant en compte les différences de périmètre, il manque en réalité 1,5 milliard pour que les objectifs du président de la République soient tenus, poursuit-il. Cette différence de budget ne permettra pas d’apporter de réponse suffisante à l’état dramatique du réseau ferroviaire et à l’évolution inquiétante du réseau routier et ce malgré l’actualité récente et la sonnette d’alarme tirée par le Sénat en mars 2017. Les territoires et les collectivités locales seront les premières victimes de cette situation puisque les crédits sur les contrats de plan État-Régions et les trains d’équilibre du territoire seront revus à la baisse. Il est à craindre que cette sous-budgétisation affecte en premier lieu les dessertes les moins fréquentées et donc les territoires ruraux."
"Absence de vision prospective et de préoccupation environnementale" pour la Fnaut
La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) a, quant à elle, dénoncé ce 12 septembre l'"absence de vision prospective et de préoccupation environnementale" dans les choix du gouvernement pour les infrastructures de transport. Elle juge la hausse des investissements "significative mais trop limitée". "Aucune hiérarchie nouvelle entre les différents modes de transport n'est définie" et "la route reste prioritaire", regrette-t-elle. Elle y voit "une réponse incomplète aux besoins de la vie quotidienne" et pointe "un abandon des 'petites lignes'" ferroviaires dont la sauvegarde constitue pourtant selon elle une "urgence" pour les habitants des villes moyennes et des territoires ruraux. Elle juge aussi "regrettable" le report des grands projets ferroviaires urbains et interurbains, seuls à même selon elle de "provoquer des transferts massifs de trafic" de la route vers le rail. "La Fnaut attend du gouvernement qu'il reconnaisse mieux l'importance du transport collectif urbain et interurbain, qu'il écarte le saupoudrage et les dépenses inutiles, et qu'il privilégie les investissements les plus efficaces en matière d'aménagement du territoire et de lutte contre le dérèglement climatique", conclut-elle.