Dérives sectaires : François-Noël Buffet prône le déploiement rapide d'"instances départementales dédiées"

Alors qu'il juge que le dernier rapport d'activité de la Miviludes constitue une "véritable alerte", le ministre François-Noël Buffet indique que "l'enjeu principal pour 2025 sera de déployer des instances départementales dédiées" à la lutte contre les dérives sectaires. Sans plus de précision à ce stade.

"La sécularisation que connaît la société française, comme la plupart des sociétés d'Europe occidentale, n'a pas éteint les aspirations individuelles à diverses formes de spiritualité, qui se manifestent par des croyances, religieuses ou non, et diverses interactions sociales." Ainsi s'ouvre le dernier rapport d'activité de la Miviludes, lequel fait état de "dérives sectaires en expansion et aux formes toujours renouvelées". Le phénomène de "sécularisation" avancé mérite sans doute d'être nuancé. Il vaut pour le catholicisme, comme l'a montré l'analyste politique Jérôme Fourquet (voir "la dislocation de la matrice catholique", in L'Archipel français), mais sans doute pas au-delà, le même ayant par ailleurs mis en lumière le "regain de religiosité et la visibilité accrue de l'islam" (in La France d'après, Seuil, 2023, p. 496). Pour autant, l'essor du phénomène sectaire semble bien réel, comme tend à le montrer ce rapport, qualifié de "véritable alerte" par le ministre François-Noël Buffet.

Un phénomène et un champ en pleine expansion

Le nombre de signalements et de demandes d'informations reçus par la Miviludes en témoigne ; il a plus que doublé en dix ans : 2.160 en 2015, 4.571 en 2024. Pour le ministre, "les facteurs concourant à cette augmentation sont connus, qu’il s’agisse de la crise sanitaire et des confinements successifs qui ont favorisé les discours complotistes, ou encore du recours accru aux réseaux sociaux qui donne au phénomène de dérive sectaire un espace élargi d’expression et d’action". Si 2021 a effectivement marqué un bond dans les signalements, l'évolution semble néanmoins inexorablement croissante depuis au moins dix ans, signe que les causes sont sans doute plus profondes. 

Autre constat, déjà dressé, le champ de ces dérives est lui aussi en constante expansion : "Autrefois cantonnées à la sphère religieuse, cultuelle et spirituelle, les dérives sectaires concernent aujourd’hui des domaines plus étendus de notre quotidien : celui de la santé, du bien-être, de la formation et du coaching, etc.", pointe le ministre (lire notre article du 8 novembre 2022). Pour preuve, le rapport indique que le domaine de la santé et du bien-être constitue désormais la "thématique dominante" des signalements et demandes d'informations traités par la Miviludes (37%), devant les "cultes et spiritualités" (35%). Non sans logique, alors que Jérôme Fourquet a également mis en relief l'existence d'un "patchwork spirituel français", observant notamment que "chamanisme et ésotérisme gagnent du terrain dans tous les milieux sociaux" (in La France sous nos yeux, Points, 2022, p. 557 et s.). Il n'est donc guère surprenant que, comme le relève François-Noël Buffet, désormais "aucun territoire n'est épargné, aucune catégorie socioprofessionnelle n'est à l'abri" de dérives sectaires qui "touchent désormais l'ensemble du pays, qu'il s'agisse des zones urbaines ou rurales, métropolitaines ou d'outre-mer".

L'enjeu en 2025, "déployer des instances départementales dédiées"

Face à cette situation, le ministre l'affirme : "La lutte contre les dérives sectaires est une priorité pour le gouvernement." Il rappelle que la loi du 10 mai 2024 a introduit de nouveaux outils (lire notre article du 13 mai 2024) ; mais il entend aller plus loin. Dans le cadre de la stratégie nationale 2024-2027 (lire notre article du 15 novembre 2023), il souligne que l'enjeu principal pour 2025 sera de "déployer, au niveau territorial, des instances départementales dédiées. Et notamment la création de conseils départementaux dédiés, présidés par les préfets et procureurs, afin de mieux répondre aux besoins locaux et de coordonner les actions de prévention et de répression". Sans plus de précision à ce stade. On se rappelle toutefois que dans une circulaire du 5 août 2024, Sabrina Agresti-Roubache et Éric Dupond-Moretti avaient convié préfets et procureurs à "consacrer, au moins une fois par an et en tant que de besoin en fonction des nécessités identifiées, une réunion spécifiquement dédiée aux actions préventives et répressives contre les dérives sectaires dans le département", en y associant la Miviludes. L'avenir dira si c'est bien de cela dont il s'agit.

Autre interrogation, si le ministre remercie les collectivités "pour leur travail déterminé dans ce combat quotidien", il ne précise pas le rôle que ces dernières sont le cas échéant appelées à tenir dans ces instances. Dans la circulaire précitée, ses prédécesseurs invitaient les préfets à veiller à ce que les travaux du groupe de travail évoqué "s'articulent avec ceux des CLSPD et des CISPD, notamment dans une perspective de sensibilisation des élus locaux" (le Conseil constitutionnel ayant en 2024 censuré l'article de la loi donnant compétence à ces conseils pour traiter des phénomènes sectaires). Ils y conviaient également préfets et procureurs à des actions de "formation et de sensibilisation des élus locaux", qui constitue par ailleurs l'un des treize objectifs de la stratégie 2024-2027. On imagine qu'il en sera a minima de même. "Seule une action concertée des différents services de l'État, des acteurs associatifs et des collectivités territoriales peut permettre d'identifier et prévenir cette menace", rappelle d'ailleurs le chef de la Miviludes, Donatien Le Vaillant, dans le rapport.

 

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