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Aménagement numérique - Déploiement des réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné : ce qu'en dit l'Arcep

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) vient de publier deux synthèses de consultations publiques relatives au déploiement du dernier segment des réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné. La première concerne une demande d'assouplissement des règles de complétude relative au déploiement dans les zones moins denses ; la seconde vise à effacer les difficultés d'interprétation soulevées par le fibrage des immeubles existants.

Une fracture irréductible ?

Le principe de la complétude des réseaux répond au souci de lutter contre la fracture numérique, en particulier dans les zones rurales. Pour chaque point de mutualisation (PM) installé, il impose à l'opérateur le déploiement d'un réseau capillaire jusqu'à proximité immédiate de l'ensemble des logements ou locaux, dans un délai raisonnable de 2 à 5 ans en fonction des caractéristiques locales. Dans les zones rurales, cette obligation conduit à raccorder assez rapidement l'ensemble de l'habitat isolé. Elle renchérit considérablement les coûts de déploiement et pénalise un peu plus le monde rural. Le conseil général du Cher a estimé son coût de 3 à 13 fois plus important que celui du déploiement dans les villages. En région Provence-Alpes-Côte d'Azur, les 61.000 prises en habitat dispersé coûteraient autant que les 600.000 prises des centres-ville, selon une étude réalisée par l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca). Or, après avoir étudié les différentes solutions de flexibilité, le régulateur estime aujourd'hui la conciliation réglementaire impossible au regard des différents objectifs fixés par la loi : "Il serait sans doute nécessaire d'adapter au cas par cas la question des délais raisonnables pour traiter les situations les plus extrêmes", est-il précisé dans le rapport, comme l'avait demandé  l'Avicca, mais le régulateur estime "qu'il n'existe pas (…) de solution satisfaisante" : toutes les pistes envisagées présentent le défaut majeur soit de ne pas garantir le respect conjugué de tous les objectifs assignés par la loi au régulateur - aménagement numérique, promotion de l'investissement efficace, préservation et développement de la concurrence - soit de ne pas rétablir un modèle économique viable en l'absence d'une solution de péréquation financière au niveau national. "A ce stade", il  considère "qu'il n'est ni pertinent ni possible de modifier la règle de complétude des zones arrière de points de mutualisation et la maintient telle qu'elle est énoncée dans sa décision n° 2010-1312 avec un délai raisonnable de 2 à 5 ans". Le maintien de cette disposition risque de freiner le principe du déploiement d'un point de présence dans chaque commune comme l'envisageaient certains projets départementaux et risque ainsi de modifier sensiblement la problématique du découpage.

Clarifier le fibrage des immeubles existants

Le raccordement final de l'abonné au réseau est une phase stratégique du déploiement, notamment en raison d'un coût évalué à une dizaine de milliards d'euros d'investissement pour la couverture intégrale du pays. Le cadre juridique du raccordement est principalement régi par l'article L. 33-6 du Code des postes et des communications électroniques : l'installation et l'exploitation du réseau par un opérateur fait l'objet d'une convention avec le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires ; les travaux d'installation sont aux frais de l'opérateur et doivent s'achever au plus tard six mois à compter de la signature de la convention.
Les difficultés d'interprétation du cadre juridique concernent exclusivement le fibrage des immeubles existants. Au-delà de l'interprétation du droit positif qui faisait l'objet de la consultation, de nombreux acteurs, ont également demandé que le texte soit clarifié, simplifié et même adapté, ce qui a conduit l'Arcep à prolonger la réflexion afin de proposer une modification législative "susceptible d'améliorer significativement" les conditions de développement des réseaux. Les "immeubles individuels" seraient définitivement écartés de l'application du L.33-6, le raccordement à la fibre optique étant réalisé au moment de la prise d'abonnement et correspondant à une décision individuelle - celle de l'occupant - justifiant pleinement l'absence d'encadrement légal spécifique. En revanche les lotissements seraient eux placés dans le champ d'application du même article. L'installation de la fibre serait aux frais de l'opérateur signataire de la convention mais ne s'appliquerait qu'aux parties ou voies affectées à l'usage commun.
La répartition des responsabilités entre le propriétaire (ou le syndicat de copropriétaires) et l'opérateur signataire (opérateur d'immeuble) à propos du financement du réseau dans les immeubles, de son installation, de son entretien et de sa maintenance ferait également l'objet d'une clarification.