Déploiement des énergies renouvelables : la Commission européenne prend les choses en main
Suivant les recommandations du Conseil, la Commission européenne propose un règlement d’urgence pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables (EnR), y compris les pompes à chaleur. Le texte prévoit diverses mesures dérogatoires, d’application immédiate et directe, pour un an… le temps que les révisions en cours de directives existantes parviennent à leur terme.
Le déploiement des énergies renouvelables (EnR) se fera, quoi qu’il en coûte (en termes d’information et de consultation du public, d’impacts sur les espèces…). Ainsi en a décidé la Commission européenne qui, poussée en ce sens par le Conseil européen des 20 et 21 octobre derniers, vient de proposer un nouveau règlement à cette fin, aux allures de loi Asap (voir notre article du 18 décembre 2020). Face à la montée des prix de l’énergie, la Commission exhortait déjà l’an passé les États membres à faire le nécessaire pour accélérer le déploiement des EnR (voir notre article du 13 octobre 2021). Avec la guerre en Ukraine, elle remettait le 18 mai dernier une nouvelle fois l’ouvrage sur le métier, en lançant concomitamment son nouveau plan d’action REPowerEU (voir notre article du 18 mai), les révisions de plusieurs directives – dont celle de 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie issue de sources renouvelables (dite REDII) –, et en publiant une recommandation aux États membres visant l’accélération des procédures d’octroi de permis des installations EnR (voir notre article du 30 mai).
Un règlement d’urgence, des mesures "temporaires"
Mais depuis, "la situation de la crise énergétique s’est aggravée, appelant une action urgente", juge la Commission. Cette fois, elle a décidé de prendre les choses en main, estimant qu’un "déploiement rentable, rapide et à grande échelle des énergies renouvelables durables […] ne peut être réalisée par les seuls États membres". Exit, donc, le principe de subsidiarité, non sans entrer ainsi en dissonance avec certaines mesures adoptées récemment par les sénateurs français dans le cadre de leur examen en première lecture du projet de loi – hexagonal cette fois – d’accélération des EnR (voir notre article du 7 novembre).
Concrètement, la Commission propose un règlement – donc d’application immédiate – du Conseil, fondé sur l’article 122 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui n’a fait l’objet ni d'une consultation, ni d’une étude d’impact, et qui ne sera pas examiné par le Parlement. Il prévoit diverses mesures dérogatoires, qualifiées de "temporaires, proportionnées et extraordinaires". Le règlement ne serait effectivement applicable que pendant une durée d’un an. "Ce qui couvre la durée nécessaire à l’adoption et à la transposition dans tous les États membres de la directive sur les énergies renouvelables, examinée actuellement par les colégislateurs", précise toutefois la Commission, laissant ainsi entendre que ces mesures "temporaires" ont vocation à devenir pérennes. Et ce, d’autant que le règlement dispose que la Commission pourra "proposer de prolonger la validité du règlement", sur la base d’un réexamen de la situation qu’elle devra conduire au plus tard le 1er juillet 2023.
Intérêt public supérieur
En l’état – mais le texte ne devrait guère être modifié –, le règlement prévoit que la planification, la construction et l’exploitation d’usines et d’installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables, ainsi que leur raccordement aux réseaux et aux ouvrages de stockage, sont présumés être "d’intérêt public supérieur". Une notion déjà promue dans la recommandation du 18 mai précitée. Il dispose également que lorsqu’un projet a mis en œuvre des mesures d’atténuation et de surveillance appropriées, "toute mise à mort ou perturbation d’espèces protégées […] ne doit pas être considérée comme intentionnelle". Enfin, il prévoit que les États membres veillent, au moins pour ces projets reconnus d’intérêt public majeur, que dans le processus de planification et d’octroi des autorisations, la construction et l’exploitation de centrales énergétiques provenant de sources renouvelables et le développement de l’infrastructure de réseau connexe soient prioritaires lors de la mise en balance des différents intérêts. Avec néanmoins un bémol à l’égard de la protection des espèces, cette "priorisation" n’étant possible que si et dans la mesure où des mesures de conservation idoines sont prises et que des ressources financières suffisantes ainsi que des zones de protection soient mises à disposition.
Équipement d’énergie solaire
Le règlement dispose que le processus d’octroi de permis d’installation d’équipements d’énergie solaire, y compris celles intégrées aux bâtiments, dans des structures artificielles existantes ou futures (à l’exclusion des plans d’eau artificiels), ne doit pas dépasser un mois, à condition que l’objectif premier de telles structures ne soit pas la production d’énergie solaire. Concrètement, sont ici visés les panneaux solaires sur les toits des bâtiments, dans les aires de stationnement, le long des infrastructures de transport…
De tels équipements devront en outre être exemptés de l'éventuelle obligation d’examen ou d’évaluation environnementale.
Pour les installations d’équipements d’énergie solaire d’autoconsommation d’une capacité inférieure ou égale à 50kW, l’absence de réponse des autorités compétentes dans le mois de la demande vaudra acceptation.
Rééquipement de centrales électriques à énergie renouvelable
Le processus d’octroi de permis pour le rééquipement (remplacement ou accroissement de la capacité) d’installations ne devra pas dépasser six mois, délai tenant compte des éventuelles évaluations environnementales. Lorsque ce rééquipement n’entraîne pas une augmentation de capacité supérieure à 15%, les raccordements aux réseaux devront être autorisés dans un délai d’un mois. Lorsqu’un projet de rééquipement nécessite un examen ou une évaluation environnementale, cet examen ou cette évaluation devra être limité aux impacts potentiels de la seule modification ou extension par rapport au projet initial.
Lorsque ce rééquipement n’implique pas l’utilisation d’espace supplémentaire et respecte les mesures d’atténuation environnementale applicables à l’installation d’origine, le projet est exempté de l’éventuelle évaluation environnementale.
Déploiement des pompes à chaleur
La procédure d’octroi de permis de ces installations ne doit pas dépasser trois mois.
Les raccordements aux réseaux sont autorisés sur déclaration pour les pompes à chaleur d’une capacité maximale de 12kW et pour celles installées par un autoconsommateur d’énergies renouvelables d’une capacité maximale de 50kW, à condition que la capacité de l’installation de production d’électricité renouvelable représente au moins 60% de la capacité de la pompe à chaleur.