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Action sociale - Dépenses sociales : pas juste une question d'allocations...

L'étude de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (Odas) sur les dépenses départementales d'action sociale en 2011 montre un léger ralentissement de la hausse de ces dépenses. Elle montre aussi que le premier poste est celui de l'hébergement et non des allocations de solidarité. Et que c'est avant tout le soutien aux personnes handicapées qui tire la dépense vers le haut.

La courbe ascendante des dépenses sociales des départements est quasiment devenue un sujet grand public. On évoque alors généralement surtout le poids des grandes allocations de solidarité et l'enjeu croissant de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. La dernière étude annuelle de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (Odas) sur les dépenses départementales d'action sociale, présentée ce mardi 5 juin, vient à ce titre battre en brèche certaines idées reçues. D'où, d'ailleurs, le titre choisi pour cette édition portant sur les chiffres de 2011 : "Se poser les bonnes questions."
Non, la charge liée aux allocations de solidarité n'est pas le premier poste de dépenses. Et non, la dépendance liée au grand âge n'est pas le premier facteur de la hausse de ces dépenses. Le tout premier poste est bien celui de l'hébergement. La charge nette globale liée à l'action sociale des départements est en effet composée à 46% de dépenses d'hébergement (accueil de jour compris et toutes populations confondues : enfants, personnes âgées, personnes handicapées). Celles-ci se sont élevées en 2011 à 10,9 milliards d'euros, alors que leur montant total était de 6,8 milliards il y a dix ans. Viennent ensuite, pour 29%, les "dépenses diverses", à savoir essentiellement les dépenses de personnel (4,7 milliards). Puis, en troisième position seulement, les allocations RSA, APA, PCH et ACTP (5,9 milliards, soit 25%). Avec, toutefois, une hausse vertigineuse du coût de ces allocations : une multiplication par plus de trois en dix ans (passant de 1,6 à 5,9 milliards), une hausse de 1 milliard pour la seule dernière année.
Par ailleurs, donc, l'analyse sectorielle de l'évolution des dépenses (enfance, personnes âgées, personnes handicapées, insertion) montre que la hausse du soutien aux personnes handicapées explique à elle seule 40% de l'augmentation totale de la charge nette d'action sociale pour les départements. "Le soutien aux personnes en situation de handicap tire la dépense vers le haut", résume ainsi l'Odas. Cette donnée croise d'ailleurs la première, puisque les trois quarts de la charge nette dans le champ du handicap sont liés à l'hébergement et à l'accueil de jour et continuent d'augmenter, du fait à la fois des créations de places et d'une augmentation du coût de chaque place.
On rappellera au passage que la notion de "charge nette" - traditionnellement privilégiée par l'Odas car effectivement plus pertinente pour mesurer l'implication financière des conseils généraux dans les politiques sociales – correspond à la "dépense nette" de laquelle sont déduits les concours dédiés de l'Etat. Autrement dit, il s'agit de la dépense restant directement à la charge des départements.

Un nouvel accent sur la prévention

En 2011, la dépense nette totale d'action sociale des départements s'est élevée à 31,4 milliards d'euros, soit 4% de plus qu'en 2010. Peut-on parler de petite accalmie ? En tout cas, la hausse est moindre que les années précédentes (+6% par an en 2010 et en 2009). La charge nette s'élève pour sa part à 23,7 milliards et a augmenté de 4,5%. Les concours dédiés de l'Etat continuent donc bien d'augmenter moins vite que les dépenses.
Ces 23,7 milliards se décomposent ainsi : 6,6 milliards pour l'aide sociale à l'enfance (+3,4% par rapport à 2010), 5,5 milliards pour le handicap (+7,8%), 4,9 milliards pour la dépendance (+2,2%) et 1,9 milliard (+ 8,8%) pour le RSA. Sur ce dernier poste, on notera que la hausse avait été de 23,9% entre 2009 et 2010. L'Odas parle donc d'une "fin de la montée en charge" du RSA.
S'agissant de l'aide sociale à l'enfance, l'Odas relève deux données nouvelles. D'une part, l'impact désormais significatif des mineurs isolés étrangers. Certes, ce phénomène concerne peu de départements – en fait essentiellement Paris et la Seine-Saint-Denis. Mais à un degré tel qu'il influe sur les chiffres nationaux. A Paris, un tiers des enfants placés sont des mineurs isolés étrangers. Autre phénomène, cette fois encore timide : les "stratégies de prévention" seraient davantage perceptibles. On constate en effet notamment que le nombre de mesures d'intervention en milieu ouvert a, pour la première fois, légèrement diminué. Et qu'en revanche, la dépense relative aux techniciens de l'intervention sociale et familiale (dont l'action est avant tout préventive) est en hausse, tout comme, par ailleurs, le champ de la prévention spécialisée.
De façon globale, le délégué général de l'Odas, Jean-Louis Sanchez, estime que les départements - en partie du fait des lourdes contraintes financières qui les ont poussés à des efforts de rationalisation - mettent plus que jamais l'accent sur les actions préventives. Tout en sachant que cela n'est évidemment pas le plus facile. "La redistribution maximale des dépenses des départements vers la prévention suppose de nouveaux modes d'intervention et la mobilisation de tous les acteurs", résume Michel Dinet, président de l'Odas et président du conseil général de Meurthe-et-Moselle.
Pour Michel Dinet, un autre grand enjeu reste évidemment le problème du financement et de la participation de l'Etat. La mise en place d'un nouveau gouvernement, qui ne s'est pas encore précisément prononcé sur la question, rebat quelque peu les cartes. D'autant plus, note l'élu, que ce débat à rouvrir croisera sans doute celui sur la nouvelle étape de la décentralisation. Mais le président de l'Odas insiste aussi sur la nécessité d'une réflexion collective sur les dépenses d'hébergement. "En dix ans, à euros constants, le coût de l'hébergement a augmenté de 50%. Or la qualité de service ne s'est pas améliorée dans les mêmes proportions…", constate-t-il, évoquant entre autres la question des normes et la nécessité de "diversifier les réponses" – autrement dit de développer, que ce soit en matière d'enfance, de handicap ou de dépendance, des formules autres que l'hébergement.
On relèvera enfin que l'étude de l'Odas s'est cette année intéressée à la "diversité des contributions départementales", à travers un "indicateur de dispersion" qui permet d'afficher de façon synthétique les écarts de dépenses par habitant selon les départements. S'agissant de la charge nette globale, l'écart entre départements est assez faible : 15%. Même chose pour les champs du handicap et des personnes âgées. On peut donc parler d'une certaine homogénéité sur l'ensemble du territoire national. En revanche, l'écart est beaucoup plus sensible (27%) pour l'ASE, principalement du fait des proportions différentes, selon les départements, entre placement en famille d'accueil et placement en établissement. L'écart est même de 31% pour le RSA. Cette fois, les départements n'y peuvent pas grand-chose, les disparités étant avant tout liées à la situation de l'emploi sur chaque territoire.

 

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