Dépenses d'assurance maladie : les prescriptions de la Cour des comptes
Dans une note publiée ce 14 avril sur l'Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), la Cour des comptes chiffre les économies devant être faites et fournit ses préconisations. Celles-ci concernent entre autres les petits hôpitaux publics, que la Cour appelle à regrouper, mais aussi la branche autonomie, que ce soit côté handicap ou côté vieillissement. S'agissant des personnes âgées, elle met l'accent sur la prévention des chutes.

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La Cour des comptes a proposé ce lundi 14 avril sa formule pour ralentir l'emballement actuel des dépenses de santé d'ici 2028. "La ligne de crête est étroite", mais "il est possible" de faire des économies "sans dégrader la qualité du service" et même en "l'améliorant", a affirmé Pierre Moscovici. Le président de la Cour des comptes a présenté à la presse une "note de synthèse" de 80 pages sur l'objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), qui avait été demandée par Gabriel Attal, alors Premier ministre. Il s'agit en fait d'une synthèse de diverses mesures issues de récents rapports de la Cour.
La maîtrise des dépenses de santé "peut être faite dans le respect des principes de base de la Sécurité sociale", a estimé Pierre Moscovici. Selon les chiffres rappelés par la Cour des comptes, pour tenir l'objectif annoncé à Bruxelles, la France doit maintenir à +2,9% par an la croissance de ses dépenses d'assurance maladie jusqu'en 2028, alors qu'elles ont augmenté en moyenne de +4,8% depuis 2019 (contre 2,4 % par an de 2015 à 2019). Pour tenir cet objectif, explique la Cour, il faut trouver une vingtaine de milliards de dépenses à supprimer par rapport à la pente naturelle du système de santé. "La préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 devrait être l’occasion d’engager un programme pluriannuel de maîtrise de la progression des dépenses de l’Ondam selon une ampleur et un calendrier à définir par les pouvoirs publics", écrit la Cour.
Parmi les pistes "d'amélioration de l'efficacité des dépenses", elle identifie "en première intention" le renforcement de la lutte contre les fraudes à l'assurance maladie et "les remboursements indus de dépenses de santé". "Bien qu'en progression, les résultats obtenus (628 millions de fraudes détectées et stoppées en 2024) demeurent nettement en deçà des estimations de fraudes (jusqu'à 4,5 milliards d'euros)", met en exergue la Cour des comptes, qui fixe un objectif de 1,5 milliard de fraudes détectées et stoppées en 2029.
La Cour des comptes estime par ailleurs possible de trouver 5,3 milliards d'euros en "poursuivant la baisse des prix" des médicaments et autres produits de santé.
La Cour des comptes appelle également à "restructurer les services hospitaliers qui ne présentent pas de garanties suffisantes de qualité et de sécurité des soins", pour un gain attendu de 0,8 à 1,2 milliard d'euros. "L'activité des services de médecine et de chirurgie de nombreux petits hôpitaux publics est faible. Ils manquent de personnels soignants et doivent recourir à des emplois temporaires coûteux. Une activité significative est pourtant essentielle en chirurgie pour assurer la qualité et la sécurité des soins", regrette la Cour, qui prône "une réorganisation territoriale des parcours de soins" passant par "des regroupements au sein des Groupements hospitaliers de territoire".
Elle propose également de moins rembourser les cures thermales et de supprimer la participation de l'assurance maladie aux frais de transport et d'hébergement de longue durée.
Autre axe : la prévention, notamment face au développement de certaines maladies chroniques, y compris parmi les jeunes (conduites addictives etc.). Mais aussi, "dans le contexte du vieillissement de la population", une amélioration de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées". "Le gain d’un an d’espérance de vie sans incapacité ferait économiser à l’assurance maladie un montant estimé à 1,5 milliard d'euros", établit la Cour.
À ce titre, la note met l'accent sur les chutes de personnes âgées, qui "ont un coût de prise en charge estimé à 0,9 milliard d'euros dans l’année qui suit l’accident et causent plus de 10.000 décès par an". Sur ce terrain, la Cour considère que "l'organisation de la prévention de la perte d’autonomie reste dispersée et inégalitaire" et préconise un renforcement du rôle de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) "pour construire une offre graduée de prévention de la perte d’autonomie en lien avec les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) et les départements". Et, poursuit-elle, "la relance du Plan antichute des personnes âgées de 2022 par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) doit permettre de capitaliser sur les initiatives régionales et de mesurer l’état d’avancement par rapport à l’objectif de diminution de 20 % fixé à l’origine".
La Cour prône en outre "la recherche d’alternatives à l’hospitalisation pour les personnes âgées" en adaptant les parcours de soins coordonnés pour réduire les passages en service d’urgence des personnes très âgées grâce à "une coordination territoriale des secteurs hospitalier, médicosocial et de ville et par un plan d’action chiffré dans chaque projet régional de santé".
La note s'intéresse par ailleurs aux établissements et services médicosociaux, sachant que "les moyens alloués à la branche autonomie progressent le plus fortement au sein de l’Ondam (+ 8,4 % par an de 2019 à 2024), malgré des annulations de crédits décidées pour atténuer des dépassements de l’Ondam par ailleurs". Mais sachant, aussi, "le double objectif de créations de 50.000 postes en Ehpad et de 50.000 solutions d’accueil pour des personnes en situation de handicap", qui représente 1,5 milliard d'euros. Côté handicap, "l’enjeu est d’allouer les crédits supplémentaires aux territoires les moins bien dotés", tout en réduisant la dépense consacrée par la France à l’hébergement en Belgique. Autre enjeu : "développer une approche globale entre établissements de santé, d’une part, et établissements médicosociaux, d’autre part". Illustration : "Au moins 3.000 personnes en situation de handicap vieillissantes sont hospitalisées en psychiatrie sans justification médicale", faute de places en établissement médicosocial. Et la même logique doit prévaloir côté grand âge, avec "la construction d’une offre de prise en charge territoriale la plus intégrée possible entre les structures sanitaires, médicosociales et sociales dont la segmentation apparaît de moins en moins pertinente pour des parcours de longue durée".