Départs en invalidité : des différences significatives selon la catégorie hiérarchique et le sexe
Selon une étude de la direction des politiques sociales de la Caisse des Dépôts, les départs en retraite pour invalidité concernent davantage les agents territoriaux de la catégorie C et, au sein de celle-ci, les femmes. Ces dernières sont davantage exposées au risque d'invalidité car elles bénéficient moins que les hommes de départs anticipés en retraite pour carrière longue.
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© QPS et Adobe stock. Source : Caisse des Dépôts
Une étude de la direction des politiques sociales de la Caisse des Dépôts se penche sur le sort des retraités de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) nés entre 1946 et 1956 et observe que, dans la fonction publique territoriale, l'invalidité a progressé entre la première et la dernière de ces générations (de 9,8% à 11,2%).
En 2023, 7.200 fonctionnaires territoriaux et hospitaliers sont partis en retraite pour invalidité, indique cette étude rendue publique le 13 février, qui met l'accent sur le fait que le phénomène ne touche pas de la même façon les agents des différentes catégories hiérarchiques. Les taux de départs pour invalidité "sont schématiquement 2 à 2,5 fois plus élevés en catégorie C qu'en catégorie B, et 4 à 5 fois plus élevés en catégorie C qu'en catégorie A", précise-t-elle. Pour rappel, c'est à la catégorie C qu'appartiennent certains des métiers les plus pénibles et souvent les plus faiblement rémunérés.
Liquidation anticipée de la pension de retraite
Les personnes reconnues invalides souffrent "d’une altération grave de leur état de santé entraînant des répercussions sur leur capacité à exercer une activité professionnelle rémunérée", est-il rappelé. Chez les fonctionnaires, la reconnaissance de l’invalidité se traduit par "une liquidation anticipée" de la pension de retraite de l'agent "sur la base des droits à pension accumulés jusqu’au départ". La mise à la retraite pour invalidité des fonctionnaires est demandée par le fonctionnaire, ou "imposée" par l’employeur, sous certaines conditions.
Les différences concernant les départs en invalidité entre les hommes et les femmes de la catégorie C sont assez significatives, constate par ailleurs l'étude. La part des invalides dans l'ensemble des départs "augmente rapidement" à partir de la génération des femmes de catégorie C nées en 1951, atteignant trois points de plus pour la génération de celles qui sont nées en 1956 (15,2% d'invalides). Selon l'étude, cette proportion de départs en invalidité "paraît particulièrement élevée" par rapport à celle qui concerne les hommes de la catégorie C de la fonction publique territoriale nés la même année (13%) ou à celle qui se rapporte aux femmes de catégorie C de la fonction publique hospitalière nées là encore en 1956 (10%).
La progression de la part des départs pour invalidité des femmes fonctionnaires territoriales à partir de la génération des femmes nées en 1952 coïncide avec l'entrée en vigueur de la réforme des retraites de 2010 qui a reculé l'âge d'ouverture des droits à la retraite de 60 à 62 ans. Or, cette réforme n'a pas eu le même impact pour les femmes que pour les hommes de la catégorie C de la fonction publique territoriale.
"Bascule" en invalidité à des âges plus avancés
En effet, les femmes remplissent moins souvent que les hommes les conditions d’éligibilité à la retraite anticipée pour carrière longue. Cette dernière représente "plus de la moitié" des départs en retraite des hommes de la catégorie C de la fonction publique territoriale nés après 1952. Mais pour les femmes de catégorie C des mêmes générations, cette proportion n’est "que d’un peu plus d’un cinquième". Les femmes de la catégorie C sont donc moins nombreuses que leurs homologues masculins à bénéficier du "rôle d'amortisseur" que joue la retraite anticipée pour carrière longue vis-à-vis des départs pour invalidité.
L'étude révèle aussi que, pour les dernières générations observées, les départs pour invalidité interviennent à des âges plus élevés. Près de la moitié des départs pour invalidité des agents nés en 1956 ont eu lieu à 60 ans ou plus, contre seulement 28% de ceux des agents nés en 1950. Cette évolution est directement liée à la réforme de 2010 qui a non seulement repoussé l'âge d'ouverture des droits, mais aussi augmenté la durée d’assurance requise pour le taux plein et décalé l'âge d'annulation de la décote. En repoussant leur départ, les agents "s’exposent plus longtemps à un risque d’invalidité d’autant plus important qu’ils atteignent des âges élevés", souligne l'étude.
"Indépendamment de la façon dont sont gérées leurs carrières, peut-être que ces générations ont eu de meilleures habitudes de vie et qu'elles arrivent en meilleure santé à 60 ans. Mais peut-être aussi que les collectivités et les hôpitaux ont fait des progrès dans la gestion des fins de carrières et l'adaptation des postes pour les personnes qui commencent à fatiguer", ont pointé les auteurs de l'étude, Pierrick Joubert et Gabin Langevin, lors d'une conférence de presse. Leurs travaux ne permettent pas de trancher entre ces différentes explications.