Retraites - Départ anticipé des parents de trois enfants : la nouvelle instruction ministérielle lève-t-elle tous les doutes ?

Une nouvelle instruction ministérielle vient d'opérer un revirement sur une question qui sème la confusion au sein de la fonction publique : le mode de détermination de la date d'ouverture du droit au départ anticipé des agents parents de trois enfants. Suffira-t-elle à faire taire les divergences d'interprétation ?


Dans sa rédaction antérieure au 31 décembre 2004, l'article L.24 du Code des pensions civiles et militaires réservait aux seuls fonctionnaires de sexe féminin ayant élevé trois enfants une pension de retraite à jouissance immédiate. Ces dispositions ayant été jugées contraires au principe d'égalité hommes-femmes posé par le traité instituant la communauté européenne, la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 a étendu le bénéfice de la retraite anticipée aux pères de trois enfants.
Toutefois, afin de réduire le nombre de personnes concernées, cette loi a subordonné le bénéfice de la pension immédiate à l'interruption de l'activité pour élever chaque enfant. Elle a aussi, afin de limiter les contentieux qui s'étaient multipliés, fait rétroagir la nouvelle règle aux demandes qui avaient été présentées avant son entrée en vigueur et n'avaient pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée. Enfin, la loi a renvoyé à un décret le soin de définir les conditions de son application (décret du 10 mai 2005).
S'est alors posée la question du caractère légal ou non de la rétroactivité de la loi. Saisi pour avis, le Conseil d'Etat a, le 27 mai 2005, considéré que, pour toutes les décisions prises à compter du 12 mai 2005, l'administration pouvait se fonder sur les nouvelles dispositions.
Des problèmes d'interprétation ont toutefois continué à se poser au sein des administrations, certaines souhaitant faire bénéficier des nouvelles règles leurs agents qui remplissaient les conditions nécessaires avant 2005.
Une lettre commune de la direction du budget et de la direction générale de l'administration et de la fonction publique du 21 mars 2006 est venue préciser que pour les parents de trois enfants, la date d'ouverture des droits à pension ne pouvait être antérieure à 2005, date d'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation. Cette spécification était cependant très désavantageuse pour les parents qui remplissaient les conditions ouvrant droit à la liquidation immédiate de leur retraite avant 2005.
Une nouvelle instruction ministérielle, datée de novembre 2006 vient d'annuler celle du 21 mars 2006. En principe donc, en vertu de ce nouveau document adressé aux caisses de retraites (dont la CNRACL), désormais, la date d'ouverture des droits à la retraite des parents de trois enfants est l'année où l'intéressé a matériellement rempli les conditions, et non l'année d'entrée en vigueur de la loi.
Par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, présenté le 13 novembre 2006 par Claude Domeizel, certains sénateurs ont souhaité entériner cette nouvelle version des faits et mettre ainsi enfin un terme aux "interprétations divergentes" qui subsistent selon eux malgré la nouvelle instruction. Il s'agissait donc de faire inscrire dans la loi que l'année au cours de laquelle sont réunies les conditions pour le départ anticipé à la retraite des parents ayant élevé trois enfants peut être antérieure à 2005.
Cet amendement a toutefois été retiré, entre autres à la demande du gouvernement qui estimait qu'une telle disposition relève nécessairement d'une loi de finances. Toutes les incertitudes ne sont donc pas vraiment levées...

Céline Rojano, Cabinet de Castelnau / Claire Mallet

 

Références :
- Article L.24 du Code des pensions civiles et militaires
- CJCE 29 novembre 2001, n° C-366/99, Griesmar
- Décret n°2005-449 du 10 mai 2005, pris pour l'application de l'article 136 de la loi de finances rectificative pour 2004 (loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004) et modifiant le Code des pensions civiles et militaires de retraite, JO du 11 mai 2005
- CE, avis, 27 mai 2005, Provins, n°277975
- Amendement n°228 au projet de loi portant Financement de la Sécurité sociale pour 2007

 

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis