Déménagements : les départs de Paris s'essoufflent du fait de la crise du logement
Loin d'une "fuite massive" d'Ile-de-France, la pandémie a surtout accéléré la concrétisation de projets de familles qui auraient sans doute quitté la région à plus long terme. C'est ce qui ressort d'une note de l'Institut Paris Région. Le phénomène observé en 2021 tend à s'estomper avec l'envolée du coût du crédit immobilier.
Une crise chassant l'autre, les effets de la crise sanitaire sur les déménagements au départ de Paris tendent à s'essouffler, du fait de la crise du logement… C'est en résumé la conclusion d'une note de l'Institut Paris Région qui a compulsé les données de réexpédition de La Poste. Nouvelle pierre à l'édifice des nombreuses études qui ont cherché à évaluer la réalité derrière un possible "exode urbain".
Marqué par les périodes de confinements, le premier semestre 2020 a empêché les déménagements. Mais ceux-ci sont repartis de plus belle au second semestre. Au quatrième trimestre, ils ont augmenté de près d'un quart par rapport à l'avant-crise. La tendance se poursuit en 2021 : ils augmentent de 17% par rapport à 2018 et 2019. Sur la période 2020-2021, les déménagements ont ainsi progressé de 8% par rapport à la période 2018-2019. Mais comment se sont-ils répartis ? L'idée d'un exode inversé vers les campagnes est un "mythe", tranchent les auteurs de cette nouvelle note, rappelant qu'un déménagement en dehors de la région sur dix s'est fait dans une commune rurale. Ce qui n'enlève rien au regain d'attractivité que connaissent les campagnes et les villes moyennes. Ce sont elles qui ont connu la plus forte progression d'arrivées de Franciliens, la pandémie ayant pu réveiller chez certains "des envies d'ailleurs". Les espaces ruraux ont enregistré une progression des arrivées de 17% en 2020-2021. Et de près d'un quart pour les seules arrivées de Parisiens. Seulement ces territoires partent de plus loin et le phénomène ne crée pas de bouleversement, plutôt un léger rééquilibrage par rapport à d'autres destinations, notamment les grandes aires urbaines et les espaces périurbains. Dans les aires de moins de 50.000 habitants les arrivées progressent de 12% (contre 9% vers celles comptant 50.000 à 700.000 habitants) mais leur part dans les départs ne passe que de 15 à 16% en 2021.
Succès de la maison individuelle
Les dynamiques observées pendant la pandémie confortent celles qui préexistaient, précise la note, notamment au profit des aires d’attraction des villes petites et moyennes situées dans un quart nord-ouest de la France, ainsi que sur une partie du littoral atlantique et méditerranéen. Mais elles touchent à présent un territoire plus large, débordant sur toute la moitié sud.
En comparaison toutefois, les très grandes aires – mieux dotées en équipements et en emplois - concentrent un quart des arrivées mais elles sont moins dynamiques. Parmi elles, seules Rennes, Marseille, Grenoble, Montpellier et Lille enregistrent une augmentation.
Dans les aires d'attraction des villes, les couronnes (le "périurbain") connaissent une dynamique plus forte que les pôles (+10% d'arrivées contre +5%), traduisant là encore une préférence pour le résidentiel. Même si les pôles concentrent toujours plus de la moitié des déménagements (53%), avec une légère diminution par rapport à la période de pré-pandémie (54%).
"L’aspiration à vivre dans une maison individuelle avec jardin n’est pas nouvelle, mais elle s’est confirmée, voire exacerbée, durant la pandémie", en concluent les auteurs.
Accélération de projets anciens
Les pôles urbains restent cependant la destination privilégiée des déménagements (53%). Et beaucoup de Franciliens ont fait le choix de quitter la région tout en conservant leur emploi, la part d'actifs en télétravail étant passée de 20 à 43% entre 2020 et 2022. Ainsi, les départs vers la couronne de l’aire d’attraction de Paris située hors Île-de-France augmentent de 6%. Ces communes périphériques captent 7% des départs franciliens. D'autres font le choix de devenir des "navetteurs" oscillant entre Paris et des communes plus éloignées encore, grâce au réseau ferré, notamment au nord et à l'ouest de la région : Epernay, La Ferté-Bernard, Arras, Vendôme, Blois ou Châtellerault. Voire Orléans, Poitiers, Tours et même Rennes.
Voilà pour le tableau général des effets "post-covid". Seulement, cette augmentation des départs s'érode depuis début 2022. Elle n'est plus que de 5% sur l'ensemble de l'année 2022, loin des niveaux enregistrés en 2020 et 2021. Les aspirations à quitter la région restent fortes mais "tout porte à croire que l'évolution de la conjoncture immobilière va se traduire par une forte baisse de la mobilité résidentielle", avec des taux d'intérêt à 20 ans qui ont doublé en un an. Ces tensions se répercutent sur le marché de la location, ce qui pénalise notamment les jeunes en quête d'un premier logement. "Loin d'un désamour pour l'Ile-de-France, ces résultats indiquent que les départs de la région ne devraient pas, plus tard, se maintenir au niveau élevé de 2021", estiment les auteurs. La pandémie a donc surtout accéléré la concrétisation de projets de familles qui auraient sans doute quitté la région à plus long terme.