Démarrage à la peine pour le RER strasbourgeois
Retards, annulations, manque de communication... le premier RER hors Île-de-France connaît un démarrage difficile depuis son lancement le 11 décembre autour de Strasbourg.
Le Réseau express métropolitain européen (Reme) mis en place autour de Strasbourg ce 11 décembre (voir notre article) prévoyait 800 trains supplémentaires par semaine dès le mois de décembre, des amplitudes horaires élargies de 5h à 23h, un cadencement important, ainsi qu'une fréquence maintenue le week-end. Mais plus d'un mois après son lancement, seuls 400 trains supplémentaires relient les 95 gares concernées.
"La mise en service est chaotique", dénonçait dès le 23 décembre la CGT. Plus d'une cinquantaine de trains étaient supprimés chaque jour, selon les chiffres consultés par la Fédération nationale des associations d'usagers des transports dans le Grand Est (Fnaut). Un désordre tel qu'après une semaine, la SNCF a mis en place un "plan de transport adapté" jusqu'à fin décembre, en clair une réduction du nombre de trains qui a été prolongée jusqu'au 3 février. L'objectif de passer de 2.979 TER par semaine dans le Bas-Rhin à 4.116 d'ici août 2023 paraît désormais lointain.
Mécontentement des usagers
"C'est, plus que tout, une charge mentale supplémentaire", témoigne à l'AFP Emeline Adrian, usagère qui habite Lutzelhouse, à l'ouest de Strasbourg. La fonctionnaire, mère de deux enfants, rencontre des difficultés depuis le lancement du réseau express alsacien. "Avant, j'avais quatre trains qui me permettaient d'arriver à 9h à Strasbourg. Aujourd'hui, je n'en ai plus que deux", déplore-t-elle. Une situation qui la contraint à reprendre la voiture, "alors que la ZFE (zone à faibles émissions) vient d'être mise en place. Entre l'abonnement SNCF et le prix de l'essence, mes frais ont considérablement augmenté".
Emeline Adrian a rejoint un groupe Facebook, "TER Grand Est : le ras le bol des usagers". Fort de 1.200 membres, le groupe permet d'échanger des informations sur les retards et les suppressions de trains. Sa fondatrice, Vanessa Mikuczanis, habite Soultz-sous-Forêts, au nord de Strasbourg. Cette secrétaire dans une association a dû "changer (ses) horaires de travail". Début janvier, elle a lancé une pétition qui a recueilli plus de 2.600 signatures. "Nous demandons le remboursement total des abonnements" de décembre et janvier. "Au point où nous en sommes, nous préférons même un retour aux cadencements et horaires avant le réseau express", ajoute-t-elle.
En réaction, la SNCF a annoncé le 13 janvier "la prise en charge de 50% des abonnements Reme pour trois mois", de février à avril. La société de transport souhaite également mettre en vente "1.500.000 billets à petits prix, pour les usagers occasionnels".
Des dispositions jugées "insuffisantes" par François Giordani, président de la Fnaut Grand Est. "Les usagers ont déjà payé pour un service qui ne fonctionne tout simplement pas." Selon lui, "la SNCF n'a pas su s'organiser. Mais l'eurométropole de Strasbourg (EMS) et la région n'ont pas tenu compte des alertes des syndicats sur le manque de personnels et de matériels".
"Défaillances dans l'organisation"
La SNCF "a reconnu des défaillances dans l'organisation mais continue d'affirmer détenir les ressources nécessaires" pour faire fonctionner le service, rapporte Thibaud Philipps, vice-président (LR) de la région chargé des transports. "Toutes les équipes (...) sont mobilisées avec celles du gestionnaire d'infrastructure SNCF Réseau dans cette phase de rodage", a assuré dans un communiqué SNCF Voyageurs. "Le plan de transport du Reme nécessite des actions techniques pour être fiabilisé et augmenté dans les prochaines semaines et atteindre tous ses objectifs", a-t-on ajouté de même source, expliquant que "800 cheminots sont mobilisés pour (...) augmenter progressivement le nombre de trains".
Alain Jund, vice-président écologiste de l'EMS, assure qu'il n'y avait pas avant le lancement du projet "de légitimité à s'inquiéter, nous avions même eu des garanties de la part de la direction nationale de la SNCF". Région et EMS menacent désormais de "réévaluer leurs contributions" d'ici la fin de l'année. Actuellement, l'une comme l'autre paient le service du Reme 500.000 euros par mois.
Les élus ont "bien conscience d'être observés au niveau national" : Emmanuel Macron a affirmé fin novembre son ambition de développer des réseaux de RER dans les dix principales métropoles françaises, hors Paris (voir notre article du 28 novembre 2022). Le ministre chargé des transports, Clément Beaune, en déplacement dans la région ce 20 janvier, s'est quant à lui voulu rassurant, évoquant "des problèmes de démarrage".