Décentralisation : Emmanuel Macron confie une mission à Éric Woerth
Le chef de l'État poursuit ses "rencontres de Saint-Denis" avec un deuxième rendez-vous donné le 17 novembre. Dans un courrier adressé aux chefs des partis politiques, il indique vouloir poursuivre les travaux sur la décentralisation et a confié une mission en ce sens au député Éric Woerth.
La suite des "rencontres de Saint-Denis" : comme annoncé, Emmanuel Macron a écrit aux différents chefs des partis politiques pour les convier à une nouvelle réunion le 17 novembre et pour leur proposer d'élargir le champ du référendum aux "questions de société". "Notre responsabilité est de dépasser nos clivages dans l'intérêt du pays", écrit le président de la République dans cette missive écrite vendredi et reçue dimanche soir par les chefs des partis représentés à l'Assemblée. Dans ce texte, le président de la République évoque plusieurs sujets en mettant l'accent sur l'institutionnel pour cette nouvelle rencontre, après celle qui avait duré 12 heures le 30 août.
Dans le sillage de cette dernière rencontre marathon, "j'ai souhaité confier une mission relative à la décentralisation à l'ancien ministre et député Éric Woerth afin de formuler des pistes de réformes qui pourraient répondre aux objectifs partagés ensemble (simplifier, clarifier, rendre plus efficace et restaurer la confiance de nos concitoyens)", écrit le président.
Parmi les pistes de réflexion demandées au député, celle de la simplification de l'organisation territoriale "en vue de réduire le nombre de strates décentralisées aujourd'hui trop nombreuses et de mieux les articuler entre elles". Ce qui pourra "passer par des solutions différenciées selon les territoires", notamment qu'ils soient ruraux ou urbains.
Si le chef de l'État met en avant le cas de "la Corse, la Nouvelle-Calédonie et plus globalement les outre-mer", "au-delà de ces territoires, des évolutions plus générales pourraient apparaître souhaitables, dans une logique de plus grande différenciation", écrit-il. Rien de très neuf donc par rapport au "relevé de conclusions" qu'il avait adressé aux participants du 30 août (voir notre article).
Le député de l'Oise et questeur de l'Assemblée nationale, ancien ministre sous Nicolas Sarkozy, ne fait pas vraiment partie des élus habituels sur les questions de décentralisation. Il a toutefois été maire pendant plus de vingt ans (Chantilly), et fut en charge de la réforme de l'État (d'abord comme secrétaire d'État, puis comme ministre côté Bercy dans le même portefeuille que le Budget) avant de passer au Travail en 2010. Il publiait en août dernier une tribune dans le JDD afin de plaider pour "une nouvelle répartition du pouvoir entre l’État central et les collectivités territoriales".
Rencontres de Saint-Denis et convention nationale, même combat ?
Quelle articulation entre les rencontres de Saint-Denis et la démarche que la ministre déléguée chargée des collectivités, Dominique Faure, lance ce mardi 7 novembre avec la "convention nationale de la démocratie locale" ? (voir notre article de ce jour). "Les rencontres de Saint-Denis ont surtout vocation à traiter la question de l'organisation territoriale, donc la question institutionnelle en tant que telle. Cette question-là n'est pas traitée par la convention nationale de la démocratie locale, qui elle est vraiment sur les conditions d'exercice des mandats locaux, donc il n'y a pas d'ambiguïté ou de difficulté d'articulation entre les deux exercices", explique son entourage.
Une certaine perméabilité est toutefois envisagée dans la mesure où Emmanuel Macron se serait "à plusieurs reprises" dit soucieux de "trouver des solutions sur les questions de statut de l'élu". En outre "de la même façon que la convention va nourrir le travail parlementaire, la convention va nourrir le travail que le président de la République fait à son niveau avec l'ensemble des parties prenantes aux rencontres de Saint-Denis", indique-t-on de même source. L'idée étant de "livrer le résultat brut de la convention nationale de la démocratie locale au président pour qu'il puisse l'utiliser comme il le souhaitera dans le cadre de son travail sur Saint-Denis".
Le RIP toujours au programme
Le sujet de la décentralisation n'est pas, loin de là, le seul sujet abordé dans le courrier du chef de l'État. "Nos réflexions sur les pistes d'évolution du référendum devront également être poursuivies", écrit-il par ailleurs, avant de préciser : "Il s'agirait à la fois de saisir des projets de loi relevant de questions dites 'sociétales' comme la fin de vie parfois évoquée, mais également de réformes plus larges touchant plusieurs aspects intriqués entre eux, comme c'est le cas des questions migratoires qui relèvent de sujets régaliens, économiques, sociaux ou même diplomatiques". Cela impliquerait de modifier la Constitution à son article 11 qui évoluerait en profondeur.
Emmanuel Macron propose également d'abaisser à un million d'électeurs, contre près de 5 millions actuellement, le seuil pour permettre l'organisation d'un référendum d'initiative partagée (RIP). Dans la même veine, il suggère d'abaisser le nombre de parlementaires requis (93 contre 185) et de "donner aussi aux citoyens la possibilité de prendre l'initiative" de ce RIP, "alors qu'aujourd'hui seuls les parlementaires peuvent lancer la procédure". Introduit dans une réforme constitutionnelle en 2008, aucun RIP n'a pour l'heure abouti, tant les critères sont complexes.
Reste maintenant à savoir si tous les chefs de partis répondront favorablement à l'invitation présidentielle. Après la rencontre de la fin août, plusieurs d'entre eux, notamment à gauche, avaient laissé planer le doute sur une éventuelle future participation, déçus par cette première rencontre. "Opposés à la monarchie présidentielle, nous considérons au contraire que les débats politiques indispensables pour faire face aux crises qui frappent notre pays doivent avoir lieu dans les Assemblées parlementaires", avait ainsi écrit le coordinateur de LFI Manuel Bompard. "Les questions environnementales et de justice sociale ne sont toujours pas à l'ordre du jour. C'est assez hallucinant en vrai #Déconnexion", a réagi sur Twitter dimanche soir la patronne d'EELV, Marine Tondelier. Tout comme Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, a déclaré sur Public Sénat regretter que la tenue des "référendums que propose la gauche, sur les superprofits ou la réforme des retraites" soit jugée "impossible" par le chef de l'État et évoque une "mascarade", ajoutant : "Je ne suis pas là pour tenir la chandelle."