Remaniement - De nouveaux protagonistes face aux collectivités

Le chef de l'Etat a réuni ce 19 mars son gouvernement étoffé. Parmi les six nouveaux venus, Alain Marleix, spécifiquement en charge des collectivités locales. L'aménagement du territoire, le numérique, la famille et le Grand Paris donnent aussi lieu à des portefeuilles dédiés.

Le chef de l'Etat a réuni ce mercredi 19 mars en Conseil des ministres son gouvernement étoffé issu du remaniement dévoilé la veille peu avant 20 heures. Au lendemain de leur nomination, les six nouveaux de l'équipe gouvernementale, qui compte désormais trente-huit membres, ont été immédiatement plongés dans le vif du sujet, se voyant d'emblée présenter leurs objectifs pour les prochains mois. Avec, en tête de gondole, quatre priorités : "remettre le travail au coeur des politiques publiques", "renforcer la compétitivité de notre économie" (avec le dépôt dès avril du projet de loi pour la modernisation de l'économie), "continuer à gérer avec sérieux les finances du pays" et "concilier solidarité et responsabilité en matière de retraites, de prise en charge de la dépendance et de santé". Après avoir énuméré les réformes déjà appliquées (loi Tepa - travail, emploi, pouvoir d'achat -, service minimum dans les transports, régimes spéciaux de retraite, carte judiciaire...), le président a également rappelé celles en cours, notamment la réforme du droit du travail, le plan banlieue, la fusion Unedic-ANPE et la réforme de l'Etat.
Outre la nomination de six nouveaux secrétaires d'Etat, le miniremaniement entraîne, pour douze ministres, un changement de portefeuille ou l'élargissement des attributions.  Une dizaine de nouveaux domaines apparaissent ainsi dans les intitulés ministériels : énergie, développement solidaire (à la place du codéveloppement), PME (à la place des entreprises), services, artisanat, industrie, vie associative, famille, développement de l'économie numérique, aménagement du territoire (au lieu d'aménagement durable), développement de la région capitale. Les nouveaux décrets d'attribution sont prévus pour "les jours à venir".

Un interlocuteur dédié pour les collectivités

Du côté des nominations, on retiendra évidemment surtout l'apparition d'un secrétaire d'Etat en charge des collectivités territoriales - un protagoniste dont les représentants des élus locaux étaient privés depuis l'élection présidentielle et la formation du premier gouvernement Fillon... autrement dit depuis que Brice Hortefeux, ex-ministre délégué aux Collectivités du gouvernement Villepin, a quitté la place Beauvau. Certains avaient regretté cette absence d'interlocuteur dédié, qui ne leur facilitait pas toujours le dialogue quotidien avec le gouvernement, la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, étant de facto fort occupée par ailleurs. Le directeur général des Collectivités locales, Edward Jossa, était d'ailleurs semble-t-il de ce fait plus sollicité que ses prédécesseurs pour être en première ligne, par exemple en tant qu'orateur aux congrès et autres temps forts des associations d'élus.
Ce nouveau secrétariat d'Etat à l'Intérieur et aux Collectivités territoriales revient à Alain Marleix, 62 ans, connu pour être l'un des meilleurs connaisseurs des questions électorales à l'UMP - et pour avoir à ce titre joué un rôle capital dans les investitures en vue des dernières municipales. Déjà membre du gouvernement Fillon II en tant que secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, il devrait notamment, dit-on, piloter le redécoupage électoral, attendu depuis des années. Député du Cantal depuis 1993 et conseiller général depuis 1988, Alain Marleix a été secrétaire national du RPR chargé des fédérations puis des élections de 1976 à 1988 et proche collaborateur de Charles Pasqua au ministère de l'Intérieur (1986-1988). Il a, enfin, été réélu dès le premier tour des cantonales de 2007 (canton de Massiac, Cantal).

Un superministère DD

Avec le remaniement de mardi, Jean-Louis Borloo a été confirmé en qualité de ministre d'Etat et son ministère s'appelle désormais "ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire". "Ce ministère d'Etat, il a maintenant sa vraie puissance (...). L'énergie, qui est le sujet du siècle, est maintenant dans le titre du ministère. C'est l'affirmation en clair que la tutelle de l'énergie est ici. Cela l'était déjà implicitement, cela l'est maintenant explicitement", a expliqué mercredi Jean-Louis Borloo. Il s'est par ailleurs félicité du renforcement de l'arrivée de deux nouveaux secrétaires d'Etat, Hubert Falco, chargé de l'Aménagement du territoire, et Christian Blanc, chargé du Développement de la région capitale (le "Grand Paris"). Avec Dominique Bussereau qui reste aux Transports et Nathalie Kosciusko-Morizet à l'Ecologie, ce sont donc quatre secrétaires d'Etat qui travailleront à ses côtés.
Rarement sous la Ve République, un ministre d'Etat aura eu autant d'attributions, de directions d'administration et de secrétaires d'Etat placés près de lui, a commenté Arnaud Gossement, porte-parole de la Fédération France nature environnement qui représente 3.000 associations en France. "On ne peut que se féliciter de voir que le numéro deux du gouvernement et seul ministre d'Etat soit celui du Développement durable dans une acception assez large", a-t-il estimé.

Aménager le territoire, l'hôpital et le Grand Paris...

Nouveau secrétaire d'Etat à l'Aménagement du territoire, le sénateur-maire de Toulon, Hubert Falco, l'un des rares maires UMP d'une grande ville réélu dès le premier tour, devra tirer les leçons des échecs de la réforme de la carte judiciaire pour conduire un autre gros chantier : la refonte de la carte hospitalière. Il s'appuiera entre autres sur les travaux de l'ancien ministre délégué au Travail, Gérard Larcher, qui doit remettre dans les prochains jours son rapport préparatoire sur les "missions de l'hôpital". Le projet de loi devrait être ensuite déposé avant l'été. Alors que le gouvernement s'est engagé à ce qu'il n'y ait pas de fermeture d'hôpitaux, l'une des mesures évoquées serait de créer des "établissements de territoire" regroupant plusieurs entités, un peu sur le modèle des intercommunalités. Reste à savoir comment l'intervention d'Hubert Falco sur ce dossier s'articulera avec celle de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot.
Autre rendez-vous : le Grand Paris... ou plutôt la "région capitale". En prenant ce dossier cher au président de la République, Christian Blanc a insisté sur cet intitulé, l'idée étant de créer une structure de coopération intercommunale entre Paris et sa banlieue. Ses atouts : il connaît la région pour avoir été patron de la RATP, préfet de Seine-et-Marne et député des Yvelines. Mais il aura fort à faire avec le maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui défend son propre projet de Paris métropole, ainsi qu'avec le président de la région, Jean-Paul Huchon, qui n'entend pas rester en retrait. Et pour compliquer le scénario : le schéma directeur d'Ile-de-France (Sdrif) qui fixe les orientations de la région pour les vingt prochaines années est sur le point d'être adopté, après des mois d'âpres discussions.

Outre-mer, la loi-programme en ligne de mire

Christian Estrosi, qui a remporté la mairie de Nice, cède sa place à Yves Jégo au secrétariat d'Etat à l'Outre-mer. A 46 ans, le député-maire de Montereau-Fault-Yonne a affiché sa "volonté de poursuivre le travail engagé depuis plusieurs mois" par son prédécesseur. Il devra notamment s'atteler à mener à bien le projet de loi-programme sur l'Outre-mer. Annoncé depuis l'été 2007, ce texte en cours de finalisation prévoit notamment la création de zones franches globales d'activité dans les quatre départements concernés (Guyane, Martinique, Guadeloupe et Réunion) avec des taux d'exonération fiscale sur la taxe professionnelle et la taxe foncière. Mais le projet ne fait pas l'unanimité dans les territoires ultramarins. Si la nomination d'Yves Jégo a été accueillie favorablement par Victorin Lurel, député PS et président du conseil régional de la Guadeloupe, celui-ci s'est dit "impatient de rencontrer le nouveau secrétaire d'Etat afin de lui demander instamment de remettre à plat l'avant-projet de loi-programme pour l'Outre-mer". Le député a souligné en effet que "la grande majorité des dispositions de cet avant-projet suscitent aujourd'hui méfiance, scepticisme, voire hostilité dans les territoires ultramarins, en particulier dans les milieux socioprofessionnels".

Un secrétariat d'Etat à l'Economie numérique

Le portefeuille de l'économie numérique fait donc son apparition. Promis par Nicolas Sarkozy pendant sa campagne électorale, demandé par les associations professionnelles et inscrit dans la proposition 63 du rapport Attali, ce poste est confié à Eric Besson, déjà ministre en charge de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques. Ce dernier aura pour mission d'orchestrer les deux objectifs présidentiels de "porter en deux ans à 70% la part des ménages français équipés d'un ordinateur et donner accès, pour tous, au haut débit fixe et mobile avant 2012" (sommet franco-allemand des technologies de l'information et de la communication à Hanovre, le 3 mars). Comme pour ses homologues, il faudra attendre la lettre de mission du nouveau secrétariat d'Etat pour connaître l'étendue réelle de ses prérogatives. Comme le note la commission Attali, "on dénombre plus d'une douzaine de structures à vocation transverse compétentes et plus d'une centaine d'organismes ayant une compétence spécifique". Le secrétaire d'Etat traitera sans doute de la couverture du territoire en fibre optique et de l'utilisation du dividende numérique, mais qu'en sera-t-il de l'administration électronique, actuellement rattachée au ministère de l'Economie ? Les régions, départements et communes seront également attentifs au développement des pôles de compétitivité, à la généralisation des espaces numériques de travail dans les écoles ou au maintien des espaces publics numériques sur le territoire.

La famille n'est plus orpheline

La famille retrouve un secrétariat d'Etat qui lui est directement consacré, avec la nomination de Nadine Morano auprès du ministre Xavier Bertrand, dont l'intitulé du portefeuille inclut désormais officiellement la famille.
Cette nomination devrait notamment satisfaire les associations familiales qui, telle l'Unaf, avaient fortement critiqué, lors de la formation du précédent gouvernement, l'absence de ministère entièrement consacré à la famille. Xavier Bertrand avait à l'époque précisé qu'il prendrait directement en charge le dossier de la famille, sa secrétaire d'Etat Valérie Létard étant responsable des dossiers des handicapés et des personnes âgées.
Déjà, mardi soir, la Caisse nationale des allocations familiales s'est félicitée dans un communiqué de cette nomination qui "traduit concrètement la volonté du gouvernement d'accompagner l'action de la branche famille de la Sécurité sociale". Nadine Morano aura pour tâche de préparer le projet de loi sur le droit opposable à la garde d'enfant, annoncé pour 2009 et devant être réalisé à l'horizon 2012. Elle a d'ores et déjà déclaré qu'il s'agira "d'avoir un service public adapté et que chacun puisse avoir (...) un moyen de faire garder ses enfants". A ses yeux, son secrétariat d'Etat est "très transversal parce que la famille, ça touche aussi tout ce qui concerne l'école, la sécurité, la justice et donc il y a beaucoup de travail interministériel à faire".

 

La rédaction

 

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