De l’urgence à la relance : l’Etat et les régions dans un contre-la-montre
S’il a beaucoup été question du couple "maire-préfet" dans cette crise, l’Etat et les régions n’ont pas moins démérité pour ce qui est du secours aux entreprises. A présent, ils devront relever ensemble le défi de la relance. C'est le sens de l'accord conclu le 30 juillet. Le plan du gouvernement sera présenté le 25 août.
Edouard Philippe aura été le Premier ministre de l’urgence. Son successeur Jean Castex devra s’atteler à la relance. Exercice non moins délicat qui sera conduit en étroite collaboration avec l’Europe et les régions, en première ligne depuis le début de la crise et la création d’une cellule économique Etat-régions-Bpifrance, puis l’annonce du plan d’urgence économique de Bruno Le Maire le 17 mars.
Le président de la République avait demandé de soutenir les entreprises "quoi qu’il en coûte" : trois lois de finances rectificatives (LFR) auront été nécessaires pour financer ces dispositifs d’urgence, notamment les prêts garantis de l’Etat, l’indemnisation du chômage partiel et le fonds de solidarité "anti-faillite", cogéré avec les régions.
Ce fonds de solidarité a été adapté à plusieurs reprises au cours de la crise. Au total, il aura vu ses crédits portés à 8 milliards d’euros pour soutenir les TPE, les indépendants, les micro-entrepreneurs et les professions libérales privés d’activités pendant la crise. Sans compter la contribution de 500 millions d’euros des régions et celle de 400 millions des compagnies d’assurance. Il reposait initialement sur deux étages - une aide maximale de 1.500 euros et une aide supplémentaire et sous condition financée par les régions se montant entre 2.000 et 5.000 euros (10.000 pour certains secteurs prioritaires) -, avant qu’un volet territorial lui soit ajouté. Les demandes pour les pertes des mois de mars, avril et mai devaient être déposées avant le 31 juillet 2020. Mais le dispositif n’est pas épuisé.
Le fonds de solidarité maintenu jusqu'à la fin de l'année pour le tourisme
Le fonds a en effet été prolongé tous secteurs condondus pour les pertes du mois de juin par décret publié le 17 juillet. Les conditions ont été assouplies : il n’est plus nécessaire d’avoir essuyé un refus de prêt pour être éligible au second volet. La date limite pour déposer le dossier est fixée au 31 août s’agissant du premier volet et au 15 septembre pour le second.
Par ailleurs, le fonds a été maintenu jusqu’au 31 décembre 2020 pour les entreprises du tourisme, de l'événementiel, du sport et de la culture. De plus, le fonds a été renforcé pour les entreprises du "monde de la nuit" comme les discothèques - les établissements classés "p" (salles de danse et de jeux) - toujours maintenues fermées. Pour elles – et elles seules - le volet 2 est porté à 45.000 euros, avec des critères assouplis. Elles bénéficieront également de l’indemnisation de 100% de l’activité partielle jusqu’à fin septembre.
Mais ce n’est pas tout. Un troisième volet territorial a été créé pour répondre aux velléités des autres niveaux de collectivités, notamment les intercommunalités et les départements, et intervenir pour sauver leur tissu économique. Le gouvernement est dans un premier temps intervenu pour rappeler les règles de la loi Notre, puis en créant ce volet territorial. Ainsi, dans les territoires où la collectivité, l’intercommunalité ou le département ont décidé d’abonder le fonds, l’entreprise peut recevoir une aide supplémentaire échelonnée entre 500 et 3.000 euros. Son montant est défini par la collectivité contributrice.
A noter, qu’à côté du fonds de solidarité, les régions ont également créé de leur côté leurs propres fonds, baptisés "rebond", "résistance" ou encore "résilience", en partenariat avec la Banque des Territoires et les autres collectivités, afin d’apporter une aide complémentaire, le plus souvent sous forme d’avances remboursables. Ces fonds régionaux sont souvent ciblés sur l’économie sociale et solidaire.
Ce dispositif "anti-faillite" a été complété par des plans sectoriels financés dans le cadre de la LFR 3 pour un montant d’environ 45 milliards d’euros : automobile (8 milliards d’euros), aéronautique (15 milliards d’euros), tourisme (18 milliards d’euros), entreprises technologiques (1,2 milliard d’euros), secteur du livre (1,3 milliard d’euros), commerce et l’artisanat (900 millions d'euros) et BTP.
Le gouvernement a également pris des mesures pour assouplir temporairement les règles des marchés publics applicables aux travaux publics et à la fourniture de denrées alimentaires, avec un décret du 22 juillet.
Le plan de relance présenté le 25 août
Comme on pouvait s’y attendre, si ces dispositifs ont souvent permis aux entreprises de faire le dos rond en attendant la reprise, ils n’ont parfois permis que de retarder la culbute. Et le ministre Bruno Le Maire n’a jamais caché ses craintes de voir les faillites se multiplier et le chômage exploser à la rentrée. Affectée par un confinement strict (mise à l’arrêt des chaînes de production, chute de la consommation…), l’économie française reste l’une des plus touchées en Europe, avec un PIB en chute de 13,87% au second trimestre 2020, après une baisse de 5,9% au premier trimestre, d’après les données de l’Insee publiées le 31 juillet. Soit la récession la plus forte jamais enregistrée depuis l’après-guerre. Autre signal inquiétant : les exportations ont chuté plus fortement que les importations au second semestre (-25% contre -17%). "Nous allons nous battre pour faire mieux que les -11% (de récession)" prévus pour l'ensemble de l'année, a réagi le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire, en commentant ces chiffres.
Ce sera tout l’enjeu du plan de relance qui sera finalement présenté le 25 août en conseil des ministres (et non le 24 comme prévu initialement). Le Parlement s’en saisira à l’automne dans le cadre du projet de loi de finances 2021.
Ce plan comprendra notamment 30 milliards d’euros pour la transition écologique et 40 milliards pour l’industrie. Même si une bonne part de ces crédits se recoupent. 20 milliards d’euros seront investis dans les compétences et autant dans les solidarités. La redynamisation des centres-villes devrait également y occuper une bonne place, dans la droite ligne du plan de soutien au commerce annoncé le 29 juin, en lien avec la Banque des Territoires (avec la création de 100 foncières partout en France). A noter que le programme Petites villes de demain, annoncé initialement pour le mois de juillet, n’a toujours pas vu le jour.
"Révolution partenariale"
Le plan de relance recevra par ailleurs 40 milliards en provenance de l’Europe, soit la part dévolue à la France des 312 milliards d’euros de subventions de la nouvelle Facilité européenne pour la reprise et la résilience (instrument du plan de relance européen).
La relance est bien un édifice à trois étages : le plan de relance européen, le plan national et les plans régionaux. Tout n’est pas encore calé mais le mois de juillet a vu de grandes avancées avec l’accord européen du 21 juillet arraché après un sommet marathon de 4 jours et, une semaine plus tard, l’accord entre l’Etat et les régions qui étaient en discussion depuis plusieurs mois. Les régions ont d’ailleurs demandé à pouvoir gérer elles-mêmes une partie des crédits du plan européen. Cet accord Etat-région du 30 juillet, qualifié de "révolution partenariale" par le président de Régions de France, Renaud Muselier, comporte un volet financier (avec le remplacement de la CVAE-régions par une part de TVA et une compensation de 600 millions d’euros pour les pertes de recettes de l’année) et un volet relance qui s’appuiera dans les territoires sur la nouvelle génération de contrats de plan Etat-région. Les régions ont décidé de porter leur contribution à 20 milliards d’euros pour les sept prochaines années.