De la pénurie de masques à la production de masse… ou presque
Lors d'une visioconférence organisée le 26 avril 2020, Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances, a fait le point sur le sujet polémique des masques. 50 millions de masques sanitaires devraient être produits en France d'ici octobre 2020, et 38 millions de masques "grand public" seront disponibles chaque semaine à partir du 11 mai pour équiper les citoyens qui le souhaitent. Des zones d'ombres persistent toutefois sur le prix des masques, le nombre qu'il sera possible d'acheter, et leur éventuelle gratuité dans certains lieux comme l'école.
"L'objectif est que chaque Français qui le souhaite puisse se procurer un masque." Lors d'une conférence de presse organisée le 27 avril 2020, Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances, a fait le point sur les capacités de production de masques de la France et sur les objectifs de distribution, à deux semaines du début du déconfinement.
Depuis le début de l'arrivée du coronavirus en France, le sujet fait l'objet de nombreuses polémiques. Face à une pénurie importante (un stock d'Etat de 117 millions qui avait atteint auparavant jusqu'à un milliard), le gouvernement a d'abord argué le manque d'utilité des masques pour se protéger et pour éviter de contaminer les autres. Il a ensuite procédé à la réquisition de tous les masques importés afin de les réserver au personnel soignant, et a enfin travaillé sur l'augmentation des capacités de production. Les avis scientifiques l'ont pressé d'agir sur le sujet : le conseil scientifique vient de rendre son avis sur le déconfinement, préconisant notamment le port du masque systématique dans les lieux publics, transports, collèges et lycées compris, en plus du respect des gestes barrières.
38 millions de masques disponibles par semaine au moment du déconfinement
Concernant les masques sanitaires (FFP2 et masques chirurgicaux) destinés aux professionnels de santé et aux professions réglementées, un objectif d'indépendance a été fixé par le président de la République. Dans cette optique, une filière industrielle de production est en cours de constitution, Bercy souhaitant arriver à la production de 50 millions de masques de ce type d'ici octobre 2020. Actuellement, les quatre fabricants historiques implantés en France (Kolmi, Boye, Valmy, Macopharma) sont passés de 3,5 millions de masques produits par semaine avant la crise à 10 millions en avril. D'ici fin mai, ce chiffre devrait monter à 20 millions, puis encore augmenter avec l'entrée de nouveaux acteurs dont Brocéliande, Savoy, BB Distrib, Bio Serenity, Chargeurs, pour atteindre l'indépendance souhaitée.
Afin de permettre aux particuliers de disposer eux aussi d'un masque, une nouvelle famille à usage non sanitaire a également été créée, fruit d'une démarche conduite par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), reprise pour les environnements de travail par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Objectifs : atteindre une capacité de livraison hebdomadaire de 26 millions de masques grand public d'ici fin avril, dont la moitié importée, et jusqu'à 38 millions à partir de la semaine du 11 mai 2020, date du début du déconfinement. En nombre d'usages uniques (les masques grand public pouvant être lavés plusieurs fois selon leur composition), on atteindrait 271 millions fin avril, et jusqu'à 511 millions la semaine du déconfinement.
Un logo pour reconnaître les masques "grand public"
Ces masques filtrants en tissu, le plus souvent lavables et réutilisables, sont fabriqués selon un cahier des charges précis élaboré par l'ANSM (note d'information interministérielle du 29 mars). Ils doivent permettre de filtrer les gouttelettes contenant du virus (au moins 70% à plus de 90% de filtration des particules émises d'une taille égale ou supérieure à 3 microns). Un logo "masques grand public" permettra de les reconnaître et une notice d'utilisation expliquera les modalités de mise en place du masque et son entretien.
Quant à leur production, ce sont les industriels du territoire qui ont été mobilisés. Les prototypes de 242 entreprises ont ainsi été testés et qualifiés. "A date, 390 prototypes ont passé les tests de la Direction générale de l'armement (DGA) avec succès", signale Bercy. "Nous avons fait le choix de ne pas imposer une façon unique de fabriquer ces masques afin de ne pas être dépendant d'une matière ou d'une technique", a détaillé Agnès Pannier-Runacher.
Au total, "800 entreprises se sont mobilisées sur le sujet", a également précisé Guillaume De Seynes, président du Comité stratégique de la filière (CSF) Mode et Luxe. Une plateforme "savoir faire ensemble" permettant de mettre en lien confectionneurs et fabricants de matières et de fournitures a été mise en place rapidement.
Les collectivités ont également participé à cette mobilisation, sollicitant les acteurs locaux, comme les pôles de compétitivité, les clusters, agences de développement économique et entreprises locales, pour constituer de véritables filières de production (voir notre article du 31 mars 2020). Par ailleurs, chacun peut produire un masque, selon les modèles transmis par l'Afnor. La réouverture des magasins de tissus et de matériel de couture a été décidée pour favoriser leur fabrication (décret publié le 24 avril au Journal Officiel du 24 avril).
Prix, gratuité dans les écoles, nombre limité d'achats… Des questions en suspens
La distribution ne fait toutefois que commencer : les pharmacies ont obtenu le 26 avril seulement, à travers l'arrêté du 25 avril, l'autorisation de vendre des masques. Les buralistes pourront eux aussi en vendre dès le 30 avril, mais dans un premier temps seuls les professionnels y auront accès, le déploiement pour les citoyens n'étant prévu qu'à partir du 4 mai. Les collectivités se sont elles aussi mises en capacité de distribuer des masques, comme la région Ile-de-France, qui a prévu l'achat d'un masque en tissu pour chaque abonné Navigo. D'autres canaux de distribution pourraient être encore mis en œuvre. Bercy travaille sur le sujet. En revanche, "il n'y aura pas de différenciation géographique", a assuré Agnès Pannier-Runacher.
Mais plusieurs questions restent toutefois en suspens, comme le prix des masques, son éventuel encadrement (seule la TVA fixée à 5,5% dans le second budget rectificatif est pour le moment connue), leur éventuelle gratuité dans les écoles, ou encore le nombre de masques que chaque citoyen pourra acheter, la ministre souhaitant éviter le phénomène de tension observé en début de confinement sur certaines marchandises comme les pâtes ou le riz… Quant aux masques en entreprises, ce sera aux employeurs de se fournir pour équiper leurs salariés.