Europe - Danuta Hübner : "C'était une erreur de séparer le développement rural des fonds structurels"

Dans ses nouvelles fonctions de députée, l'ancienne commissaire à la Politique régionale Danuta Hübner s'exprime librement pour Localtis sur les enjeux de la réforme de la politique de cohésion. Présidente de la commission Regi (développement régional), elle porte un jugement sans concession sur le projet de communication de la Commission qui, récemment, a beaucoup ému les régions.

Que pensez-vous de la proposition de communication de la Commission qui a été diffusée dernièrement?

Danuta Hübner : Tous les acteurs impliqués dans la politique de cohésion ont été choqués de voir que ce type de raisonnement avait pu être tenu. Mais ce document n'est pas un document officiel, il n'a pas été adopté et de ce fait n'existe pas réellement. D'une certaine manière, cette fuite a eu un effet positif puisque l'on s'est rendu compte que certaines personnes au sein de la Commission envisageaient ce genre de scénario. Ce document ne prenait pas en compte la réalité de la politique régionale ni le fait qu'elle a permis d'impliquer les communautés locales dans des actions visant à augmenter la compétitivité de l'économie européenne, ou encore de faire de l'Agenda de Lisbonne une réalité tangible pour les citoyens. N'oublions pas que la politique régionale est la politique qui contribue le plus au rapprochement entre l'Europe et ses citoyens. Il y avait cependant quelques bonnes idées dans ce document, notamment sur la simplification. Mais d'autres n'étaient de toute évidence pas dans l'intérêt de l'UE. La sectorisation par exemple. Il n'est pas possible de sectoriser les défis auxquels sont confrontées les régions européennes. Prenez le changement climatique. Il n'est pas possible de faire face aux problèmes du changement climatique avec une politique "changement climatique". Il faut impliquer le secteur de la recherche, l'industrie… Ce document représentait un scénario extrême pour l'avenir de la politique de cohésion.

 

Comment le Parlement européen va-t-il participer au débat sur l'avenir de la politique de cohésion ?

La commission Regi s'est réunie immédiatement après avoir pris connaissance de ce document. Nous avons décidé de créer un groupe au sein de la commission, rassemblant des députés de tous les partis politiques. Ce groupe de travail discutera dans les prochaines semaines de la façon dont il va participer à ce débat. Le Parlement veut être partie prenante. Cela ne signifie pas se contenter de réagir aux propositions de la Commission, mais aussi présenter ses propres propositions. En 2010, la commission Regi présentera des rapports et organisera des auditions sur l'avenir de la politique régionale. Le Parlement va également demander à la Commission de lui fournir des rapports réguliers sur ses propositions pour l'avenir de la politique de cohésion. Le Parlement devra travailler en étroite collaboration avec la Commission sur ce sujet.

 

Ces dernières années, le budget de la politique de cohésion a augmenté, mais la taille de l'UE aussi. Pensez-vous que le budget pour 2014-2020 devra être équivalent au budget actuel ?

Je ne pense pas que le budget doive être discuté maintenant. Les premiers points à définir sont les objectifs et l'agenda de la future politique. Le budget arrive après. Avec la crise économique actuelle, il y a un vrai besoin d'investissements publics, mais soyons réalistes, il y a aussi un problème de déficit budgétaire. J'espère que le budget pour 2014-2020 sera proche du budget actuel. Il faudra donc travailler pour améliorer l'efficacité et surtout l'efficience de la politique de cohésion. Il faut envisager de nouvelles sources de cofinancement : de la part de la BEI, d'investisseurs privés ou sur les marchés financiers. Mais la question du budget sera une question épineuse.

 

Pensez-vous que les objectifs actuels seront maintenus pour la prochaine programmation ?

Le dernier élargissement nous a donné une nouvelle Europe avec de fortes disparités entre les régions. Les défis actuels, comme l'énergie ou les changements climatiques, affectent différemment les régions. Et la crise actuelle concerne toutes les régions, même les plus développées. Une fois sortis de la crise actuelle, nous aurons sûrement une nouvelle carte de l'Europe et les régions qui à l'heure actuelle sont les plus développées auront peut-être besoin de nouveaux objectifs.

Nous avons besoin de voir tout d'abord quels sont les problèmes auxquels seront confrontées les régions après cette crise, à travers des études comme "Régions 2020" réalisée par la DG Regio. Il faut d'abord avoir une idée plus claire des problèmes avant de définir les objectifs. Mais il y a de fortes chances que les PME et l'innovation restent des priorités, de même que l'infrastructure pour les régions moins développées.

 

La Conférence des régions périphériques maritimes et d'autres organisations ont envoyé une lettre à des députés européens pour demander que des questions sur la politique de cohésion soient posées aux futurs commissaires lors des auditions. Cela sera-t-il fait ? Quels seront les thèmes abordés durant ces auditions ?

Pour le moment, nous ne savons pas qui sera le nouveau commissaire à la Politique régionale, ni quand les auditions auront lieu. Mais des questions sur la politique régionale seront posées, notamment sur son étendue, la stratégie pour l'après-Lisbonne (quel que soit le nom donné à cette stratégie), sur le retour de la croissance après la crise et sur l'implication des régions dans la reprise économique.

 

Certaines régions en France voudraient voir le développement rural dépendre de la politique de cohésion plutôt que de la politique agricole comme c'est le cas actuellement. Qu'en pensez-vous ?

C'est un point sur lequel les opinions sont partagées. Je pense que c'était une erreur de séparer le développement rural des fonds structurels, puisque maintenant dans certaines régions, nous avons différents instruments qui ont des objectifs semblables. Différencier ce qui est du ressort de la politique de cohésion et ce qui est du ressort du développement rural demande beaucoup de travail. La question de savoir si la politique de développement rural va passer ou non dans la politique de cohésion reste ouverte pour le moment. Ce qui est clair, c'est qu'il faut éviter que les politiques se chevauchent et qu'il faut réduire le coût administratif généré par cette séparation. On pourrait peut-être regrouper les autorités de gestion des programmes. Mais pour le moment, rien n'est décidé.


Propos recueillis par Marion Kilhoffer / Welcomeurope
 

 

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