Crise sanitaire : en l'absence de cantines scolaires, les collectivités aux côtés des élèves modestes
La fermeture des écoles en raison de l'épidémie de Covid-19 conduit les familles dont les enfants scolarisés fréquentaient la cantine à devoir les nourrir chaque midi. Cette situation nouvelle peut poser des problèmes économiques aux familles les plus modestes. Les collectivités ont pris la mesure de ces difficultés et de nombreuses initiatives sont déjà à l'œuvre.
C'est l'une des conséquences de la fermeture des écoles le 16 mars 2020 en raison de l'épidémie de Covid-19 : les cantines scolaires sont désertées et un grand nombre de familles économiquement modestes doivent désormais assurer à domicile tous les repas de leurs enfants.
"Depuis la fermeture des écoles, vingt-deux millions de Français ont quitté la restauration collective et mangent à la maison. Parmi ces vingt-deux millions, une petite moitié sont des enfants des écoles, collèges et lycées, et des étudiants, a affirmé Didier Guillaume, ministre de l'Agriculture, mercredi 8 avril à l'issue du conseil des ministres. Évidemment, cela change pour les familles modestes, puisque le coût d'un repas à la cantine peut être de deux ou trois euros [voire gratuits dans certains cas, ndlr], et lorsqu'on mange à la maison, cela coûte plus cher, même si les familles les plus modestes font très attention." Et le ministre de conclure : "Il faudra évidemment aider ces familles modestes qui ne pourraient pas fournir une nourriture équilibrée et suffisante à leurs enfants. Nous travaillons sur ce sujet au sein du gouvernement, mais il faut que cela se fasse en relation avec les collectivités territoriales."
Du côté des collectivités, justement, si dans un premier temps l'inactivité des cantines scolaires a conduit à chercher des solutions pour réaffecter les repas ou les stocks de produits, en livrant des Ehpad et des personnes âgées vivant à domicile ou en faisant des dons à des associations et des banques alimentaires (lire plus bas notre article du 30 mars), de nombreuses initiatives ont déjà vu le jour pour venir en aide aux familles les plus modestes.
Bons alimentaires
Deux types d'aides ont été mis en place par les collectivités. La plus fréquente consiste à octroyer une aide financière, qui peut prendre différentes formes. Le conseil départemental de la Haute-Garonne a ainsi créé un dispositif de "bons solidaires" pour les achats alimentaires et d’hygiène. "Cette aide sera mise en œuvre à destination des parents qui bénéficiaient d’une aide départementale pour la restauration scolaire de leur enfant en collège", indique le département dans un communiqué. Les familles concernées se verront allouer des titres de paiement nominatifs, à hauteur de 60 euros pas mois pour celles dont la restauration scolaire était prise en charge à 100% par le département (8.700 bénéficiaires) et à hauteur de 30 euros par mois, pour celles dont la restauration scolaire était prise en charge à 50% (13.000 bénéficiaires). Le dispositif, mis en œuvre pour le mois d’avril et un budget de 912.000 euros, est bien évidemment reconductible.
À Brest, une aide financière a été distribuée directement dans les boîtes aux lettres des ménages dont les enfants bénéficient en temps normal de la gratuité – près de 25% des enfants scolarisés dans les écoles publiques – ou d'un tarif très réduit à la cantine, soit un total de 2.200 enfants. Les familles brestoises dont les enfants mangent à la cantine des écoles maternelles et élémentaires Diwan (en langue bretonne) et privées sous contrat sont également concernées par ce dispositif sur la base des mêmes quotients familiaux. Le montant du chèque alimentaire varie de 150 à 120 euros par enfant. Le budget total du dispositif, s'étalant du début du confinement jusqu'à la fin avril, se monte à 300.000 euros.
La Ville de Paris a elle aussi annoncé, ce jeudi 9 avril en début de soirée qu'une "aide exceptionnelle" va être accordée aux familles bénéficiant des tarifs de cantine les plus bas (de 0,13 à 1,62 euro le repas), aide qui sera "versée automatiquement sur leur compte, sans aucune démarche à entreprendre de leur part, grâce à un partenariat avec la Caisse d’allocations familiales (CAF) de Paris". Son montant sera de 50, 100 ou 150 euros selon le tarif de cantine habituellement appliqué, avec 50 euros supplémentaires à partir du deuxième enfant, dans la limite de trois enfants. Un total de 28.579 familles parisiennes, soit 52 000 enfants, vont en bénéficier.
À Marseille – où des enseignants ont lancé un appel aux dons pour venir en aide aux familles dont les enfants sont privés de cantine –, le maire Jean-Claude Gaudin a annoncé le 8 avril que les familles des quelque "2.000 enfants qui bénéficient à l’ordinaire d’un repas gratuit à la cantine, [et] ne peuvent actuellement pas déjeuner tous les jours, faute de ressources", bénéficieront d'une aide destinée à "financer un repas complet et équilibré par jour et par enfant". Le maire précise que "les modalités de ce dispositif sont à l’étude avec les services de la caisse d’allocations familiales".
Si les dispositifs de distributions de bons alimentaires ont l'avantage de la simplicité, il est toutefois à noter qu'ils ne peuvent garantir la volonté exprimée par de nombreux élus de fournir des repas équilibrés.
Livraisons à domicile en REP
Une collectivité a, à ce jour, fait un choix différent pour venir en aide aux familles modestes : celui de fournir des repas au domicile des élèves. En Meurthe-et-Moselle, le conseil départemental a annoncé le 8 avril une action visant à livrer des repas à domicile aux collégiens bénéficiant habituellement du tarif de cantine le plus faible (0,50 euro par repas) mais également à leurs frères et sœurs. Le dispositif, élaboré avec les agents du département volontaires en concertation avec l’Éducation nationale et la direction des collèges concernés, est gratuit pour les familles. La livraison débutera le 10 avril, aura lieu chaque midi, du lundi au vendredi y compris pendant les vacances scolaires qui débutent le 11 avril dans l'académie de Nancy. Il s'adressera dans un premier temps aux enfants dépendant des collèges situés en réseau d'éducation prioritaire (REP) du Grand Nancy avant d'être étendu aux élèves des autres collèges REP du territoire.
Fournir des repas à domicile oblige à mobiliser d'importants moyens humains et logistiques. En Meurthe-et-Moselle, une équipe de cuisine réduite, composée d’agents du conseil départemental, assurera la fabrication des repas et quinze autres agents volontaires du département se chargeront de la distribution. Et cela sans compter sur les équipes de direction volontaires des collèges qui se chargent de contacter les familles concernées afin de recenser les besoins. Mais cette solution comporte de nombreux avantages : Elle évite de mettre à l'arrêt les cuisines et leurs personnels, permet l'utilisation des stocks alimentaires existants et le maintien des contrats avec les fournisseurs et, enfin, assure des repas équilibrés aux enfants.